samedi 27 décembre 2008

PHILOSOPHIE ET REVELATION

PHILOSOPHIE ET REVELATION

Par Dr AKE Patrice Jean, Maître-Assistant de Philosophie à l’UFR-SHS de l’Université de Cocody (Abidjan, Côte d’Ivoire), patriceake@ucocody.ci

INTRODUCTION

Dans son sens le plus général, la philosophie consiste en la prétention de connaître et d’enseigner la vérité sur les choses[1]. Elle cherche à saisir la masse des choses données comme un Tout ; c’est-à-dire qu’elle veut y découvrir un ensemble raisonnablement organisé. Mais comment les grands philosophes sont-ils arrivés à la philosophie ? L’hypothèse que nous voulons privilégier dans cet article est le suivant : la philosophie tient son savoir d’une révélation. Nous voulons entendre le concept théologique de révélation dans le sens de P. Eicher qui le présente, à l’intérieur de la théologie, comme une catégorie fondamentale herméneutique, c’est-à-dire comme un critère ultime d’interprétation par rapport à la tradition de la foi chrétienne, à son caractère salvifique, à sa formation normative, et à son homogénéité[2]. Le mot révélation signifie donc la condition de la foi et en même temps l’inverse, car finalement la notion de révélation peut aussi désigner, selon Fries, la totalité de la foi chrétienne et s’entendre à juste titre d’une notion de théologie transcendantale[3].

La philosophie qui reçoit son enseignement d’une révélation reste dans la ligne des anciennes théogonies. Ainsi, nous voulons réfléchir à partir du récit de Parménide, qui raconte que le char du soleil l’a conduit à la déesse qui lui a tout enseigné. Son poème sur l’être, n’est à strictement parler, rien d’autre qu’une révélation de la déesse, comme celui d’Hésiode n’est que le chant des Muses.

LA REVELATION SUR L’ETRE

La révélation a fait irruption dans la philosophie dès son origine et ce, depuis l’époque de Parménide d’Elée, 500 ans avant Jésus-Christ. Dans son unique traité sur la Nature, rapporté par Sextus Empiricus et Simplicius, le philosophe raconte comment il a été reçu par la déesse : « La divinité qui porte l’homme qui sait à travers toutes les cités[4], » et « la déesse me reçut avec bienveillance et prenant ma main droite dans la sienne, m’adressa ces paroles[5]. » Et c’est ainsi que la déesse fait cette révélation à Parménide en disant : « Jeune homme, toi qui es venu à ma demeure, en compagnie d’immortels conducteurs de chars menant les cavales qui t’ont porté, salut ! Ce n’est pas un mauvais sort qui t’a conduit sur ce chemin bien éloigné de celui que les pas des hommes empruntent couramment, mais le droit et la justice. Il convient que tu apprennes toutes choses, aussi bien le cœur inébranlable de la vérité bien arrondie que les opinions des mortels, dans lesquelles on ne peut pas vraiment mettre sa confiance. Néanmoins, tu apprendras cela, comment ce qui est cru devrait être vraiment, pénétrant toutes choses de part en part[6]. »

Cette révélation qui est la connaissance d’une vérité que le commun des mortels ne peut atteindre, vient d’une tradition chamanistique. En effet, le voyage de Parménide vers la divinité rappelle le parcours magique des chamans. Les Grecs, aux dires de Dodds, ont été influencés par la culture chamanistique d’Asie centrale[7]. Cet auteur accorde dans son ouvrage une large part aux rêves. Les poèmes homériques, écrits au VIIIe et VIIe siècle constituent le point de départ de l’analyse ; on y trouve de nombreux récits de rêves dans lesquels un personnage nommé Oneiros, dieu ou héros mythique, entre dans la chambre du dormeur et délivre un message. Plus l’homme est important, plus le message aura valeur d’oracles. Dans d’autres récits, le rêve est une vision qui nécessite une interprétation. Comme la plupart des autres peuples, les Grecs font une distinction entre ceux qui sont vrais et passent par la « porte de corne », et ceux qui trompent et passent par « la porte d’ivoire ». Le rêve grec présente un caractère particulier : il est vu par un dormeur passif. Le rêve homérique est envoyé au dormeur par un autre monde, tout aussi objectif que celui de la veille, celui des dieux et des héros : il est reçu comme un présent et est en cela recherché.

Où faut-il chercher une autre preuve que celle que nous trouvons dans le poème de Parménide sur l’existence d’une tradition chamanistique dans la philosophie grecque antique ? Ce qui importe ici surtout, c’est la divinité qui commence par spécifier les seules voies de recherche. Il est important de relever en outre le rôle primordial que joue la divinité dans la pensée philosophique à l’origine. La déesse est là pour désigner les alternatives logiques et cohérentes parmi lesquels les chercheurs rationnels doivent choisir.

A suivre….


[1] GIGON(Olof).- Les Grands problèmes de la philosophie antique (Paris, Payot, 1961), p. 11

[2] EICHER(P.).- Offenbarung. Prinzip neuzitlicher Theologie, (München, 1977), p. 48.

[3] FRIES(H.).- MySal. 1, (Paris, Cerf, 1965), p. 159.

[4] EMPIRICUS(Sextus).- Adversus Mathematicos VII, 3 ; SIMPLICIUS.- In Aristotelis Physicorum libros, de Caelo 557, 25ss (Comment. In Arist. Graeca, éd. De l’Académie de Berlin, H. Diels, 1882.

[5] EMPIRICUS(Sextus).- Adversus Mathematicos VII, 3 ; SIMPLICIUS.- In Aristotelis Physicorum libros, de Caelo 557, 25ss (Comment. In Arist. Graeca, éd. De l’Académie de Berlin, H. Diels, 1882.

[6] EMPIRICUS(Sextus).- Adversus Mathematicos VII, 3 ; SIMPLICIUS.- In Aristotelis Physicorum libros, de Caelo 557, 25ss (Comment. In Arist. Graeca, éd. De l’Académie de Berlin, H. Diels, 1882.

[7] DODDS (Eric, Robertson).- Les Grecs et l’irrationnel (Paris, Champs, Flammarion 1977)

1 commentaire:

megat a dit…

I think your blog is really interesting ... especially this post :)