vendredi 24 octobre 2008

HOMMAGE A MADAME BARBOZA NEE KABORE TIMPOKO FREDERIQUE

HOMMAGE A MADAME BARBOZA NEE KABORE TIMPOKO FREDERIQUE

clip_image002

1. LA VEILLEE MORTUAIRE

Décédée le 19 Septembre 2008 au CHU de Treichville, Madame Barboza née Frédérique Timpoko Kaboré, a eu droit à des funérailles chrétiennes. Celles-ci ont débuté par la veillée mortuaire en sa mémoire, à l’UCAO-UUA, le vendredi 10 Octobre 2008 de 19h à 22h15. Après la prière d’ouverture et le mot de bienvenue, la chorale nous a gratifiés de très beaux cantiques. La méditation des mystères glorieux et la lecture des textes bibliques ont meublé notre méditation. Ont été lus un extrait du livre des Lamentations et un autre de l’épître aux Romains. Puis l’Evangile des Béatitudes a été acclamé et commenté par le P. Zacharie Béré. Le Maître des Cérémonies a insisté sur les vertus évangéliques de simplicité, de convivialité et d’endurance qui ont marqué la vie de Frédérique. Elle aimait apprendre et avait cette volonté et cette détermination qui lui ont permis d’obtenir son BTS en secrétariat en cours du soir. L’informatique n’avait plus aucun secret pour elle.

La veillée a aussi été ponctuée de témoignages de personnes qui ont bien connu Frédérique. Tour à tour, Mme Sana Mariam, les étudiants Bamba, les secrétaires, et l’employé de la reprographie, Michel, ont donné leurs témoignages. Frédérique a commencé à travailler à l’UCAO-UUA en 1989, en tant que stagiaire, proposée aux ventes de cassettes audio et vidéo à l’ISCOM au temps du P. Van der Mar qui est décédé, peu après et le centre a été fermé. Puis le P. Gaston Sanon l’a proposé comme secrétaire de la Faculté de Philosophie. Frédérique a protesté en lui disant qu’elle ne savait rien et qu’elle n’avait que le Brevet d’études du second cycle. Le P. Gaston lui a dit aussi que lui non plus n’en savait rien.

Elle est restée 20 ans dans ce département. Les étudiants l’appelaient « maman » ou « tantie » car elle était, pour les uns, une mère, pour les autres, une tante, une conseillère, une amie, une sœur. Elle nous quitte en nous laissant, un mari, Mr. Barboza Hyacinthe et un fils de 8 ans, Martial. Freddy que ton âme repose en paix et que ta joie communicative continue de nous habiter.

2. LA MESSE D’ENTERREMENT

Ce matin du Samedi 11 octobre 2008, nous nous sommes rendus à la Paroisse St Jean Marie Vianney de Vridi-Cité, où nous attendait déjà une foule compacte de proches parents et ‘amis de la défunte. Dès notre arrivée, le Père Tossou et moi, avons pris quelques moments de recueillement, à la chapelle devant le Très saint sacrement, tandis que la chorale nous gratifiait de beaux cantiques de son riche répertoire. La dépouille mortelle de Frédérique est arrivée à 8h30 précise et le cercueil laissait apparaître un visage amaigri, marqué par la souffrance et la douleur. Des sanglots fusaient çà et là, ainsi que des pleurs. De nombreux prêtres, des religieux et religieuses, des séminaristes et tout le personnel de l’UCAO-UUA prenaient place dans l’église. Une chapelle bien aérée et bien construite, qui avait fière allure, consacrée à St Jean Marie Vianney. Un baptistère splendide, avec un conduit d’eau montrait une cuve sur laquelle la Vierge Marie, source du salut trônait vers le ciel.

A 9h moins 10 minutes, le P. Gaston Sanon, arrivé fraîchement du Burkina Faso s’est incliné le premier sur le dépouille de Frédérique, puis a salué la famille qui jusque là était assise près du cercueil, hors de l’église. Puis les Pères AKE et TOSSOU sont venus à leur tour, effectuer le même rituel. La levée de corps a été faite par le Père AKE, de façon très classique : une salutation très brève, le chant des Profundis (Ps 139), puis un Pater et un Ave, avec une prière de conclusion. Puis l’entrée à l’église a pu se faire.

La messe a été présidée par le vicaire de la paroisse (un clarétain) étudiant à l’UCAO. 1 texte a été entendu, de l’épître aux Romains qui disait qu’aucun d’entre nous ne vivait pour soi-même, ni aucun ne mourait pour soi-même… Dans notre vie, comme dans notre mort nous appartenons au Seigneur. Car si le Christ a vaincu la mort, puis la vie, c’est pour devenir le Seigneur, et des morts et des vivants.

Le P. Brice Bini(O.P.) a donné l’homélie du jour, tiré du jugement dernier, de Mt 25. Il a axé son homélie sur la tragédie de la mort et son inéluctabilité. Pour lui, il y aura toujours des interrogations autour de la mort des êtres que nous aimons. Si beaucoup de bons et beaux témoignages ont été donnés sur Freddy, il faut intégrer cette mort, à ces témoignages. Freddy a beaucoup donné à l’UCAO : entrée dans cette institution en 1989 avec le niveau BEPC, elle s’est battue, avec cette volonté d’apprendre indéracinable, jusqu’à obtenir son BTS de secrétaire. Mais le Père n’a pas manqué de rappeler les engagements pris par les secrétaires au cours de la veillée, celui de demeurer une mère pour le jeune Martial, le fils de huit ans de la défunte. Le second engagement portait sur l’avenir de l’UCAO. Quelqu’un s’est laissé à dire à la veillée que l’UCAO ne serait plus comme avant, après la mort de Frédérique. Le P. nous a tous invités au dépassement pour porter haut le flambeau de l’UCAO, par notre endurance au travail et notre persévérance. Frédérique avait aussi beaucoup pleurer, a-t-il conclu, malgré toutes les témoignages sur sa jovialité.

Après l’offertoire et la consécration, puis la communion, ce fut au tour du P. Gaston Sanon de donner l’absoute. Dans son style propre à lui et son humour légendaire, il a dit que les mots ne lui manquaient pas, mais qu’ils l’étouffaient. Quand il sera rentré au Burkina, il dira tout simplement aux parents que Frédérique a pris sa retraite anticipée de l’UCAO. Le Père a par la même occasion remercié Freddy pour le travail accompli pendant ces longues années.

Finalement, le morceau de choix a été réservé au P. Raphaël TOSSOU, président de l’UCAO, qui devait enterrer sa fille. Il l’a fait, la gorge nouée par l’émotion et les larmes. Freddy repose désormais au cimetière de Vridi-Cité. Là où il y a quatre déjà, elle avait enseveli son fils aîné.

P. AKE Patrice Jean, en souvenir d’une grande amie.

lundi 6 octobre 2008

LES ATTENTES DES CATHOLIQUES FRANCAIS

En France, des catholiques insistent sur l’urgence pour tous de « revenir à la source » de l’Écriture, sans négliger l’étude du texte
I
ls ne seront pas au Synode des évêques, mais observeront ses travaux avec attention. Exégè­tes, formateurs, animateurs de groupes bibliques, ils énoncent volontiers ce qu’ils aimeraient voir mis en valeur dans les échanges des évêques sur «la Parole de Dieu ». D’abord, la place centrale de l’Écriture dans la vie de l’Église. « J’aimerais que le Synode insiste sur la dimension biblique de toute la pastorale , avance le P.Gérard Billon, théologien et responsable du service biblique catholique « Évangile et vie ». Il ne suffit pas de créer des groupes bibliques un peu partout, mais il faut que l’Écriture irrigue toute la vie de l’Église.»
Myriam Callet, responsable de la formation biblique pour le diocèse de Saint-Étienne, insiste sur la for­mation des ministres. « Il faut que le Synode redise la nécessité d’une formation à l’homélie pour les prê­tres et les diacres » , souligne-t-elle. Françoise Larroque, responsable d’un groupe biblique œcuméni­que depuis cinquante ans dans le diocèse de Saint-Denis, va dans le même sens : « Les pasteurs protes­tants sont beaucoup mieux formés et, du coup, il faut reconnaître que les protestants connaissent mieux la Bible que nous, catholiques. » Autre attente : la revalorisation de l’étude de la Bible, dont le texte est souvent déconcertant, et la culture dont il témoigne lointaine. «Beaucoup de lecteurs ont des difficultés avec l’Ancien Testament, le visage d’un Dieu violent et les textes immoraux qu’on y trouve », témoigne Myriam
Callet, qui souligne aussi le risque que le texte biblique soit « utilisé » pour « justifier des positions ».
« Pour certains catholiques, le fon­damentalisme est rassurant
, cons­tate-t-elle. Ils aimeraient pouvoir se passer d’un travail sur le texte, et prier tout de suite, parfois avant même de l’avoir lu ! »
Où en est-on aujourd’hui dans la lecture de la Bible, au sein de l’Église de France ? Après la remise en valeur de l’Écriture par le con­cile Vatican II, les communautés catholiques sont passées par trois phases. Dans les années1960 et 1970, d’abord, le boom des grou­pes bibliques, d’emblée œcuméni­ques, qui ont cherché à vulgariser une approche critique et scientifi­que du texte biblique. Deuxième étape, dans les années 1990, avec le développement des « Écoles de la Parole » et des groupes de « lectio divina », visant à promouvoir une connaissance plus intérieure des Écritures, proposant un itinéraire pour passer de la connaissance du texte à la reconnaissance de la Parole de Dieu. Aujourd’hui, les communautés sont entrées dans une nouvelle phase, caractérisée par la multiplication des initiatives visant à promouvoir une lecture suivie de l’Écriture, notamment dans le cadre des « Années de la Parole ». Un mouvement qu’il faut encourager, selon le P. Gérard Billon : « C’est une approche moins technique que l’approche historico­critique, et moins “spiritualiste” – au mauvais sens du terme – que les dé­rives auxquelles expose une mau­vaise compréhension de la “lectio divina”. » Il y a pour lui aujourd’hui une nécessité : celle d’insister sur l’importance du texte, tel qu’il est, en prenant le temps de l’observer et de l’étudier à plusieurs.
Soutenir la soif de l’Écriture, Sœur Élisabeth, moniale domi­ nicaine, aimerait voir figurer cet objectif au rang des priorités du Synode. Cette soif, elle la cons­tate à chaque rencontre du groupe biblique qu’elle anime au monas­tère Saint-Dominique de Dax. Les membres de ce groupe se situent
« à des niveaux très divers dans la vie de l’Église et la connaissance du texte »
, mais ils se donnent tous « la peine d’un travail en profondeur » , souligne-t-elle, admirative. « Dans cette rencontre avec l’Écriture, ils découvrent avec un certain émerveillement leurs racines. Je le vois à la manière dont leur regard s’intériorise. Ils sont concentrés, ten­dus vers un “plus grand”, un “plus profond”. » Pour la religieuse, il est essentiel que le Synode vienne ren­contrer cette soif. « Le Synode serait un échec s’il restait au niveau des petites recettes , prévient-elle. J’ai envie d’un souffle adressé à tous, pas seulement aux évêques ou au monde ecclésiastique, qu’on s’élève un peu, qu’on approfondisse. Que le Synode essaie de transmettre un message fort : que la Parole est fondamentale et qu’elle est source de vie. »
S’il y a une soif à ne pas dé­cevoir, il s’en faut de beaucoup qu’elle soit largement partagée. Le concile Vatican II avait pour­tant ardemment souhaité que les fidèles, « pareillement » aux clercs, bénéficient de la lecture directe de la Bible et d’une familiarité avec le texte des Écritures. « Il faut le redire et le redire , insiste Sœur Élisabeth.
Trop souvent encore la Parole reste celle de la messe, découpée par petites tranches, dans des lectures que beaucoup ne comprennent pas.» «Il y a encore nécessité de pousser l’ensemble des chrétiens à se saisir de la Parole »
, confirme le P. Jean-Pierre Lémonon, exégète, qui attend du Synode « qu’il libère vraiment la Parole de Dieu, alors que trop de chrétiens ont peur de se tromper, peur que la parole qu’ils pourraient dire sur l’Écriture ne soit pas pleinement orthodoxe ».
Cette « source » que constitue l’Écriture, le P. Gérard Billon aime­rait la voir placée à sa « juste place »,
alors que certaines communautés doivent désormais se passer de cé­lébrations eucharistiques, faute de prêtres disponibles. « Dans notre monde, où les communautés chré­tiennes ont moins la possibilité de s’abreuver à l’Eucharistie, il faut redire que la foi peut s’abreuver à la Parole de Dieu et que les commu­nautés peuvent se nourrir du pain de la Parole » , plaide-t-il. « Il faut remettre la Parole de Dieu au cen­tre des communautés chrétiennes,
insiste également le P. Jean-Pierre Lémonon. En nous rappelant que la Parole elle-même est sacrement, le signe de la présence de Dieu parmi nous. » Pour tous, enfin, le Synode ne devra pas se payer pas de mots. « C’est l’occasion pour les évêques de montrer qu’eux-mêmes se nourris­sent de ce dont ils parlent » , souligne le P. Gérard Billon, qui rappelle l’insistance du concile Vatican II :
« Nul ne peut annoncer à l’extérieur ce dont il n’est pas nourri à l’inté­rieur. »
Sœur Élisabeth va dans le même sens: «Nos évêques sont surchargés par des tâches diverses, il faut que le goût de la Parole soit revivifié en eux. »

LES HOMMES CLEFS DU SYNODE

Image_2

Benoît XVI, inspirateur d’un thème qui lui est cher
Le premier Synode du pape, sur l’Eucharistie en octobre 2005, avait été programmé par son prédécesseur. Cette fois, il a lui-même choisi le thème de la Parole, auquel il accorde une grande importance, persuadé, comme il l’a dit à Paris, que «la recherche de Dieu requiert intrinsèquement une culture de la Parole » . Dans son livre sur Jésus, Benoît XVI explicite ce qu’il pense être une juste méthode de compréhen­sion des Écritures. Le pape assistera aux débats dans les limites de son propre agenda. Lors du précédent Synode, il était notamment présent pour l’heure de discussions libres. Il avait aussi donné quelques méditations. Il pourra en outre s’exprimer au cours de plusieurs célébrations : messes d’ouverture et de clôture…
Cardinal Marc Ouellet, l’artisan des premières synthèses

Ce fidèle de Benoît XVI est chargé des deux rap­ports importants qui marquent la première partie de ce Synode. Dès lundi, l’archevêque de Québec présentera la « relatio ante disceptationem », qui devrait donner les grands thèmes de discussion et que les pères synodaux ont dans leurs dossiers depuis un mois. Surtout, il lui revient de proposer la synthèse des débats de la première partie du Synode, et d’indiquer les points sur lesquels il lui semble opportun de discuter dans les groupes de travail ( « relatio post disceptationem » ). Ce théo­logien, spécialiste de l’œcuménisme pour avoir été secrétaire du Conseil pontifical de l’unité des chrétiens (2000-2002), pourrait aussi insister sur la perte de la culture biblique dans nos sociétés modernes. Dans un Canada très sécularisé, il s’est beaucoup impliqué contre la loi sur l’en­seignement des religions qui met sur le même plan toutes les religions.
Mgr Laurent Monsengwo, un Africain secrétaire spécial

Pour la première fois, le secrétaire spécial du Synode, qui a un rôle important pour la rédac­tion des propositions, est un Africain. C’est faire justice à ce continent, qui représente désor­mais 15 % des catholiques du monde. Bibliste, Mgr Monsengwo est particulièrement sensible au thème de l’inculturation de la Parole de Dieu. L’archevêque de Kinshasa (République démocratique du Congo) devrait aussi mettre l’accent sur ses implications pastorales pour l’Église, lui-même étant très attentif aux réa­lités sociales de son pays et ayant joué un rôle important dans le processus de paix, après la chute de Mobutu.
Patriarche Bartholomeos I
er de Constantinople, une prime à l’œcuménisme et à l’Orient
Même Canon des Écritures, même relation à la Tradition : s’il est un sujet que catholiques et orthodoxes ont en commun, c’est bien la Bi­ble. Rien d’étonnant à ce qu’un représentant orthodoxe soit donc invité à s’exprimer devant le Synode. Il s’agit là du premier d’entre eux : le patriarche œcuménique Bartholomeos I
er de Constantinople, qui bénéficie d’une primauté d’honneur au sein de l’orthodoxie. C’est le signe de l’ouverture œcuménique de ce Synode et, par là, d’un pontificat qui a fait de la relation à l’Orient une de ses priorités.
Le rabbin Shear-Yashuv Cohen, rappel de l’ancrage juif de la Bible

Issu d’une famille où, depuis 18 générations, on est rabbin de père en fils, le grand rabbin de Haïfa peut réciter pratiquement toute la Torah. Coprésident de la Commission pour le dialogue entre Israël et le Vatican, c’est un habitué du dialogue interreligieux, y compris avec les musulmans. L’invitation à venir s’ex­primer aujourd’hui devant les pères synodaux – la première fois pour un non-chrétien – re­présente tout un symbole. C’est le signe, dans la suite du document de la commission ponti­ficale biblique de 2001 « Le peuple juif et leurs Écritures sacrées dans la Bible chrétienne », que la compréhension chrétienne de la Parole de Dieu ne peut faire l’impasse sur son ancrage dans le peuple juif.

BENOIT XVI DIT L'URGENCE DE L'ANNONCE DE LA PAROLE

Synode des évêques
La Parole de Dieu

En ouvrant hier à Rome le Synode des évêques, le pape a vigoureusement mis en garde une culture moderne qui pense pouvoir se passer de la Parole de Dieu

ROME

Synode1

S
i d’aucuns doutaient de l’in­térêt du thème choisi pour ce Synode, la Parole de Dieu, Benoît XVI s’est chargé de le leur rappeler vigoureusement, hier, lors de la messe d’ouverture en la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs. Dans une homélie aux accents sé­vères, qui n’était pas sans rappeler celle du cardinal Ratzinger avant l’ouverture du conclave, le pape a repris ce cri de saint Paul : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évan­gile!» Annoncer l’Évangile et la Parole de Dieu est plus que jamais urgent, a-t-il martelé. Pour ce pape européen qui a une attention parti­culière à la place de la Parole dans la culture, les « peuples qui ont reçu l’annonce de l’Évangile » doivent se sentir particulièrement interpel­lés. Le pape a rappelé le déclin des premières communautés chrétien­nes, qui, florissantes alors, « ont aujourd’hui disparu et ne sont plus que dans les livres d’histoire » … Pour les vieux pays chrétiens, « ne pour­rait-il pas advenir de même à notre époque ?, s’inquiète Benoît XVI.
Des nations, un temps riches de foi et de vocations, perdent désormais leur identité propre, sous l’influence délétère et destructrice d’une certaine culture moderne.»
Et le pape ne craint pas, devant les 253 pères synodaux, d’évoquer même le « châtiment » divin, auquel Dieu a « souvent dû recourir » devant « la froideur et la rébellion de chrétiens incohérents ».
Rarement Benoît XVI, qui s’expri­mait dans la basilique même où, il y a cinquante ans, Jean XXIII a lancé le concile Vatican II, aura été aussi dur sur notre société qui a « éliminé Dieu de son propre horizon ». Une société où ne règnent que «l’arbitraire du pouvoir, les intérêts égoïstes, l’injus­tice et l’exploitation, la violence dans chacune de ses expressions». Faut-il pour autant désespérer ? Non, répond Benoît XVI qui, de manière là encore assez étonnante, semble indiquer que l’avenir du christianisme est ailleurs qu’en Europe. « Si dans cer­taines régions la foi s’affaiblit jusqu’à s’éteindre, il y aura toujours d’autres peuples prêts à l’accueillir. »
Où les pensées de Benoît XVIse dirigent-elles ? Peut-être vers l’Afri­que : le secrétaire spécial du Synode n’est-il pas pour la première fois un évêque de ce continent ? Ou encore vers l’Asie, bien représentée, même si, cette fois encore, il n’a pas été pos­sible de faire venir des évêques de Chine continentale. Mais sans doute pense-t-il d’abord à l’Église d’Europe qu’il veut, avant que les discussions ne commencent, alerter.
C’est bien là la manière de ce pape qui, ennemi du politiquement correct, ne craint pas d’employer la manière dure pour mieux marquer son propos. « Seule la Parole de Dieu peut changer profondément le cœur de l’homme, et il est alors important que chaque croyant et chaque com­munauté entrent dans une intimité toujours plus grande avec elle» , souligne-t-il alors, expliquant par là le choix du thème de cette XII
e assemblée du Synode.
«Il faut que l’Église fasse vraiment de la Parole le socle de toute sa vie»
, insiste d’ailleurs, à la sortie de la basilique Saint-Paul-hors­les-Murs, Mgr Emmanuel Lafont, évêque de Cayenne (Guyane), l’un des quatre délégués de la Conférence des évêques de France. «Mais pour cela , continue-t-il, il faut qu’elle cesse d’avoir peur de la donner largement autour d’elle. » Peur ? « On craint tel­lement que les gens se trompent en la lisant! On n’a pas suffisamment confiance dans la puissance de cette Parole! Il faut que les prêtres aient constamment cette Parole à la main, à la bouche, qu’ils en donnent le goût. » « Impulser dans l’Église une lecture “goûteuse” de la Bible» , c’est aussi ce que Mgr Francis Deniau, évêque de Nevers, attend de ce Synode. « Une Parole qui ne soit pas seulement un objet d’étude ou d’his­toire , explique-t-il. Il faut étudier la Parole, mais cette étude doit permettre de l’accueillir pour nous aujourd’hui. »
Selon lui, c’est l’un des objectifs des évêques français qui, à l’occasion de leur réflexion sur la catéchèse, souhaitent justement remettre au goût du jour la lectio divina. Une expérience parmi d’autres, que les évêques français partageront aux pères synodaux qui débuteront leurs travaux dans la salle du Synode de l’aula Paul-VI, au Vatican.

LES MECANISMES DE LA CRISE FINANCIERE

samedi 4 octobre 2008

L’AFRIQUE ET LA CRISE FINANCIERE INTERNATIONALE

INTRODUCTION

Un vaste plan de sauvetage des banques américaines a été promulgué ce vendredi 3 Octobre 2008, par le président George W. Bush, peu après avoir été adopté par la Chambre des représentants et deux jours après l'aval du Sénat, une mesure attendue par les places boursières du monde entier. Ce plan de 700 milliards de dollars donne au Trésor américain des moyens historiques pour intervenir sur le secteur financier. La Chambre a approuvé vendredi par 263 voix contre 171 cette "Loi de stabilisation économique d'urgence 2008" de 850 milliards de dollars en tout, si l'on compte le coût des amendements divers ajoutés au cours d'âpres négociations pour satisfaire les élus récalcitrants. Le président américain George W. Bush a immédiatement jugé ce plan "essentiel pour aider l'économie américaine à survivre à la tempête financière" mais a averti que "cela prendrait du temps" avant que les effets du plan ne se fassent sentir. ED5976B5A3FDE6B5CA2CCDA164F782

La science économique élabore des modèles des phénomènes sociaux. Par modèle, nous entendons une représentation simplifiée de la réalité[1]. La crise financière internationale, en ce mois d’octobre 2008, continue d’affecter sérieusement l’économie mondiale et les populations les plus fragiles. L’intégration financière mondiale comportait de nombreux avantages, mais rendait les pays plus vulnérables aux risques cachés et aux sautes d’humeur des investisseurs[2]. Des mouvements de capitaux privés instables semblaient être associés aux taux de croissance fluctuants qui affectaient surtout les pauvres (ceux-ci manquant des ressources requises pour surmonter les tempêtes économiques[3].

En raison de leurs manque d’actifs, les pauvres ont plus de mal que les riches à ralentir leur consommation en période difficile. Proches du minimum de survie, ils travaillent généralement dans les secteurs touchés de plein fouet par les cycles économiques (agriculture, construction). La finance devient alors clé de la mondialisation car l’absence des marchés financiers fait peser une grave menace sur la paix. Il faudrait une meilleure réglementation des marchés financiers, puisque le développement de la finance risque de suivre une logique toujours plus auto-préférentielle sans lien avec la base réelle de l’économie[4]. De plus tous les acteurs doivent être recentrés sur l’économie. En effet, une économie financière qui est une fin en soi, est destinée à contredire ses finalités, car elle se prive de ses propres racines et de sa propre raison constitutive, et par là de son rôle originel et essentiel de service de l’économie réelle et, en définitive, de développements des personnes et des communautés humaines.[5]Voilà pourquoi, plus le système économique et financier mondial atteint des niveaux élevés de complexité fonctionnelle et d’organisation, plus le devoir de réguler ces processus, apparaît prioritaire, pour les finaliser à la poursuite du bien commun de la famille humaine[6].

La crise actuelle est d’un caractère particulier qui contraste avec les précédentes, car il s’agit d’une crise structurale, longue et qui affecte la création des richesses. Il s’agit des déséquilibres dans le système, notamment la disjonction entre la finance et l’économie. Les marchés financiers qui jouent un rôle essentiel dans le développement de l’économie doivent impérativement faire l’objet d’une régulation appropriée. Or nous assistons aujourd’hui à une crise qui fait tache d’huile dans la sphère des établissements financiers. Elle résulte de pratiques financières complexes et sème des laissés-pour-compte dont le sort ne peut laisser indifférent. Il existe un effet de cascade par lequel des difficultés originellement limitées s’étendent par contagion à l’ensemble de la planète financière et même à l’économie réelle. En même temps, et par delà la crise des subprimes aux Etats-Unis, est apparue une autre crise : celle des matières premières, amplifiée par la spéculation. Contrairement à ce que nous pensons peut-être, nous sommes tous concernés par ces deux crises, les responsables des organismes financiers comme chacun d’entre nous.

1. A L’ORIGINE DE LA CRISE FINANCIERE :

1.1. LA QUESTION DES SUBPRIMES

La crise qui a éclaté au cours de l’année 2007 trouve son origine dans la diffusion massive de crédits immobiliers aux Etats-Unis. Tant que le marché américain de l’immobilier était en croissance, des prêts immobiliers hypothécaires à risque (de catégories « subprimes », c’est-à-dire des prêts accordés à des emprunteurs à la situation financière fragile) ont été consentis en masse ; les organismes prêteurs prévoyant, en cas de défaillance des emprunteurs, de se rembourser des crédits accordés par la revente des immeubles financiers.

Pour accroitre leur volume d’opérations sans prendre davantage de risques, ces organismes ont « titrisé » une partie de ces financements. Les titres sont des instruments financiers qui donnent droit à certains flux de revenus. Il existe de nombreux types de titres financiers, parce que les gens désirent différents types de paiements. Les marchés financiers offrent aux gens la possibilité d’échanger différents « cash flow » au fil des temps. Ces « cash flow » sont généralement utilisés pour financer la consommation au cours de l’une ou l’autre période[7].

Les organismes ont revendu ces titres à des établissements financiers et à des fonds de placements, entre autres. Ces opérations avaient l’avantage pour les prêteurs de les délester d’une grande partie de leur portefeuille de crédits et leur permettaient de continuer à prêter à de nouveaux emprunteurs. L’ensemble a été rendue possible en raison de l’abondance de liquidités dans le monde. Beaucoup d’investisseurs financiers en de nombreux pays d’Europe et plus tard la Chine, la Russie, les pays du Golfe ou Singapour (par des fonds souverains), ont acheté ces titres qui offraient un rendement élevé et bénéficiaient d’une note de qualité de la part d’agences de notation. Ces agences de rating ou notation, en effet, attribuaient aux instruments financiers une note qui reflétait leur qualité.

La titrisation permettait ainsi une mutualisation des risques et engendrait une appréciable fluidité du marché financier, mais elle présentait l’inconvénient de créer un risque systémique dont les acteurs individuels n’évaluaient pas l’ampleur (On fait état de 2 millions de personnes environ en 2007-2008). Ce risque à effet domino déstabilisait l’ensemble du système.

1.2. La défaillance des emprunteurs

A partir de 2006, le marché de l’immobilier américain commençait à plafonner et même à enregistrer une baisse. Les ménages éprouvaient les difficultés à honorer les échéances de leurs emprunts du fait de l’augmentation des taux d’intérêt variables qui grimpaient après la période caractérisée par des taux très bas. La valeur patrimoniale des biens gagés (les logements) ne couvraient plus les créances, ce qui ne permettaient pas à l’emprunteur, soit de revendre le bien, soit de renégocier le calendrier de remboursement. Le schéma sur lequel étaient basés ces prêts hypothécaires s’effondrait.

Ainsi, le phénomène a mis en lumière les excès d’un marché immobilier dynamisé, au point de départ, par des taux d’intérêt variables qui étaient alors bas et par des prix de l’immobilier en constante progression. Les intermédiaires dont l’objectif était d’augmenter le volume de leurs opérations se sont adressés à des ménages dont la solvabilité était incertaine et qui se sont trouvés dans l’incapacité d’honorer leurs traites dès l’augmentation des taux d’intérêt.

1.3. Crédit et capacité d’emprunt

Aux Etats-Unis, le rapport à l’argent et au crédit est différent de l’Afrique. Le « prêt hypothécaire rechargeable » est un mécanisme qui traduit la confiance dans l’avenir. Il consiste en ce que les banques n’attendent pas qu’un crédit soit parvenu à son terme pour en proposer un autre. De même, lorsque la valeur du bien immobilier augmente, l’organisme de crédit offre la possibilité de nouveaux crédits (crédits immobiliers, crédits d’équipements ou crédits à la consommation) qui s’ajoutent au crédit précédent et ainsi de suite. De ce fait, l’emprunteur a souvent plusieurs crédits en cours. C’est une pratique courante qui fait dépendre la capacité d’emprunt des ménages de la valeur globale de leur patrimoine immobilier.

Cela constitue un danger pour les personnes qui empruntent ; d’autant plus que les habitudes de consommation ont poussé les ménages à utiliser ces facilités pour acheter toujours plus de biens de consommation et d’équipement. Dans le cas précédent et parmi ces ménages, les plus vulnérables n’étaient pas suffisamment n’étaient pas suffisamment avertis du risque encouru. Obligés de vendre leur logement, poussés à la rue, c’est pour eux que les conséquences ont été les plus dramatiques alors qu’ils pensaient accéder à la propriété de leurs logements.

1.4. La crise se propage sur le marché financier

Les techniques financières modernes, dont la tritrisation ont permis aux prêteurs immobiliers américains de diffuser leurs créances dans l’ensemble du système bancaire mondial. Les créances placées partout dans le monde par les banques et les sociétés financières, étaient largement détenues par des porteurs de titres qui attendaient le moment favorable pour les revendre en réalisant des plus values.

Les premières défaillances des acquéreurs de logement ont eu pour effet d’ébranler fortement la confiance du marché et la valeur de ces titres s’est rapidement effondrée. Dans l’ignorance de l’évolution du secteur immobilier américain et de l’ampleur des opérations en cause, les opérateurs inquiets, ont pesé sur le marché en cherchant à se délester de leurs titres.

De proche en proche, le système financier, qui repose sur la confiance entre les acteurs, s’est trouvé fragilisé. Ce qui caractérise la crise actuelle est que personne ne sait où est localisé le risque. Résultat, personne ne fait confiance à personne et tout le système entre en crise. Cela montre bien que tout le marché financier ne peut fonctionner sans la confiance.

Un à un les détenteurs des titres, établissements de crédit, fonds d’investissement spécialisés ont enregistré des pertes réelles (lors des ventes) ou potentielles (s’ils gardaient les titres en portefeuilles). Aussi les banques centrales (FED, BCE, Bank of England) ont-elles été amenées à intervenir pour sauver le système en y injectant des liquidités. De même, des opérations de recapitalisation ont été réalisées par plusieurs groupes bancaires de manière à reconsolider leur situation financière. Ces réactions rapides marquent la différence d’avec la crise de 1929.

Aujourd’hui, nul ne sait si la crise est maîtrisée, ni si l’on est en phase de stabilisation. En effet, les établissements financiers ne donnent des informations partielles ou tardives sur les pertes qu’ils enregistrent. L’inconscience des opérateurs qui imaginaient que le marché se régulerait tout seul atteint ici ses limites. Le marché n’a pas à lui seul toutes les vertus.

Il est vrai que l’endettement est un facteur de dynamisme : le marché permet en effet au crédit de financer des investissements susceptibles de maintenir, voire d’augmenter le taux de croissance. Mais des règles prudentielles efficaces voudraient davantage que les injections de fonds réparatrices pour restaurer la confiance sur laquelle tout le système repose.

Plusieurs Etats préparent une réforme pour éviter l’aggravation de la crise actuelle et l’apparition de nouvelles crises dans l’avenir. En effet, la crise de confiance sur le marché financier s’est traduite par le durcissement des conditions du crédit par les banques.

1.5. Une crise de type « subprime » peut-elle se produire en Afrique ?

Nous retrouvons ici une double question : celle de la demande de crédits immobiliers et celle du fonctionnement des établissements financiers. Même s’il est vrai que l’Afrique se distingue par une proportion de propriétaires inférieure à la moyenne, le désir très répandu de devenir propriétaire de son logement est un objectif qui incite les ménages à recourir au crédit immobilier hypothécaire. Sur ce marché, les conditions des prêts bancaires sont en Afrique, très contrôlées et dépendent du niveau de revenu et de solvabilité des emprunteurs. En règle générale les banques ne prêtent aux particuliers qu’une fraction de la valeur du bien acheté, ce qui limite sérieusement le risque de crédit, car ce dernier se trouve largement garanti par l’hypothèque prise sur l’immeuble concerné.

Pour les professionnels du secteur, la question est de savoir jusqu’où et jusqu’à quand prêter ? La réponse ne semble pas devoir être un « business as usual[8] » ni, à l’inverse, une interdiction aveugle. Elle réside dans l’adoption d’une attitude de responsabilité qui consiste à rendre le crédit accessible au plus grand nombre et à lutter contre le surendettement. Ces deux axes devraient être compatibles et inséparables, si l’on s’en donne les moyens techniques et la volonté. Ainsi, à ce jour la crise des subprimes s’est pas produite une fois déjà en Afrique[9] ; même si le système des prêts hypothécaires rechargeables n’existe pas à l’identique.

En revanche, il convient de rester vigilant car notre continent n’a pas été épargné par les effets secondaires de la crise. Non seulement, les épargnants ayant investi en des fonds soi-disant peu risqués, ont vu la valeur de leurs titres s’effondrer, mais les banques françaises ont à leur tour resserré l’octroi du crédit en raison de la crise de confiance sur le marché. Enfin, ces dernières ont été touchées et ont enregistré de lourdes pertes liées à cette crise du crédit. Cela montre combien nous vivons dans une économie mondialisée où les pays sont tous interdépendants. Aujourd’hui, aucune réponse ne peut venir du seul niveau national.

2. TROIS SÉRIES DE MESURES POURRAIENT ÊTRE MISES EN OEUVRE SIMULTANÉMENT

Dans le monde sans frontière qui caractérise les marchés financiers, une telle crise ne peut laisser indifférent. Elle a mis en évidence l’absence d’une instance financière de régulation au niveau mondial. Aujourd’hui il existe une addition de réglementations mais non un système de contrôle d’ensemble. Quelles institutions internationales, soutenues par les Etats, seraient capables d’établir et de faire appliquer des règles strictes ?

Une course de vitesse est engagée entre le développement spontané des activités financières et les Etats qui ne peuvent accepter que le libre jeu remette en cause des choix politiques ou sociaux.

Aussi est-il urgent que la maîtrise de l’économie financière soit renforcée pour rétablir la confiance entre les acteurs.

Cela suppose :

· Une meilleure réglementation des marchés financiers

· Des acteurs financiers recentrés sur l’économie

· Des épargnants qui résistent aux sirènes du rendement maximum.

Une meilleure réglementation des marchés financiers

La croissance économique est soutenue utilement par les financements offerts par les établissements financiers, mais l’action de ces derniers doit être aussi orientée vers le bien commun et non vers le rendement immédiat. Les institutions financières doivent s’obliger à proposer des crédits réellement adaptés aux besoins des emprunteurs et éviter de les mettre en péril.

La réglementation du marché du financement des particuliers doit les prémunir contre le "toujours plus" de crédit. À cet égard, la réglementation française sur le surendettement des ménages a été une avancée très positive.

Un deuxième exemple de réglementation du côté des organismes prêteurs a prouvé son efficacité. Il s’agit de l’instauration de règles prudentielles permettant de limiter le niveau d’engagement des banques en fonction de leur propre solidité financière. Elles sont tenues de disposer de fonds propres en proportion suffisante par rapport aux risques de crédit que comportent leurs opérations[10].

Reste à vérifier que ces règles soient adaptées[11] et que la pratique de la titrisation soit davantage encadrée.

L’enjeu est précisément une meilleure transparence des banques sur les risques qu’elles portent et sur ceux qu’elles font courir à leurs clients à travers les produits qu’elles leur proposent.

1. Des acteurs financiers recentrés sur l’économie

Selon l’observatoire de la Finance, « les progrès de la logique financière ont été facilités par la justification politique de la dérégulation[12] ». Le leitmotiv de l’efficacité fait de la rémunération du crédit un critère ultime d’action qui altère l’économie. Quand «  la finance prétend être sa propre fin et n’est plus mue que par le désir exclusif de profit, elle perd la tête[13] ».

Les entreprises, en particulier les plus grandes, ont vocation naturelle à réaliser la création de richesses sur la longue durée, compte tenu des moyens importants en hommes et en équipement qu’elles doivent mettre en œuvre pour remplir leur objet social. Il importe donc de réorienter le marché financier vers l’économie productive et sa croissance modulée par les exigences environnementales. Avec la création de richesses, l’économie peut alors être mise au service de l’homme et contribuer à son développement.

2. Des investisseurs qui résistent aux sirènes du rendement maximum

La spéculation financière ne concerne pas seulement de grandes institutions et des individus fortunés. Tout épargnant, quelle que soit la taille de son portefeuille, y participe via les fonds de placement, les sicav, les contrats d’assurance-vie auxquels il souscrit.

L’épargne est un processus qui concerne toute personne ayant la possibilité de mettre un peu d’argent de coté.

Chacun doit alors s’interroger sur ses comportements lorsqu’il veut faire fructifier son épargne. La recherche du rendement le plus élevé et le plus rapide conduit à exercer une pression excessive et des contraintes déraisonnables sur l’outil économique en exigeant des entreprises des plans sociaux drastiques, une politique tournée vers la rentabilité à court terme, des restructurations….

Pour que l’épargne participe de manière positive à l’épanouissement de la société, il importe de promouvoir les placements en faveur des emprunteurs qui respectent des critères de solidarité et de responsabilité sociale. Ils s’inscrivent ainsi dans la perspective donnée par Jean Paul II : "Le profit est un régulateur dans la vie de l’entreprise, mais il n’en est pas le seul ; il faut y ajouter la prise en compte d’autres facteurs humains et moraux qui à long terme, sont au moins aussi essentiels pour la vie de l’entreprise[14]".

3. AU-DELÀ DE LA CRISE IMMOBILIÈRE, LA CRISE DES MATIÈRES PREMIÈRES

Au-delà des crédits "subprimes" la crise financière intervient dans un contexte économique marqué par une hausse considérable du prix des matières premières.

1. La flambée des prix des matières premières et ses causes

La hausse extraordinaire des prix des matières premières est le résultat de la conjonction de plusieurs facteurs. C’est le fait que tous ces facteurs se soient manifestés au même moment qui explique la violence de la hausse. La plupart des analystes s’accordent à identifier cinq facteurs principaux :

1) La forte croissance de la demande

Entre 2001 et 2007, plus de la moitié de l’augmentation de la consommation de pétrole est imputable à la demande provenant de la Chine, de l’Inde et du Moyen-Orient. Cela s’explique par l’urbanisation et l’industrialisation de ces pays, qui se sont nettement accélérées. Sont également concernés les métaux et certaines denrées alimentaires comme le blé, le maïs et le riz.

2) Le développement des biocarburants provenant des pays émergents

Les politiques incitatives menées en Afrique et surtout aux Etats-Unis en faveur de l’utilisation de l’éthanol (qui est produit à partir du maïs et de la canne à sucre) ont entraîné une forte hausse de la demande pour ce produit. Par ricochet, cela est venu accroître la demande pour les matières premières concernées. Aujourd’hui environ 25 % de la production de maïs est utilisée pour la fabrication de biocarburants.

3) Structurellement, l’ajustement de l’offre à la demande ne se fait pas facilement pour les matières premières.

En théorie, quand la demande pour un produit augmente, l’offre s’adapte par un accroissement des capacités de production. Cet ajustement de l’offre permet aux prix de rester stables. Pour les matières premières, il est très difficile d’adapter rapidement l’offre aux variations de la production. Que l’on pense aux difficultés nouvelles d’extraction du pétrole, et surtout au caractère aléatoire de la production agricole en dépendance des conditions climatiques. Certains analystes annoncent que la récolte 2008 sera difficile en raison de mauvaises conditions météorologiques et que cela pèsera à nouveau sur les prix.

4) La forte corrélation entre les différentes matières premières entraîne une diffusion de la hausse des prix à tout le marché

Illustration : la hausse de la demande d’éthanol entraîne une hausse du prix du maïs. Celle-ci se transmet ensuite aux denrées alimentaires qui utilisent le maïs dans leur chaîne de production (par exemple la viande, les volailles,…). De même la hausse du prix du pétrole se répercute dans les coûts de production agricoles et in fine sur le prix de vente.

5) Les matières premières sont devenues une cible très attractive pour les investisseurs financiers.

Tout d’abord il faut rappeler que les marchés financiers de matières premières (où l’on peut acheter et vendre des contrats d’achat à terme de blé ou de pétrole, sans jamais détenir ni utiliser réellement les produits en question) existent depuis des décennies. Les premiers marchés organisés furent d’ailleurs historiquement ceux des matières premières (à Chicago). À l’origine ces marchés étaient destinés aux professionnels du secteur. La nouveauté dans la situation actuelle est que ces marchés sont utilisés par des intervenants totalement extérieurs qui veulent investir sur les matières premières pour profiter de la hausse des prix. Ils effectuent donc des placements sur le blé ou le pétrole, plutôt que d’acheter des actions, des obligations ou des immeubles. Les matières premières sont pour eux une bonne source de diversification des investissements.

Il s’agit donc d’investisseurs institutionnels (compagnies d’assurances, fonds de pensions, instituts de prévoyance, banques,…) qui sont attirés par le potentiel de hausse de ces placements. Ce faisant, ils contribuent à accroître la demande et donc à tirer les prix vers le haut. D’autres acteurs purement spéculateurs viennent ensuite se greffer sur ce mouvement (fonds spéculatifs, etc.). Ils participent au mouvement et l’accélèrent. Ils contribuent ainsi à l’aggravation de la crise.

2. Remarques d’analyse

On note tout d’abord que les deux principales causes de la hausse des prix (§ 1 et 2) se résument à une hausse de la demande. Il s’agit bien là d’économie réelle et non d’une quelconque spéculation. Le fait déclencheur est que des populations (pays émergents) ou des industries (biocarburants dans les pays développés) ont soudain accru fortement leur demande de matières premières. L’origine de la hausse des prix est bien celle-là.

Il s’agit d’un mécanisme habituel et compréhensible. Il importe de souligner que la nouvelle demande provient de pays émergents qui accèdent enfin à un niveau de vie supérieur, ce que l’on ne saurait regretter. Les paragraphes 3, 4 et 5 sont des facteurs aggravants, qui amplifient le phénomène sans en être la cause principale. La spéculation en fait partie. La spéculation joue donc un rôle dans la crise actuelle, même si c’est un rôle d’ordre second. Elle amplifie le phénomène ; elle n’est pas à son origine.

Comme toujours, la réalité est complexe. Les émeutes de la faim manifestent une injustice terrible : les plus pauvres sont les perdants de la crise actuelle. Ils ne sont pas en mesure de bénéficier des aspects positifs de la hausse des prix. Car des aspects positifs existent pour certains. N’oublions pas que les pays producteurs de matières premières sont souvent des pays en développement (Amérique Latine, Asie, Afrique, Moyen-Orient). La hausse des prix profite à ces pays producteurs. Elle pénalise en revanche les consommateurs pauvres des pays non-producteurs et ceux des pays producteurs qui ne sont pas insérés dans le système économique local et ne bénéficient donc pas de la croissance.

On constate ainsi une réalité déjà mentionnée, dans l’économie mondialisée d’aujourd’hui, la croissance semble accroître les inégalités. La croissance est en soi positive, mais la richesse ainsi créée n’est pas également répartie et, par un effet d’accélération, certains engrangent des bénéfices toujours plus grands et les perdants se trouvent toujours plus repoussés à distance. En clair, le fossé se creuse. Le niveau moyen monte mais les écarts s’accroissent.

3. Quelques questions

Tout d’abord, la question du souci des plus pauvres. Cette crise est aussi injuste que le développement de l’économie en général depuis 20 ans. Elle en a les mêmes caractéristiques négatives avec en plus la violence d’une crise : elle accroît les inégalités. Une fois de plus, ce sont les plus faibles qui souffrent davantage. Comment les protéger ? La hausse des matières premières devrait profiter aux pays producteurs dont certains sont des pays émergents. Mais comment organiser une juste répartition des richesses produites ? L’accumulation de richesses considérables dans les pays producteurs de pétrole pour une faible densité de population résidente, pose à notre monde une question majeure.

La question fondamentale au sujet des matières premières notamment des denrées alimentaires (le cas du pétrole étant à part) est de savoir s’il s’agit de produits comme les autres ? La vie elle-même est en jeu quand on parle de biens destinés à nourrir les hommes. Cela n’impose un traitement particulier de la part des marchés financiers. La nature très particulière de ces biens nous de les protéger. Cela a d’ailleurs toujours été le cas : la politique européenne a d’abord été une politique agricole commune, consistant à protéger les activités agricoles et à encadrer leurs prix. Ne faudrait-il pas de même interdire certaines activités financières sur les denrées alimentaires, qui ne peuvent être un objet de spéculation comme un autre ? Ceci permettrait d’éviter que des phénomènes purement financiers ne viennent fausser la fixation des prix et les tirer artificiellement à la hausse.

Ces crises financières et alimentaires questionnent nos modes de vie. Il a pu apparaître que le développement des biocarburants allait permettre une amélioration de l’empreinte écologique sur l’environnement. Au terme de quelques années, on se rend compte que cela contribue à déstructurer les agricultures vivrières. Il est donc urgent de revoir cette politique. Plus globalement, le jour est arrivé de nous préparer à revoir à la baisse notre consommation d’énergie, nos habitudes alimentaires. Mais aussi et surtout de revoir la politique d’exportation des produits agricoles subventionnés vers les pays du Sud en favorisant davantage le développement des agricultures locales.

Père AKE Patrice Jean, Vice-président de l’UCAO-UUA

Pake.uua@ucao-cerao.org


[1] VARIAN (Hal, R.).- Introduction à la microéconomie (Belgique, De Boeck Université 2003), p. 7

[2] BANQUE MONDIALE.- Qualité de la croissance. (Belgique, De Boeck 2002), p. XXV

[3] BANQUE MONDIALE.- Qualité de la croissance. (Belgique, De Boeck 2002), p. XXV

[4] CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX.- Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise (Paris, Cerf 2005), p. 207

[5] CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX.- Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise (Paris, Cerf 2005), p. 207

[6] CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX.- Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise (Paris, Cerf 2005), p. 208

[7] VARIAN (Hal, R.).- Introduction à la microéconomie (Belgique, De Boeck Université 2003), p. 210.

[8] « Business as usual » : les affaires sont les affaires.

[9] Le cas de la Procure des Missions Africaines d’Abidjan en 2006-2007. Un certain Ryan, courtier en bourses, a fait de mauvais placements aux Etats-Unis avec l’argent de tous les prêtres de Côte-d’Ivoire. Le système financier de l’Eglise catholique de Côte d’Ivoire est en banqueroute. La Procure essaie, en vain des solutions neuves pour un sauvetage économique. Mais il y a un manque de confiance entre les acteurs et la banque.

[10] Ratio Cooke et aujourd’hui ratio Mc Donough (Bâle II).

[11] CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX.- Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise n° 369 (Paris, Cerf 2005), p. 207.

[12] Observatoire de la finance : Manifeste pour une finance au service du bien commun.

[13] CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX.- Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise n° 371(Paris, Cerf 2005), p. 208

[14] Jean Paul II - Encyclique Centesimus annus § 36 - 1991.