lundi 29 septembre 2008

LA DEMOCRATIE DANS LE SYSTEME POLITIQUE DE LODJOUKROU, une alternative africaine antimoderne à la démocratie occidentale?

Résumé de la Communication

Nous pensons que la démocratie occidentale a échoué comme modèle unique de la démocratie à cause de l'échec même de la modernité (individualisme, rationalité, subjectivisme...) et aussi à cause de l'échec de toutes nos politiques africaines. Notre contribution à ce colloque "Démocratie, culture et développement à l'ère postcoloniale" s'inscrira dans l'axe: La démocratie: un concept universel, une problématique plurielle. La démocratie dans le système politique de Lodjoukrou est une démocratie africaine, d'une société lignagère à classes d'âge du Sud de la Côte d'Ivoire. Elle prendra comme (paradigme) modèle la société grecque antique et se présentera comme antimoderne. Pourrait-elle alors être une alternative à la démocratie moderne?

          Mots clefs: Démocratie, africain, politique, antimoderne, modernité, alternative

INTRODUCTION

Par définition, la démocratie appartient à la typologie des régimes politiques et désigne le régime politique dans lequel la souveraineté appartient au peuple. Elle apparaît comme un rempart contre l’arbitraire et l’autorité et est opposée au réactionnaire. Elle est en outre un effort perpétuel des gouvernés contre les abus du pouvoir. Cette définition pose problème en ce sens que la démocratie que nous connaissons aujourd’hui, est le fruit d’une longue et lente évolution qui est partie de la démocratie antique. Nous y reviendrons. Car notre thèse est la suivante : pour bien comprendre les difficultés de la démocratie moderne et contemporaine, il nous faut repartir à l’antiquité, à l’origine. Ainsi, notre plan comprendra deux parties : la première, les difficultés que connaît la démocratie moderne et contemporaine. La seconde, un retour à la démocratie antique, par le biais du système politique de Lodjoukrou.

· LES DIFFICULTES DE LA DEMOCRATIE MODERNE ET CONTEMPORAINE AUJOURD’HUI

Ce n’est pas la première fois que les hommes d’Eglise organisent des colloques sur la démocratie en Afrique. Les Assises Théologiques de l’UCAO, lors des années académiques 1992-1993, puis 1993-1994, ont, par deux fois, planché sur la question de la démocratie. Le premier colloque a été soutenu par la conférence magistrale du professeur Joseph Ki-Zerbo, sur « La démocratie en Afrique, sa place et son avenir sur le continent. » Vous trouvé l’intégralité de son texte dans la publication susmentionnée[1]. Cette réflexion a été poursuivie l’année suivante, par le professeur René Degny Ségui, sur « les expériences actuelles de la démocratie en Afrique ». Sa conférence et le débat enrichissant qui l’a suivi, ont fait l’objet d’une publication que nous mentionnons en bas de page[2].

Les développements récents de l’actualité dans le monde ont montré que partout la démocratie a du mal à éclore véritablement : l’expérience russe qui intervient militairement en Georgie, pour citer un exemple européen, et le partage du pouvoir au Zimbabwe entre l’opposition et Mugabé, sans oublier le coup d’Etat en Mauritanie sont là pour le prouver. Je préfère m’étendre davantage sur la Côte d’Ivoire qui en ce jour du 20 Septembre 2008, célèbre ses 6 années consécutives de sa belle petite guerre qui a vu une accalmie notable avec les accords de Ouagadougou. Si la tentative de Coup d’Etat est blâmable et est un acte anti-démocratique, la perte de la souveraineté de la Côte d’Ivoire qui est passée sous mandat onusien ne l’est pas moins. Cette deuxième situation demande un petit commentaire.

En effet, j’ai lu, pour la préparation de cette conférence, un texte de Guy Hermet, intitulé « Gouvernance sans doute, mais pas contre l’Etat démocratique »[3] qui montre comment la Côte d’Ivoire et à travers elle, tous nos pays africains portent des habits neufs ou souvent trop rapiécés de la démocratie. Dans cette gouvernance planétaire, menée par les Etats-Unis, il est fait peu cas à nos jeunes nations, au motif de leurs imperfections et de leurs performances discutables. Ce qui m’a frappé tout au long de la crise ivoirienne, c’est l’immodestie d’un certain G.T.I., qui était un porte-parole auto-proclamé de nos populations, et qui voulait démocratiser la gouvernance de notre pays. Comment parler de gouvernance dans un pays, sans souveraineté ?

Le second texte de Kazancigil Ali qui a pour titre « Apprivoiser la mondialisation : vers une régulation sociale et une gouvernance démocratique »[4] répond à notre précédente interrogation. La gouvernance est une forme d’administration où les frontières se sont estompées entre secteurs privé et public et aux seins de ceux-ci. Elle se caractérise par l’implication, dans le processus de formulation des politiques, de l’Etat et des autorités locales aussi bien que du milieu des affaires, des syndicats et des acteurs de la société civile tels que les ONG et les mouvements de citoyens. Toutes les parties intéressées participent à ce processus de prise de décision, qui est relativement horizontal et semblable à une négociation, par opposition au style de gouvernement traditionnel, plus hiérarchique. Toutefois, cette participation est loin d’être égalitaire, puisque certaines des parties intéressées ont beaucoup plus d’influence que d’autres sur les résultats. La gouvernance, ajoute l’auteur, s’adapte parfaitement aux exigences de la scène transnationale, où l’autorité centrale n’existe pas et où les parties impliquées – les Etats souverains, les sociétés transnationales, les organisations internationales et, plus récemment, les ONG – élaborent des systèmes de régulation et des politiques spécifiques aux problèmes posés par l’intermédiaire des négociations.

Jusqu’à présent la gouvernance a été fondée sur les principes d’efficacité et d’efficience. Et c’est surtout là son problème. Car, elle est un moyen apolitique d’élaborer une politique. Le GTI a voulu dissoudre toutes les institutions ivoiriennes(Le Gouvernement, l’Assemblée nationale, le Conseil économique et social…) Alors que vaut une démocratie, si les institutions représentatives n’existent pas. La démocratie, nous le savons, est basée sur la territorialité et les citoyens expriment leurs choix politiques dans les limites du territoire national. De plus, que vaut cette politique délibérative en démocratie ?

Dans le chapitre VII de son ouvrage Droit et Démocratie, entre faits et normes[5], traduit de l’allemand par Rainer Rochlitz et Christian Bouchindhomme, paru en 1992, et intitulé « la politique délibérative – un concept procédural de démocratie, Jürgen Habermas, nous permet d’entrevoir quelques caractéristiques de la démocratie.

Dans un premier moment, le premier élément empiriste qui l’aide à construire une théorie normative de la démocratie est la légitimité où le pouvoir de l’Etat se manifeste à travers la stabilité de l’ordre qu’il assure. Ensuite, la démocratie se laisse percevoir par les règles du jeu qui président au scrutin universel, la concurrence des parties et la domination de la majorité. Aussi, d’une part, le parti au pouvoir n’essaie jamais de restreindre l’activité politique des citoyens ou des partis, tant que ceux-ci ne tentent pas de renverser le gouvernement par le moyen de la violence. D’autre part, les partis qui ont perdu les élections ne tentent jamais, ni par la force, ni par des moyens illégaux, d’empêcher le parti gagnant d’exercer ses fonctions. Dans ces conditions, une alternance pacifique du pouvoir est assurée.

L’autre élément empirique que nous observons dans une démocratie est l’esprit de concurrence qui tire sa légitimité d’un vote majoritaire obtenu au terme d’un scrutin libre, universel et secret.

La démocratie, en outre, signifie qu’une partie du peuple domine l’autre pendant une durée déterminée. En démocratie, il ne s’agit pas de découvrir la vérité objective des desseins politiques. Il s’agit plutôt de montrer les conditions d’une acceptation démocratique des fins poursuivies par les partis. En ce sens, les arguments politiques fonctionnent comme des supports publicitaires, ou des armes déjouant l’emploi de la force physique, plutôt que comme des assertions susceptibles d’être interprétés comme des contributions au développement de théories vraies. Les concepts à teneur normative, mais vagues, qui sont ceux de la confrontation politique ont une signification émotionnelle ; leur fonction consiste à motiver l’engagement des masses. Le discours politique, par ce biais, possède une fonction sociopsychologique, non une fonction cognitive. Le pouvoir politique est une affaire de compromis.

Un autre élément qui est important dans une démocratie est, comme nous l’avons souligné plus haut, celui de la souveraineté populaire. Il provient de l’appropriation et de la réévaluation républicaine d’une conception qui remonte aux débuts des Temps Modernes et que se rattachent d’abord au souverain d’un gouvernement absolutiste. L’Etat, qui détient le monopole des moyens permettant l’usage légitime de la force, est représenté comme un concentré de pouvoir capable de dominer toutes les autres puissances de ce monde. Que ce soit la vision républicaine ou la vision libérale, toutes ces deux visions adoptent la prémisse problématique d’une conception de l’Etat et de la société dont le point de départ est un modèle du tout et de ses parties, le tout étant constitué soit par les citoyens souverains, soit par une Constitution.

La démocratie de Lodjoukrou a un concept de démocratie fondé sur la théorie de la discussion. Elle suppose l’image d’une société décentrée qui crée toutefois, au moyen de l’espace public politique, une arène spécialement chargée de percevoir, d’identifier et de traiter les problèmes intéressant la société dans son ensemble. Ici, on n’a plus besoin de concentrer la souveraineté, de façon faussement concrète, dans le peuple, ni de la confiner dans l’anonymat des compétences définies par le droit constitutionnel. Le Soi de la communauté juridique qui s’organise elle-même est résorbé par les formes de communication asubjectives qui régulent la formation de l’opinion et la volonté au moyen de la discussion, de façon à ce que leurs résultats faillibles aient toutes les chances d’être raisonnables. L’idée de souveraineté du peuple est interprétée dans ce cas dans un sens intersubjectiviste.

Dans un second moment, Habermas décrit la société démocratique comme une société polycentrique composée de grandes organisations, où l’influence et le pouvoir politique passent entre les mains d’acteurs collectifs et sont de moins en moins susceptibles d’être acquis ou exercés par des individus associés.

La société démocratique est, ensuite, la multiplication des intérêts de groupe en concurrence les uns avec les autres, qui rend difficile une formation impartiale de la volonté. Elle est encore, la croissance des bureaucraties étatiques et des tâches publiques, qui favorise la domination des experts. Elle est enfin, l’incompréhension croissante entre les masses apathiques vis-à-vis des citoyens mis sous tutelle.

Pour tout récapituler, disons que la démocratie obéit à un certain nombre de règles qui sont les suivantes : elle a pour trame le contrat social et la volonté générale. Pour Rousseau, ce régime parfait ne convient pas aux hommes ; seul un peuple de dieux se gouvernerait démocratiquement. Un peuple d’hommes n’a pas assez de vertus pour cela. Elle est la forme de gouvernement dans laquelle le pouvoir exécutif est joint au pouvoir législatif. La démocratie n’est pas un modèle politique, mais le modèle du politique.

Le fait démocratique va de pair avec le développement de la société industrielle. Il est l’ombre portée de la haine que vouent les hommes à toute politique oppressive et despotique et répond à un besoin d’indépendance économique, à une soif de liberté politique qui va grandissant avec la maturation de la conscience civique. La démocratie n’est valable que si elle n’est pas un consentement passif au pouvoir. La démocratie obéit à d’autres règles comme la participation politique d’un nombre aussi élevé que possible de citoyens intéressés. Les droits habituels autorisent la communication et le choix parmi différents programmes et différents groupes dirigeants. Une autre règle est la protection de la sphère privée. Le contenu minimal de la démocratie tient en la garantie des libertés de base, l’existence de partis en concurrence, les élections périodiques au suffrage universel et les décisions qui sont prises collectivement, soit fondées sur le compromis, sur des débats ouverts entre les différentes factions ou sur les différents alliés de la coalition gouvernementale. Mais la démocratie présente des difficultés d’ordre philosophique et d’ordre politique.

Au plan philosophique déjà, au gré des époques, le mot démocratie a évolué selon que le « demos » change de sens. Par exemple au XVIe siècle, le terme peuple a eu une dignité politique et a désigné les masses populacières que l’ensemble des citoyens (Machiavel, Thomas More, la Boétie, Discours de la servitude volontaire en 1548). Le terme peuple a aussi désigné cette masse lourde et lâche qui obéit aveuglément ou encore un corps public actif et vigilant. Aussi du courage ou de la veulerie du peuple dépend le régime politique d’un Etat. Si nous restons toujours à l’époque moderne, le peuple ne désigne pas l’ensemble des citoyens mais, tantôt les grands seigneurs de France, tantôt le Parlement des trois Etats (le Roi, la Noblesse et le Peuple). Le peuple a la vocation a la souveraineté, il est une masse d’hommes politiquement peu évolués.

Au plan politique la démocratie offre des vertiges (démocratie libérale, démocratie populaire, démocratie représentative, démocratie gouvernée ou gouvernante, démocratie consentante.) Elle n’est pas un concept abstrait mais s’accroche à des réalités sociales et économiques dont elle est tributaire. Elle n’est pas un schéma d’organisation politique applicable abstraitement et universellement. Elle ne saurait être une monocratie populaire. La représentation et les procédures électorales sont d’une importance capitale dans un régime démocratique dans laquelle la vie parlementaire est un principe fondamental. Elle est finalement une philosophie, une manière de vivre, une religion et, presque accessoirement une forme de gouvernement. Le malaise actuel de la démocratie est que nous en avons oublié son origine.

· ORIGINE DE LA DEMOCRATIE ET SYSTEME POLITIQUE DE LODJOUKROU

A l’origine, la démocratie antique peut s’identifier à la démocratie solonienne. En effet, Solon, l’archonte d’Athènes en 593 a.C. est le père de la démocratie antique (début Vie jusqu’en 330 a.C.) Il voulait moins le pouvoir du peuple que l’harmonie de la cité. Il voulait que la polis ressemble au kosmos et qu’elle soit caractérisée par l’eumonia, c’est-à-dire, la cohésion de la vie quotidienne, par la résistance à toute hybris, par la mesure et la pondération. Ainsi la démocratie solonienne n’avait pas pour visée de donner le pouvoir au peuple, mais d’imposer aux eupatrides et au peuple des concessions réciproques. C’est cette démocratie originelle que nous voulons privilégier au détriment de celle qu’ont installé Clitshène(508-462) et Périclès(462-411).

La démocratie solonienne s’apparente à celle du système politique de Lodjoukrou décrit par Memel Harris Fôté[6]. Pour l’auteur, analyser la structure du système politique, c’est d’abord présupposer déterminée, la période de l’évolution de la société dont on fait l’analyse : c’est, ensuite, présupposer une différenciation interne de la société étudiée. En effet, la société כdzukru est considéré, ici, en son état de complexité le plus avancé, au moment où la colonisation française la surprend, à la fin du XIXe siècle. Dans cette société existe une notion du pouvoir, bien articulée avec les structures socio-politiques, une notion qui exprime et occulte à la fois ces structures, ce qui par conséquent justifie de l’intérieur une anthropologie objective. Une différenciation et une stratification spécifique caractérisent cette société. Etant donné que pour les כdzukru le pouvoir suppose la société et se confond avec elle, nous disons que la notion fondamentale à laquelle accède toute anthropologie sociale est celle d’εb.

La démocratie de l’כdzukru, c’est d’abord sa culture. L’εb est une réalité sociale qui n’est intelligible pour ce peuple qu’en termes de biologie sociale. On appelle, εb-εs, père ou propriétaire de l’εb, celui-là qui le premier a exploré et délimité un territoire, défriché la forêt, planté le tout premier arbre (εb-likŋ), construit les premières habitations, conquis sur la nature d’un geste quasi-absolu. Son acte de fondation, instaurateur d’une société nouvelle, paraît un acte vital, c’est-à-dire de fécondation et d’engendrement ; fécondation par un mâle d’une terre femelle et inculte, engendrement d’un nouvel état de choses sur la terre métamorphosée.

Or, de qui aime la bonne chère, apprécie le confort, recherche la toilette et s’adonne aux plaisirs des sens, on dit littéralement qu’il « mange εb . » En ce sens, εb désigne l’ensemble des biens matériels que recèle la vie sociale et dont les individus peuvent, au sens large de ce concept, se nourrir.

La conception nutritive de la culture qui s’y cache et le rôle essentiel de l’idée de bouche confirment le contenu biologique de la notion. Outre les valeurs d’ordre matériel, la notion connote des valeurs sociales, εb-ir, l’habiter, a un triple sens : matériel, social et moral. Dire de jeunes mariés qu’ils habitent l’εb, c’est signifier qu’ils sont matériellement établis dans leur propre maison, avec les ressources propres, instaurant avec leurs parents et la communauté de nouveaux rapports sociaux où l’autonomie le dispute de plus en plus à la dépendance. D’un point de vue moral, dire qu’ils ne savent pas « habiter l’εb » ou que leur manière de l’habiter est mauvaise, c’est passer condamnation sur des conduites en désaccord avec les normes de la vie sociale.

Les valeurs spirituelles, enfin, ne sont pas exclues de ces valeurs sociales. Le Droit est si essentiel à la constitution d’un εb que toute transgression des lois est interprétée comme un affront ou un piétinement infligé à l’εb lui-même. C’est qu’au fond, cette notion désigne davantage que la culture.

L’εb désigne ensuite la société. Un village c’est l’εb ; là où l’כdzukru met ses ressources, ses trésors, sa vraie demeure, là où se déroulent les cérémonies rituelles, où se tiennent les grands marchés, là où vient la loi, et où reposent les ancêtres et où sa vraie dépouille est appelée à reposer. Le citoyen adioukrou est l’εb-ij par rapport à l’étranger. La citoyenneté est donnée par la naissance ou par l’âge, ou par l’initiation. La chose publique est l’εb-owi, la loi, εb-ol et le pouvoir politique, εb-esew.

Nos aurions voulu nous étendre davantage sur la société adioukrou, mais la notion de vie politique[7] nous a semblé plus importante à relever. Sous cette notion, nous subsumons l’ensemble des activités et fonctions ayant pour enjeu la société, et dont l’accomplissement engage le pouvoir en rapport avec toutes les composantes de cette société et avec les pouvoirs étrangers. Dans la vision כdzukru, six notions principales regroupent ces activités et ces fonctions : εb-eb, εbgnimn, εb-כsus, εb-dogŋn, εb-kok, εb-akpaal. Elles postulent que la politique est une pratique sociale collective, dominée par des fins d’ordre ontologique, éthique et esthétique.

L’εb-eb est un rituel qui, par la transmission du pouvoir, confie la société à un petit nombre pour qu’il la dirige comme on dirige une pirogue sur l’eau (eb-jimn). La notion d’εb-kok connote toutes les activités et fonctions qui « produisent et reproduisent » (kok = faire) l’existence matérielle et spirituelle de la société : l’économie (production des richesses et reproduction de la population), l’éducation (formation civique, militaire et artistique d’hommes et de femmes mûrs), la justice et l’hygiène (préservation et accroissement de la sécurité, de l’équité et de la santé), la religion (relation avec les ancêtres et les dieux pour le succès de toutes les fins). A cette production et reproduction de la société par elle-même, la notion d’εb-akaal (saklp = beauté – bonté) apporte une norme : le bien et le bel-être. Par εb-כsu, les כdzukru entendent la surveillance de toute la société et de sa culture selon diverses modalités : politique, militaire, intellectuelle, magique. Quant à la notion d’εb-dogŋn, elle recouvre l’idée d’une lutte dont l’enjeu est justement l’existence, le développement et l’embellissement ontologiques de la société globale.

Comme nous le constatons chez les כdzukru, la source du pouvoir vient du peuple, de l’assemblée du peuple. Il s’agit de la réunion officielle et publique des citoyens aux fins de connaître et de décider des affaires d’intérêt commun. Cette démocratie montre que le pouvoir s’acquiert de façon pacifique tous les huit ans, au terme d’une initiation d’une classe d’âge. L’εb-eb politise le fondement du pouvoir. Nous retrouvons l’harmonie du pouvoir de la démocratie solonienne ici. La sacralité se relativise ici. L’eunomie ce sont les ancêtres et leur bénédiction. Mais en plus, une offrande est exigée par chaque candidat à l’εb-eb. Cette condition sine qua non se ramène à un appel au consensus populaire, base historique du pouvoir. Cette révolution démocratique s’accompagne d’un recul de la séniocratie politique. Ce sont des hommes mûrs, hommes de moins de 75 ans qui viennent au pouvoir chaque huit ans, et pour une période limitée. L’eunomie se prolonge aussi dans la fonction religieuse des gouvernants, car chez les כdzukru, la fonction religieuse est la fonction primordiale du pouvoir politique.

CONCLUSION

La démocratie solonienne qui, pour nous constitue le modèle de toute démocratie, a connu une fin tragique en 561, lorsqu’Aristrate a effectué un coup d’Etat pour installer la tyrannie et celle-ci s’est prolongée en 510 par Hippias et Hipparque.  Puis Clisthène et Périclès ont installé de nouveau la démocratie. Mais cette nouvelle démocratie est restée trop théorique et trop formelle. Elle insiste trop sur la notion de souveraineté du peuple, au lieu de pencher vers l’harmonie de la cité. Bien sûr que la société adioukrou connaissait des inégalités avec l’existence de l’esclavage, mais celle-ci était bien intégré dans la cohésion sociale comme dans la démocratie solonnienne. La seule chose qui pour notre part manque encore à cette démocratie, c’est son ouverture au Transcendant. J’entends l’intégration d’une idée comme seule du bien commun comme seule critère valable pour l’instauration d’une vraie démocratie[8].

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Père AKE Patrice Jean

Pake.uua@ucao-cerao.org


[1] INSTITUT CATHOLIQUE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST.- Assises Théologiques. Démocratie en Afrique, Année Académique 1992-1993, pp. 13-44.

[2] INSTITUT CATHOLIQUE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST.- Assises Théologiques. Les Expériences actuelles de la Démocratie en Afrique, Année Académique 1993-1994, pp. 4-26.

[3] HERMET(Guy).- « Gouvernance sans doute, mais pas contre l’Etat démocratique » dans Démocratie et gouvernance mondiale. Quelles régulations pour le XXIè siècle ? (Ed. UNESCO-KARTHALA, Paris, 2003), pp. 35-47

[4] KAZANCIGIL(Ali).- « Apprivoiser la mondialisation : vers une régulation sociale et une gouvernance démocratique » dans Démocratie et gouvernance mondiale. Quelles régulations pour le XXIè siècle ? (Ed. UNESCO-KARTHALA, Paris, 2003), pp. 49-65.

[5] HABERMAS(Jürgen).- Droit et Démocratie, entre faits et normes (Paris, Gallimard 1997), pp. 311-354

[6] MEMEL(Harris Fôté).- Le système politique de Lodjoukrou. Une société lignagère à classes d’âge(Côte d’Ivoire) (Paris, Présence Africaine 1980, p. 116.

[7] MEMEL(Harris Fôté).- Le système politique de Lodjoukrou. Une société lignagère à classes d’âge(Côte d’Ivoire) (Paris, Présence Africaine 1980, p. 182.

[8] NOVAK(Michael).- Démocratie et bien commun (Paris, Cerf 1991), p. 162

MGR DJABLA REPOSE DANS LA CATHEDRALE SAINTE ANNE DE GAGNOA

         

          Ce Jeudi 25 Septembre 2008, en présence des Cardinaux Peter Tukson, Archevêque de Cape Coast, conduisant la délégation de l'Aecawa, Andrien Sarr, Archevêque de Dakar, président de la Cerao,  Bernard Agré, Archevêque-Emérite d'Abidjan, et de Mgr Ambroise Mandtha, Nonce Apostolique en Côte d'Ivoire, de nombreux Archevêques, Evêques, Prêtres, Religieux et Religieuses, de Côte d'Ivoire et de l'Espace Cerao et de l'espace Aecawa, reunis en une seule association, l'Aceao(Association, des conférences épiscopales de l'Afrique de l'Ouest), une messe a été célébrée dans la Cathédrale St Paul d'Abidjan à 8 H. Elle a été présidée par Mgr Joseph AKE, Président de la Conférence Episcopale de Côte d'Ivoire et Evêque de Yamoussoukro. Les autorités politiques, administratives, militaires étaient représentées. Le Président du Conseil Economique et Social, celui de la Cour Suprême, les Ministres d'Etat(Bohoun Bouabré, Dano Djédjé) et Le Général Mangou, chef d'Etat Major des Armées. On notait aussi la présence du Bishop Boni de l'Eglise Protestante Méthodiste.

          Le célébrant principal a présenté l'illustre défunt, dans son mot d'introduction: Mgr Djabla a été ordonné le 15 Mars 1964. Il a eu 19 années d'épiscopat et 72 ans d'âge. L'évêque d'Agboville, Mgr Alexis Touably Youlo, ancien vicaire général de Mgr Djabla, a prononcé l'homélie du jour. Un refrain scandait ses propos: "L'homme de Dieu est retourné à son Dieu; un saint a vécu parmi nous". Le prédicateur a relévé les nombreuses qualités humaines exceptionnelles du défunt telles que la piété, la vérité, l'attachement à la Vierge Marie et le détachement par rapport aux biens matériels. il a même  raconté avec humour que le défunt disait avoir des problèmes avec celui qui a inventé l'argent. Mgr Djabla a été président de la Commission de la Cerao, pour les migrants et les personnes déplacées. La chorale de la Maîtrise de la Cathédrale nous a plongés dans le recueillement par de très beaux cantiques. A la fin de la messe, 3 messages ont été livrés, l'un par le Cardinal Sarr, l'autre par Mgr le Nonce Apostolique et le 3è par le Président de la CECI, Mgr Joseph AKE. Tout  de suite après, la dépouille mortelle a été conduite à Gagnoa. Le Nonce a présenté ses condoléances à la Ceci et a lu les messages de la Secrétarie d'Etat, au nom du St Père, de Mgr Patrizio Bertoli et de Mgr Ivanas, Préfet de la Congrégation pour l'Evangélisation des peuples. Mgr Joseph Aké a remercié l'Aceao, le St Père et tous les participants à cette messe.

          Le lendemain, 26 Septembre 2008, après la longue veille de la nuit. La messe de requiem a été présidée par Mgr Maurice kouassi, évêque de Daloa. L'homélie d'ouverture du célébrant principal a fait place à celle de Mgr Gaspard Bedy Gneba, évêque de Man. Dans sa prédication, l'homme de Dieu a insisté sur les qualités de serviteur de Dieu effacé, humble, infatigable et toujours à l'écoute des fidèles, qu'était l'archevêque Barthélemy Djabla. "Seigneur Jésus-Christ, avant de ressusciter, tu as reposé trois jours en terre. Et depuis ces jours-là, la tombe des hommes est devenue pour les croyants signe d’espérance en la résurrection. Au moment d’ensevelir notre frère, nous te prions, toi qui es la résurrection et la vie : donne à notre frère et père archevêque Barthélemy, de reposer en paix dans ce tombeau jusqu’au jour où tu te réveilleras, pour qu’il voie de ses yeux, dans la clarté de ta face, la lumière sans déclin, pour les siècles des siècles. Amen ! »

          Il est 13 h 35, samedi, quand Mgr Paul Dacoury-Tabley, évêque de Grand-Bassam, la gorge nouée, prononce cette prière dans la cathédrale Sainte Anne de Gagnoa. Le rite du dernier adieu, ou l’absoute, est à son paroxysme. Cette prière de conclusion marque l’ultime séparation de Mgr Barthélemy Djabla, archevêque métropolitain de Gagnoa et administrateur apostolique de San Pedro, décédé le 15 septembre à Abidjan, avec la foule compacte qui assiste à sa messe de requiem. L’atmosphère est plus que lourde. Le Président de la République, Laurent Gbagbo, présent aux obsèques du disparu avec son épouse, Mme Simone Ehivet Gbagbo, ne peut s’empêcher de porter le mouchoir blanc qu’il tient à ses yeux. De nombreux évêques, prêtres, diacres, sœurs, enfants de cœur, écrasent des larmes. Dans la cathédrale, plusieurs parents du défunt, ses connaissances, les fidèles... laissent couler leurs larmes. Le cercueil de Mgr Barthélemy Djabla descend dans la tombe faite au sein même de la cathédrale. La scène dure quelques instants. «Vivons dans l’espérance de la manifestation glorieuse de notre Dieu et sauveur, le Christ Jésus. Et que lui-même comble notre frère et père archevêque Barthélemy de la plénitude de sa paix pour les siècles des siècles. Amen ! », reprend Mgr Paul Dacoury-Tabley, en guise de bénédiction de la tombe.

          Mais avant la prière de conclusion, l’évêque de Grand-Bassam, qui a rappelé que Mgr Barthélemy Djabla et lui sont des compagnons de très longue date, l’avait recommandé au Seigneur. Ce sont les béatitudes, tirées de l’évangile de Jésus Christ selon Saint Mathieu (5. 1-12), qui ont servi d’homélie à Mgr Gaspard Beby Gnéba, évêque de Man. Selon lui, ce texte invite les hommes à purifier leurs cœurs de leurs instincts mauvais et à rechercher en toute chose l’amour de Dieu et le service de la communauté. Puis, le célébrant a indiqué que la mort de Mgr Barthélemy lui ouvre les portes du ciel. Le président de la célébration, Mgr Maurice Kouassi, évêque de Daloa, lui, a rendu gloire à Dieu qui a donné la force à Mgr Djabla de le servir résolument.

          Le parcours d'Abidjan à Gagnoa a été marqué par deux escales. La première a eu lieu à la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Divo où Mgr Djabla a servi pendant 11 ans comme curé. La deuxième escale s'est faite à la paroisse Notre Dame de l'Immaculée Conception de Gagnoa-Garahio. Cette étape a été l'occasion pour l'archidiocèse de Gagnoa de présenter ses condoléances à la famille biologique de son pasteur et de lui rendre hommage.
La veillée qui s'en est suivie à la Cathédrale Sainte Anne s'est articulée autour de témoignages accompagnés et soutenus d'éléments vidéo et audio.
          Ainsi donc, «l'homme de Dieu est retourné à son père», après 44 ans de vie consacrée au créateur. En effet, né en 1936 à Mahibouo, dans la sous-préfecture de Gagnoa, Mgr Barthélemy Djabla a été ordonné prêtre, le 15 mars 1964. Après 4 années passées au petit séminaire de Gagnoa comme professeur d'anglais, il est affecté à la paroisse de Tabou comme vicaire en 1968. En 1971, il revient au petit séminaire de Gagnoa, cette fois-ci comme supérieur en remplacement de l'abbée Noël Kokora Tékri, devenu évêque de Gagnoa. En 1978, il est nommé curé de la paroisse de Divo où il passera 11ans, avant d'être nommé évêque du nouveau diocèse de San Pedro, le 23 octobre 1989. Il sera ordonné par le cardinal Bernard Yago, le 7 janvier 1990. De juin 2006, en juin 2008, il assure les fonctions de vice-président de la conférence épiscopale de Côte d'Ivoire. Et enfin, le 21 juillet 2006, il est nommé par le Pape Jean-Paul II, archevêque métropolitain de Gagnoa.

CANAILLOCRATIE ET HORRIPILATION

Le spectacle qu’offrent aujourd’hui nos sociétés démocratiques modernes est lamentable. Cette situation nous amène à paraitre ultracistes, scrogneugneux et grognons. La démocratie qu’elles nous laissent voir est vraiment en décrépitude. La société en s’élargissant s’est abaissée. La démocratie a gagné la mort.[1]

La dernière visite du Pape Benoît XVI en France nous a permis d’appréhender la bassesse de la société occidentale qui ne croit qu’au culte de la performance et de la réussite sociale. Les intellectuels ont célébré la Raison à la rue des Bernardins comme si cette Raison à laquelle ils adhéraient tous, pouvait exister, seule, sans la Foi. Le Saint Père les a recentrés sur leurs racines chrétiennes occidentales : le spirituel en fait grandement partie, comme un trésor inestimable. Non pas un vernis de spiritualité, de rites superficiels mais la pratique au quotidien. Ne pas avoir honte d’afficher ses valeurs chrétiennes, en montrer des signes extérieurs, pourquoi pas. La raison sans la foi est légère, la foi sans la raison est faible. C’est une chose assez généralement reconnue que l’Europe doit au Saint-Siège sa civilisation, une partie de ses meilleures lois, et presque toutes ses sciences et ses arts.[2]

La laïcité positive a aussi retenue l’attention des journalistes et des hommes politiques. Il ne faudrait pas en faire un slogan publicitaire comme c’est souvent le cas dans nos démocraties modernes. Parler de laïcité positive et ne pas mettre les pieds dans une église, ou bien divorcer au gré de ses caprices est très problématique. La laïcité derrière laquelle se cachent nos sociétés modernes, ne se résume-t-elle pas simplement à un athéisme déguisé, un athéisme qui opposerait les droits humains aux droits de Dieu. Qui sont ceux qui se cachent derrière ces principes intangibles de laïcité ? Je n’en connais pas de véritables chrétiens. Y a-t-il des garde-fous à la spiritualité ? Tout ce qui constitue un frein à la spiritualité est anti-spirituel, a-spirituel et cela est d’une grande gravité à la propagation de la foi. Nos pays actuels sont en train d’être tout simplement décatholicisés. Il nous faut réagir.

En poursuivant notre réflexion, nous voudrions dé-politiquer un peu, compte-tenu de la trop grande place que la politique occupe dans notre société contemporaine. Qu’appelle-ton démocratie aujourd’hui ? La démocratie, pense-t-on c’est le droit d’avoir des élections et le droit de vote. C’est aussi respecter les droits de l’homme. Mais en regardant de très près nos hommes politiques dans leurs véhicules aux vitres teintées, aux costumes sommes, nous apercevons une immense défilade de croque-morts amoureux, de croque-morts politiques, de croque-morts bourgeois. Le noir du véhicule qui se marie avec le noir de l’habit, la livrée uniforme, le véhicule semblable, signifient une égalité de fourmis, le triomphe du nombre, symbolisé par la vie moderne. Fourmillement de la vie, fourmillement de la ville. Le suffrage universel de nos jours est le reflet de la souveraineté populaire, dans nos démocraties. Il s’agit du droit du nombre, le droit divin du nombre et nous opposons ce droit du nombre au droit divin. Or ce suffrage universel, nous le pensons, une espèce de bouillie gélatineuse. Avec le suffrage universel, n’importe quel petit imbécile accède à la magistrature suprême. Ce suffrage universel donne que l’homme le plus médiocre arrive à nous gouverne par le hasard du scrutin. Peut-être faudrait-il opter ici pour un élitisme où ce sont les plus compétents qui soient portés au suffrage universel.

De nos jours, la démocratie est devenue un débordement de vice inouï, un jeu de mensonge, un abus de force, un enseignement de vice, une maladie sociale, et un enseignement d’injustice. Elle est une démocratie prostituée. Chacune des élections, dans tous les pays démocratiques, ouvre une vue d’ensemble sur la bêtise et la méchanceté des habitants. Peut-on imaginer un système de gouvernement plus idiot que celui qui consiste à remettre, pour un certain nombre d’années, le sort d’un pays, non pas au peuple, mais à la foule. D’une façon cyclique, chaque pays moderne actuel désigne ses représentants dans un accès de catalepsie alcoolique. Alors, devons-nous définir l’action que nous menons, devons-nous la décrire. Elle se résulte en un seul mot : la métapolitique.

Des hommes d’Etat ont commencé à écrire, ou encore, ce qui revient au même, des écrivains écrivent pour les hommes d’Etat : ce sont ceux que nous appelons des négriers. L’histoire de leurs vies ou leurs projets de vie expriment bien leur envie de domination. Ces hommes d’Etat falsifient l’histoire. Telle est leur volonté de puissance. Ils mentent tous mais en même temps, ils offrent un spectacle effrayant. Car ce qui est qualité dans l’écrivain, est parfois vice dans l’homme d’Etat, et les mêmes choses qui souvent ont fait faire de beaux livres peuvent mener à de grandes révolutions. En outre, la théorie est le démon de l’homme d’Etat. Mais « diantre », pourquoi aime-t-il écrire ? La raison est insuffisante en politique, parce que l’action humaine ne se fonde pas sur la raison seule. Les passions, à la fois individuelles et collectives, exercent leur influence sur les affaires, et les intérêts troublent la vue.

La dernière crise financière internationale, dans laquelle nous sommes plongés depuis peu (par la faillite de la société de prêts immobiliers Lehmann Brother) a montré comment l’homme contemporain vit dans l’illusion et l’artifice. Beaucoup de personnes à l’heure actuelle vivent au dessus de leurs moyens. Elles s’endettent énormément et croient posséder, alors qu’en fait, elles n’attrapent que du vent. Notre Maître nous a enseignés dans l’Evangile que celui qui a, recevra davantage. Cela nous interroge sur la qualité de notre avoir, et non sur la quantité. Si nous possédons beaucoup de choses qui ne sont que des dettes, c’est que nous n’avons attrapé que du vent. Nous sommes ruinés du jour au lendemain. Chez l’כdzukru, du Sud de la Côte d’Ivoire, l’homme riche est le gbreŋgbi (celui qui a souffert) (l’idz gbré gbi). Il a souffert longuement (gbi) pour posséder ce dont il dispose aujourd’hui. Alors sa richesse lui dure entre les mains. Sinon l’homme criblé de dettes et qui vit dans l’illusion, dilapide l’argent des autres. Il n’a pas souffert pour l’acquérir, alors il est dilapidateur et dissipateur. Ce que nous appelons richesses aujourd’hui factice, postiche et emprunté. Le sage a bien raison de dire : « Une fortune acquise à force de mensonge : illusion fugitive qui conduit à la mort. »[3] N’est-ce pas le péché des origines de nos sociétés d’aujourd’hui ?

Nos sociétés tombent dans la bondieuserie en déclarant que l’homme est naturellement bon et que c’est la société qui le corrompt : principe démocratique rousseauiste. En fait de quels hommes parlons-nous ? Il n’y a pas d’homme en soi. Il y a des Ivoiriens, des Burkinabés… L’homme en soi n’existe. Et nous lui avons placardés des droits…humains dont nous faisons le principe sacrosaint de nos démocraties : c’est un péché des origines.

Père AKE Patrice Jean

Pake.uua@ucao-cerao.org


[1] COMPAGNON(Antoine).- Les antimodernes de Joseph de Maistre à Roland Barthes. (Paris, Gallimard 2005), p. 13

[2] COMPAGNON(Antoine).- Les antimodernes de Joseph de Maistre à Roland Barthes. (Paris, Gallimard 2005), p. 158

[3] Proverbes 21,6

jeudi 18 septembre 2008

O.S.E.R.

INTRODUCTION

          Réfléchir sur la voiture aujourd'hui, c'est replonger dans mon enfance, où déjà comme un enfant je fabriquais des voitures. De ce temps-là j'ai d'abord été ouvrier d'usine, regardant les grands frères du quartier plus expérimentés, à l'oeuvre: je redressais les barbelés que la fortune nous laissait, simples clôtures des maisons, à l'insu des propriétaires. Je découpais les caoutchoucs, devant servir à attacher les fers pour les assemblages. Puis d'observateur, simple apprenti, je suis devenu fabriquant et vendeur. Au quartier résidentiel de Marcory, l'enfant du Groupement Foncier(G.F.C.I.) arrivait à décrocher de grandes commandes. Parfois le véhicule que je conduisais pouvait plaire au fils d'un Européen qui me payait cash...Je repartais alors heureux. Ou bien lui-même m'expliquait ce qu'il voulait et je m'y attelais. Adolescent, je me suis épris des manèges: là aussi je conduisais vraiment, mais il fallait de l'argent que les parents ne nous donnaient pas toujours. Conduire une voiture, avoir une voiture, c'était d'abord un rêve de tout enfant: j'avais même fait une promesse à ma mère que si je commençais à travailler, je lui offrirais une petite voiture rouge. Promesse que je n'ai pas encore tenue.

          Quand je suis entré dans la vie religieuse et après ma prise de soutane, les parents, qui n'étaient pas bien informés, ont pensé que le temps était venu pour moi de passer le permis de conduire. J'ai pu l'obtenir mais aucun grand frère et aucune grande soeur ne m'a fait confiance pour la conduite. Je me suis véritablement fait la main en paroisse, avec ma première voiture de fonction. C'est à partir de ce jour que mes frères et soeurs ont arrêté de me donner de l'argent de poche parce que j'étais devenu quelqu'un dans la vie.

1. AVOIR UNE VOITURE EN AFRIQUE, C'EST DEVENIR QUELQU'UN

          L'Africain d'aujourd'hui pense qu'avoir une voiture c'est être quelqu'un d'important, quelqu'un qui a les moyens de se prendre en charges. En fait, ce sont pas tous ceux qui travaillent qui ont des véhicules. Au-delà du caractère possessif de l'être africain qui ne pense qu'à posséder, j'oserai(o.s.e.r.), ensuite, véritablement le vrai sens de la voiture(c'est l'énigme du titre que je dévoilerai alors en ce moment).

          Entre l'insolence des cadres d'Angré qui prennent l'Express tous les matins pour se rendre à leur lieu de travail et l'apprenti Gbaka d'Anyama ou d'Abobo qui conduit son premier Gbaka ou son premier taxi, ou son premier wôrô-wôrô, en remplacement de son patron, il n'y a pratiquement aucune différence, sauf le même instinct de domination. Les premiers sont tellement orgueilleux et suffisants, qu'une fois dans l'Express, ces cadres se croient encore à la maison dans leur salon. Qaunt aux seconds nommés, c'est la même démesure: d'abord congénitalement attardés, ils font des accidents spectaculaires qui résument leur intelligence. La façon dont l'avant d'un Gbaka prend la route, lors d'un dépasement est l'expression même de leur attardement. Ils sont tout simplement inintelligents. Rustes à souhait, les coxers ne sont pas mieux: ils parlent par onomatopée et paraissent tout le temps comme des drogués. Au niveau de l'environnement, c'est la même catastrophe. Tous ces véhicules empestent comme ce n'est pas possible. Il n'existe aucune norme à la matière. Un de mes amis qui a fait un bilan de santé en Suisse s'est vu interroger sur sa relation à la cigarette. Il était non fumeur mais son coeur était tout noir par la faute de la pollution de l'air atmosphérique de son quartier.

          Je quitte les cadres moyens et les petites gens pour aller plus haut: les en haut de en haut comme on les appelle ici. Ils se reconnaissent par leurs véhicules tout terrains, leurs vitres teintées et surtout par les sirènes et le cortège de garde de corps qui vous jettent hors de leur trajectoire: ils ne respectent pas les feux de la circulation. A Cocody où l'occasion m'est donné de les apercevoir souvent, ils ressemblent à des cercueils ambulants, tellement la couleur noire du véhicule s'ajoute au caractère lugubre du sinistre occupant. Comme un coup de vent, ils passent, montrant leur vacuité semblable à la fleur de champ, sans faire de bruit mais ils pensent que la route et le temps leur appartiennent. Au moment où les U.S.A. et l'Europe arrêtent la fabrication de ces véhicules pour celles qui privilégient la bio-thermie et thermo-électricité, nos frères nantis s'offrent les véhicules tous terrains et qui, en Europe et qui aux U.S.A. Si l'Américain qui a du dollard, préfère vendre sa Pajero ou sa Hammer ou autre pour s'acheter une petite voiture qui consomme moins de carburant, l'Africain n'a rien trouvé de mieux que de racheter ce cadeau empoisonné. Dans un avenir très proche tous ces véhicules seront marqués "à vendre" et l'Afrique, dejà poubelle de l'humanité deviendra le cimetière des voitures indésirables. Mais pourquoi un tel engouement pour ce genre de véhicule?

          En plus du fait que l'Africain aime paraître, il y a une vérité qui ne trompe personne: nous n'avons plus de routes en bon état. Nous passons plus de temps à éviter les trous sur la route qu'à conduire. Souvent il nous est impossible de les éviter et nous tombons dedans, en priant pour ne pas tomber trop profond. Parfois, par temps de pluie ou par mauvaise électrification, nos amortisseurs ou autres joints de freins volent en éclats. Un ami me confiait un jour, qu'en rentrant chez lui, un soir de pluie, vers la P.I.S.A.M., il voyait que tous les véhicules qui le précédaient, à un endroit précis, ralentissaient et déviaient avant de reprendre la droite ligne. Trouvant cette déviation stupide, il décida de gagner du temps en allant plus vite, par le raccourci, mais grande fut sa désillusion. Un grand ravin l'attendait là. Et les dépenses et la récupération de la voiture... Il est à présent temps de revenir à notre seconde partie.

2. LE VRAI SENS DE LA VOITURE

          J'ai souvenir d'un beau texte de Robert Littell, de son ouvrage Read America first en classe de 2è où l'auteur nous fit découvrir Henry Ford. Pour cet auteur, Ford est peut-être l'un des exemples les plus intéressants et les plus lointains, de ce que dans le monde, un homme puisse avoir une idée fixe qui ne le quitta jamais. Il y a longtemps que cette idée habita Ford. Il s'est dit un jour: "Je vais construire un véhicule pour le commun des hommes", car il est évident que ce sont seulement les riches qui peuvent se procurer un véhicule de son temps.

          Henry Ford, ce fils de fermier qui devint l'une des plus grandes figures de l'industrie automobile, trnasforma, par les techniques de production de masse, la voiture, du jouet de l'homme riche, en une force sociale. En 1913, Ford institua le système du travail à la ligne. Les différentes pièces du véhicule continuaient leur chemin, la courroie de transmission passait devant les travailleurs qui n'avaient chacun à poser, la pièce qui lui revenait. Par cette méthode, le pris de base du fameux modèle T tomba de 950 dollards U.S à 360 dollards. Dans le même temps, Ford éleva les salaires journaliers de 2.40 dollards U.S à 5 dollards et réduisit les heures de travail de 9 à 8 . Le résultat fut que les masses devinrent elles aussi propriétaires de véhicules. En 1914, la production annuelle des véhicules s'éleva aux U.S.A  à 569.000. EN 1929 il fut de 5.621.000. L'exemple de l'Usine Ford est une prophétie qui s'est parfaitement accomplie qui dit que pour bien prospérer dans la vie, il faut faire du bien et procurer de la joie à la multitude.

          La voiture a été la plus belle invention de ce siècle. Elle le sera davantage si elle continue d'unir les hommes, de rapprocher les distances qui les sépare, de rassembler ce qui est dispersé. L'homme est un créateur, Dieu lui a donné la possibilité de l'imiter. En fabriquant la voiture, l'homme imite Dieu. Il lui faut de ce fait rendre grâce à Dieu, pour toutes ces générations jusqu'à aujourd'hui afin de réaliser les merveilles d'aujourd'hui. Mais pourquoi tant de méfiances autour de la voiture?

          Une de mes connaissances qui habite les Deux Plateaux, m'a dit avoir peur de rendre visite à ses parents qui habitent Akromian-Bla, parce qu'il a peur d'être victime d'un braquage de voiture? Pourquoi tant d'isolence des Rebfondateurs(Rebellion+Refondateurs) dans leurs véhicules alors que nous sommes encore en guerre? Sirènes et cortèges de véhicules qui ne s'arrêtent à aucun feu de signalisation, et qui vous dégagent de la route.

          Conduire une voiture, c'est avoir l'esprit toujours en prière, pour éviter de prononcer de gros mots. Philosopher au volant d'une voiture. Tout dépend de ce qu'on écoute au volant. Certaines radios étrangères par leurs commentaires et leurs spots publicitaires pourraient vous donner l'hypertension. Chaque véhicule, chaque route devrait êtreun sujet de méditation. Il y a l'égoïsme des chaffeurs sur les routes qui occupent la route si toute la chaussée leur appartenait. Souventefois, en voyant de personnes me dépasser, je me suis demander s'ils pensaient que leurs freins pouvaient un jour lâcher. Certaines routes, certains recoins de routes me rappelaient certaines pannes sèches de voiture, certains ennuis mécaniques...

CONCLUSION

          Si je devais conclure cet article, j'aurais une pensée spéciale pour tous nos mécaniciens ou garagistes. Y-a-t-il une différence? Je pense que oui. La plupart de ces personnes sont des garagistes et non des mécaniciens. Les mécaniciens sont ceux qui ont étudier la mécanique et qui ne se contentent pas seulement de changer les pièces de votre véhicule. Mlle Gnagne Arlette est l'une d'entre elle. Elle a étudié la mécanique à Jacqueville. D'elle j'ai appris un jour que la voiture est comme un corps humain dont nous devons prendre soin. Au moindre bobo il faut voir votre mécanicien. N'attendons pas les grandes pannes, mais soyons attentifs au moindre toussotement de nos véhicules, au moindre rhume. Je termine donc par ce spot de Renault: "Je rêve d'un monde où l'automobile ne laisse aucune trace sur la planète".

Père AKE Patrice Jean, Philosophe

INVITATION TO DINE WITH GOD

"You are cordially invited to dine with God." Imagine receiving such an invitation! As he often does, Jeus uses a parable to convey who God is and what God wants for us. Jesus'choice of a banquet as a symbol is not an arbitrary one, but one that best describes what the reign of God is like. Who does not enjoy the intimacy, warth and inclusion of a meal? We share not only food, but who we are with friends and family.

The history of salvation is one of invitations given and rejected. The prophets came and people did not listen. Jesus came and people still did not listen. They preached a life beyond the present, with God offering the intimacy and lavish love of a banquet. All are invited, Jews, gentiles, the worthy and the un worthy. Some understand the message, but cannot accept with their hearts. After all, conversion is not an intellectual exercise, but a journey of the heart. Going to the banquet means examining priorities and placing life with God at the top.

As followers of the messenger, we continue to bring the message of God's unconditional love and desire for an intimate relationship. Are we willing to accept the invitation to the banquet of a lifetime? Are we willing to bring the message to others hungry for such a meal?

Father AKE Patrice, UCAO-UUA

mercredi 17 septembre 2008

Mgr DJABLA N'est plus

L’archidiocèse de Gagnoa est en deuil. Mgr Barthémy Djabla n’est plus. l’archevêque de cette province ecclésiastique qui était par ailleurs administrateur apostolique du diocèse de San-Pedro depuis la mort de Mgr Paulin Kouabenan, est décédé hier aux environs de 14h30 à la Pisam à l’âge de 72 ans. Selon le secrétaire du défunt, l’abbé Emile Kélignon, le prélat souffrait d’une attaque cérébrale, de sources médicales. Il avait été admis dans cette polyclinique depuis le 9 août dernier. Après plusieurs jours dans le coma, le malade avait commencé à donner des signes d’espoir quand, finalement, il a rendu l’âme. Mgr Djabla était évêque de San-Pedro depuis 1990, avant d’être nommé archevêque de Gagnoa il y a trois ans.

 

HARVEST TIME

Harvest time. Thanksgiving is almost upon us. Today we receive sombre messages from the Lord's vineyard. Paraphrased, the woeful messages seem clear: "Woe to those vines that sour grapes.' and 'Woe to the unfaithful tenants of my vineyard.' Fortunately, it is possible to understand this passage in a positive light.

Both the vines in the first reading and the tenants in the gospel are recipients of God's abundant love. All the conditions for growth are present in the first reading - a fertile hill cleared of stones, choice vines, a watch-tower, a wine vat. God is indeed a gracious giver. In the gospel, the landowner(God) sends all manner of messenger to his tenants. He yearns for them to understand his message, first sending slave and finally sending his most precious son.

Are we, the present vines and tenants of the Lord's vineyard, aware of his most gracious love? Do we have eyes to see and ears to hear all the gifts God sends our way or are we most often deaf and sightless? The readings today call us, "Wake up! Wake up, chosen vines and royal tenants! produce fruit worthy of the kingdom of God. Wake up and recognize the great love showered upon you."

Father AKE Patrice, UCAO-UUA's Vice-president

mardi 16 septembre 2008

MARY The Hope of the World

When the first hours of the day are already beginning to weigh us down with fatigue, our availability and our generosity are renewed by the contemplation of Mary's 'yes'. This clear and unreserved 'yes'".

"While sin divides, separating us from one another", he continued, "Mary's purity makes her infinitely close to our hearts, attentive to each of us and desirous of our true good. You see it here in Lourdes, as in all Marian shrines; immense crowds come thronging to Mary's feet to entrust to her their most intimate thoughts, their most heartfelt wishes".

"Mary shows us the right way to come to the Lord, ... in truth and simplicity. Thanks to her, we discover that the Christian faith is not a burden: it is like a wing which enables us to fly higher, so as to take refuge in God's embrace".

"Here, close to the grotto, and in intimate communion with all the pilgrims present in Marian shrines and with all the sick in body and soul who are seeking relief, we bless the Lord for Mary's presence among her people, and to her we address our prayer in faith:

"Holy Mary, you showed yourself here one hundred and fifty years ago to the young Bernadette, you 'are the true fount of hope' Faithful pilgrims who have gathered here from every part of the world, we come once more to draw faith and comfort, joy and love, security and peace, from the source of your Immaculate Heart. 'Monstra Te esse Matrem'. Show yourself a Mother for us all, O Mary! And give us Christ, the hope of the world!"

 

Benedict XVI

lundi 15 septembre 2008

Le problème de la politique et de la religion chez J. Maritain in Crépuscule de la civilisation

Jacques Maritain (1882-1973) est un philosophe français. Converti au christianisme en 1906, il fut l'un des grands penseurs catholiques du XXème siècle. Né à Paris, petit fils de Jules Favre, il fait des études de philosophie et de sciences à la Sorbonne, où il rencontre Raïssa Oumançoff (née en 1883 en Russie) fille d’émigrés juifs arrivés à Paris en 1893. Ils se marient en 1904.
    Dans son célèbre ouvrage Humanisme intégral (1936) Jacques Maritain s’élèvera contre l’anti-sémitisme et le totalitarisme. Aussi dans le passage du volume VII de ses Oeuvres Complètes intitulé " Le Crépuscule de la Civilisation " l’auteur aborde le problème de la politique, de la morale et de la religion dans un climat intellectuel et chrétien de recherches de la vérité et d’accueil, au temps des débats et de la crise de la civilisation marquée par l’irruption du totalitarisme.
    A travers ce passage soumis à notre réflexion, c’est le procès de l’humanisme et de la civilisation moderne qui est fait. Comment l’auteur s’y prend t-il pour étayer sa thèse?
I- La Crise de l’humanisme moderne
Le mot humanisme se rapporte à l’homme en général pris dans son cosmos et son histoire. Si l’on prend en compte le vécu et l’action des hommes, ce terme pose problème à la conscience commune et non à l’individu. Ici ressort la négation, voir la séparation d’avec l’humanisme classique basée sur une conception anthropologique de l’homme et de sa culture.
Au lieu d’un attachement à un humanisme intégral et une civilisation chrétienne, l’homme s’attache à sa conception individualiste du monde. Concernant la vie humaine, sa raison se départit de la  dimension supra-rationnelle en niant certains actes évangéliques. Ainsi se dévoile peu à peu l'homme du pharisaïsme bourgeois que Marx, Nietzsche et Freud se glorifieront de démasquer en défigurant du même coup l’homme lui-même. En même temps sont faites au genre humain depuis l’époque de Descartes, des promesses énormes dans le contexte du siècle des lumières.
Eh bien, tout ça ne va pas. Après avoir perdu Dieu pour se suffire, l’homme égare son âme et est voué à la mort. Alors survient en lui une opposition tragique entre la vie et l’intelligence: un raz de marée irrationaliste.
Cette opposition avait commencé avec Luther et continué avec Rousseau. Aujourd’hui, elle se présente non seulement sous des formes serviles mais aussi sous des formes et très nobles: telle fut le cas de Nietzsche, Kierkegaard, Karl Barth, Chestov qui ont entrepris le contre humanisme.
Il apparaît ici que la raison a été mise en péril par l’adoration de la raison, l’humanisme par l’humanisme anthropocentrique. Même si des voix terribles s’élèvent dans l’homme criant: assez d’optimisme menteur et de moralités illusoires, assez d’idéalisme qui nous tue, écoutons la la voix fatale de Nietzsche qui est la voix de cette multitude médiocre et plate, dont la platitude et la médiocrité apparaissent comme des signes apocalyptiques, et qui annonce l’ évangile de la haine de la raison. Nietzsche ainsi que Goethe montrent comment la condition humaine est ramené à l'animalité dans une Europe où l'amour et la sainteté ne l'a pas transfiguré.
Plus grave encore est le fait que l'humanisme anthropocentrique s'érige en religion vécue. Ainsi l'homme seul et par lui seul fait son salut, puisque pour Karl Marx, seul la raison doublée par un matérialisme gouverne l'homme. Dès lors la destinée de l'homme est purement temporelle parce qu'il croit se réalisé sans Dieu: il se trouve seul et même contre Dieu. Au nom d'un humanisme matérialiste, les gouvernants nazis ont détruit l'humanisme par un rationalisme anti-humaniste.
Bref, la méconnaissance des valeurs humaines authentiques par le monde moderne doit être remplacée par la prise de conscience d'une vérité plus profonde de l'homme et de sa destinée. Un nouvel humanisme doit naître aujourd'hui à travers une ouverture de l'homme au monde divin pour sanctifier ce qui en lui est profane et surtout pour réaffirmer la dignité et l'intégrité de la personne humaine créée à l'image de Dieu: il s'agit dès lors de l'humanisme de l'incarnation. Dans cet humanisme intégral, il s'agira d'avoir une vision synoptique de la vie éternelle et des réalités mondaines. Il s'agit de purifier le contenu de l'histoire humaine.
II- Les grandes forces anti-chrétiennes
Le crépuscule de la civilisation occidentale est marquée par une bonne appréhension de la dialectique de l’humanisme moderne par la France. Il ne faut ni considérer le totalitarisme communiste, ni moins le totalitarisme fasciste et encore moins le national-socialiste comme idéal d’humanisme. Des trois totalitarismes, c’est le totalitarisme russo-communiste qui a été le plus sanglant. Le nazisme et le communisme sont des forces anti-chrétiennes ou encore « anti-christiques » à cause du racisme avoué et de la haine prononcée pour la sagesse et l’ascèse chrétienne.
Par rapport au racisme germanique, il se présente comme une protestation pathologique contre tout ce qui est étranger et surtout juif, doublé du pédantisme le plus absurde. Par rapport à la haine mystique de toute subtilité intellectuelle ou morale, elle se présente comme un affront à la religion chrétienne ou aux chrétiens ou encore à l’idée de Dieu qu’elle véhicule: c’est l’avènement d’un panthéisme ou d’un pseudo-théisme démoniaque.
III- L’Evangile et l’Empire païen
Eh bien, tout cela fait-il pour la civilisation occidentale une situation désespérée? Il faut non seulement craindre les encouragements des optimistes professionnels et le pessimisme des fatalistes, mais aussi la solution totalitaire illusionniste et empoisonnée de mensonge par rapport à la solution de l’humanisme chrétien qui fait accéder l’homme à une vie et une liberté vraiment dignes de la personne humaine et de sa vocation. Sur la signification social d’un tel humanisme, je me borne à dire qu’il doit assumer une tâche de transformation profonde de l’ordre temporel.
Cette tâche est liée à la vocation chrétienne: unifier les réalités mondaines et les valeurs spirituelles sans édulcorer le message de l’Evangile. Le désordre vécu dans notre monde est dû au fait que le message chrétien n’a pas encore pénétré les habitudes des hommes d’une part. Aussi ce désordre d’autre part, est l’émanation d’une civilisation troublée par les méandres de son passé- passé marqué par les guerres et la haine-.
A vrai dire la primauté du spirituel se doit d’être respecté dans le mode d’existence humaine. En même temps, dans l’ordre temporel, la liberté du chrétien a toujours rimé avec son espérance en l’efficacité terrestre de l’évangile. Pour la pensée chrétienne, l’évangile commande le monde et la politique tend à créer au sein de l’humanité un corps collectif qui attirant à soi toute la substance humaine accomplirait en lui-même la divinité de l’homme. Eh bien, quel est le principe propre du politique ainsi entendu et vécu?
Pour un des plus intelligents théoriciens du national-socialisme, M. Carl Schmitt, le concept du politique consiste essentiellement dans la relation: avec l’ami contre l’ennemi. C’est le principe du contre l’autre ou de l’inimitié constitutive. En d’autres termes, c’est pour écraser les autres que l’Etat sait quels sont les siens: souveraineté de la haine.
Si le Christ est le sauveur du monde, c’est que le politique aussi peut être sauvé pour le bien commun des hommes. Ainsi ces formules de Carl Schmitt nous découvrent nous découvre l'essence de la politique païenne et les fondements de l'empire païen.
Il est bien vrai que l'inimitié, l'empire païen, la politique païenne haïssent les autres et n'aiment que les siens. Mais cette haine collective peut fragiliser l'unité apparente de l'état et étouffer la vie et les droits de la personne humaine. Par contre, l'évangile, dans une opposition radicale à l'esprit du monde proclame l'amour des siens et des autres à partir de l'amour de Dieu: Deus caritas est.
"Je vous donne dit Jésus, un commandement nouveau: aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé"( cf. Jn 13, 34). L'amour des ennemis est ici valorisé (cf. Mt 7, 40).
Même si les païens en font autant, l'originalité de la vie chrétienne, c'est de ne pas haïr le pécheur, mais de fuir le mal avec horreur. Le chrétien est guidé en toutes choses par l'esprit de vérité, le Saint-Esprit. Il est pour les autres la lumière et pour Dieu un instrument de la paix que le Christ est venu instaurer dans ce monde. Naît alors une civilisation chrétienne qui luttera contre l'hitlérisme.
L’esprit de l’empire païen a deux façons d’attaquer le christianisme: du dehors et du dedans par le communisme russe et le racisme allemand qui tous deux entreprennent de chasser de l’existence politique tout ce qui détient en soi une valeur chrétienne. C’est ainsi que M. Hitler, dans son livre Mein Kampf, tout en condamnant la tactique de la guerre contre la religion a mené après une guerre perfide et implacable contre les chrétiens. L’habileté de l’hitlérisme consistait dans des sophismes: nous comprenons que l’esprit du racisme est attaché à la haine du Dieu du calvaire et du Dieu du Sinaï.
Dans un petit livre publié il y a quelques années, je signalais la confusion que nous faisons entre la communauté spirituelle du royaume de Dieu et la communauté terrestre. Ainsi, de l’opposition faite entre l’empire païen et l’évangile, il faut dire que chaque fois qu’un chrétien pense et agit de façon à valoriser la haine sur l’amour de l’ennemi, il cède à l’esprit de l’empire païen et trahit l’esprit du Christ.
Je dis donc que si nous croyons que le  vrai catholicisme est celui des apôtres qui voulaient faire descendre le feu du ciel sur les méchants et que la vraie preuve de foi en Dieu et de l'amour de Dieu n'est pas seulement d'être prêt à mourir pour lui (cf. Jn 15, 13) mais à tuer pour lui, notre catholicisme ou notre foi n'est pas enraciné sur Jésus mais sur l'esprit du monde.
Il existe encore d'autres psychoses contre la haine d'une race au fondement de l'idée de chrétienté et de la communauté qu'elle implique. C'est ce que relate le Pape dans son commentaire des paroles du canon de la Messe Sacrificium Patriarchae nostri Abrahae. Quand on a compris le triomphe du racisme au sein de l'âme humaine dans ce monde à travers les pays où sévit des fléaux comme la méchanceté, le mépris de la personne humaine, la cruauté sadique et ses corollaires que sont la douleur et l'agonie, nous percevons clairement l'agonie de Jésus-Christ à travers la complicité des âmes qui croient servir Dieu.
De Staline à Hitler qui ont fait massacrer les koulaks et les juifs, notre époque offre aux démons homicides des martyrs incalculables. Le jour où le président des Etats-unis a demandé la prière de tous les hommes de bonne volonté "pour les infortunés qui en d'autres pays sont dans une affreuse détresse" (cf. The New-York Time, 20 novembre 1938). Il a manifesté implicitement à la conscience des peuples le cruel taux des martyrs juifs et chrétiens à travers notre monde dit civilisé. Mais n'ayons crainte, ce règne des injustes sera de courte durée.
J'ai parlé de l'esprit de l'empire païen, de l'esprit du monde qu'une bourgeoisie livrée à un égoïsme anarchique et aveugle ne peut combattre, mais les catholiques français avec l'aide de la Parole de Dieu et de la vérité arrivent à maîtriser. Faisant allusion à certains dangers qui ne sont pas illusoires, le cardinal patriarche de Lisbonne dénonçait il y a quelques années cette conception politique, non évangélique, de la religion qui déchristianiserait le christianisme à travers des contraintes extérieures et le reniement de la rédemption chrétienne.
Le cardinal patriarche de Lisbonne rend hommage à cet illustre pape Pie XI qui a bravé des régimes persécuteurs en condamnant le communisme, l'étatisme, le racisme, le nationalisme païen, le totalitarisme devant lesquels se prosternent une multitude de gens qui n'ont plus conscience de leur dignité et de leur liberté dès qu'ils perdent le Christ (cf. Discours de son Em. le cardinal CEREJEIRA in documentation catholique du 20 décembre 1938).
Eh bien, je ne crois pas qu'un soi-disant christianisme qui pactiserait avec le communisme, le racisme, la violence ou la contrainte extérieure pourrait pénétrer en France, mais plutôt un christianisme basé sur la grâce et la charité du Christ.
IV- Christianisme et Démocratie
Je me trouvais pendant l'automne 1938 aux Etats-Unis; si l'exercice de la politique en France pose de nombreux problèmes à la civilisation, en Amérique la conception de la démocratie va dans la droite ligne des valeurs chrétiennes.
En réponse à une lettre du pape leur demandant de promouvoir les études de philosophie sociale et politique, les évêques américains ont fait une déclaration (cf. lettre pastorale rédigée à l'assemblée annuelle de Washington du 12-14 Octobre 1938). Selon une remarque du Père John La Frage, le mot démocratie chrétienne, employé d'abord par Léon XIII en compte par l'épiscopat américain (cf. Documentation Catholique du 05 janvier 1939).
En outre, le président Roosevelt et à sa suite Walter Lippman font l'éloge d'une démocratie teintée de vertus morales vécue en Amérique et ailleurs. Le fait que le président Roosevelt reconnaît la religion comme la source de la démocratie et de la bonne foi internationale constitue une réorientation fondamentale dans la conception démocratique de la vie en occident (cf. New York Herald Tribune, 07 Janvier 1939) .
Voilà qu'en plus d'un nouvel humanisme, doit naître une nouvelle démocratie qui ne soit pas l'apanage des absolutistes mais de la conscience commune. Quelques soient les partis politiques de droite et de gauche, la philosophie politique doit être vraie. Pour saint Thomas d'Aquin les détenteurs de l'autorité du gouvernement démocratique tout en usant d'une philosophie politique démocratique doivent se faire les serviteurs de la multitude et non des opposants.
Pour ma part, tout en critiquant la démocratie selon Jean Jacques Rousseau, j'ai découvert une démocratie manqué et un humanisme manqué procédant de l'inspiration anthropocentrique auxquels s'opposaient le matérialisme, l'athéisme, l'anarchie masquée en étatisme et la dictature.
Cet humanisme intégral et cette démocratie organique constitue la démocratie chrétiennement inspirée dont parle l'épiscopat américain. Elle est d'inspiration théocentrique, ne se base pas sur l'individu abstrait, intemporel et inexistant, mais sur la personne concrète et existante dans le contexte historique de sa vie. Son ultime but est le respect de la dignité humaine et la liberté d'épanouissement de la personne. Ce qu'il y a pour elle de principal dans l'œuvre politique, ce n'est pas l'esprit de convoitise ni de domination externe, mais le strict respect des droits de la communauté politique et du bien commun politique ainsi que le strict respect des droits de la famille et des droits de la personne humaine comme l'a suggéré Pie XI dans l'encyclique Divini Redemptoris.
La religion chrétienne, bien qu'étant indépendante des régimes temporels, fait UN avec toutes les formes de gouvernement légitime. Elle ne se mêle pas de la pratique gouvernementale, mais elle interpelle la conscience collective sur les problèmes de civilisation et de liberté humaines. Si depuis quelques années, il apparaît que dans le domaine politique les démocraties  perdent à tous les coups, c'est à cause de la fausse philosophie de la vie (dictatures totalitaires et partisans de Machiavel). Cette épreuve historique continuera jusqu'à ce qu'une fois invincible imprègne les structures sociales et les mentalités humaines.
Si les démocraties occidentales veulent subsister, c'est à condition qu'elles découvrent dans sa pureté leur principe vital que sont la justice et l'amour, base de leur philosophie -politique et de la rencontre avec Dieu.
Au crépuscule du soir où nous sommes, se joint quelques signes d'un crépuscule du matin à travers le redressement spirituel qui s'accomplit depuis quelques années dans notre civilisation. Et aussi, le développement, dans des parties de plus en plus considérables de la jeunesse française, de conceptions politique et sociale fondées sur la valeur de la personne humaine. Dans ces perspectives, nous comprenons l'idée du nouvel axe de civilisation selon le cardinal Verdier (janvier 1938) que la France a à constituer avec l'Eglise. N'entendons pas par cette idée une "croisade idéologique" et moins une guerre sainte, mais plutôt il s'agit d'avoir notre philosophie de l'homme et de la cité, il s'agit d'exister nous-mêmes et à nos propres yeux, vieille terre de Jeanne d'Arc et de Péguy, vieille terre de justice, d'honneur et de liberté.
L'Europe, cependant, est-il trop tard pour l'Europe? Avec l'Europe d'aujourd'hui, qui oserait espérer en la possibilité d'une nouvelle chrétienté?
D'abord le problème de la civilisation se pose aujourd'hui au monde entier. Ensuite, le plus important est que chacun sache ce qu'il a à faire personnellement et non ce que les autres ont à faire. Au regard du poste occupé par la    France dans la civilisation, l'essentiel est que la résistance morale et la volonté de renouvellement soient suffisamment assurées chez elle.
Même si les états totalitaires n'ignorent pas l'importance de l'unanimiste morale, ils ne peuvent y parvenir que par des moyens douteux que sont l'intimidation et la contrainte. La question est de savoir si les peuples des pays encore libres sont  capables d'atteindre par les voies de la liberté et de l'esprit une suffisante unanimité morale, et de résister aux altérations qui menacent du dedans leur conscience telles que la violence païenne et tous les moyens qui puisent leur force dans la dégradation de l'être humain et de son histoire.
V- Critique
C'est dans Le Crépuscule de la civilisation paru le 08 février 1939, lors d'une conférence prononcée à Paris, au théâtre Marigny et plus précisément aux éditions Les Nouvelles lettres que nous comprenons davantage Humanisme intégral paru en 1936 dans le volume VI des Oeuvres Complètes de Jacques et Raïssa Maritain. Aussi cette oeuvre soumise à notre analyse nous prépare à une meilleure compréhension de L'Homme et l'Etat paru en 1951. Dans Le Crépuscule de la Civilisation Maritain traite de la civilisation humaine en général et plus particulièrement du cas de l'Europe et surtout de la France qui doit rester ouverte à la "chrétienté" à cause de l'influence des guerres et surtout de la crise de la moralité. Même s'il y a une vérité religieuse intégrale, il peut y avoir des civilisations chrétiennes diverses selon les exigences des époques et des hommes: d'où le catholicisme auquel s'agrippe la France et une partie de l'Europe. Pour mieux comprendre ce problème lié à la civilisation chrétienne, cherchons à savoir qu'est ce que l'homme?
Maritain part d'une conception purement anthropocentrique des relations humaines, de l'homme et de sa culture et il découvre qu'elle est vidée de sa dimension "christocentrique" et "anthropo-christocentrique". L'homme devient comme l'a stipulé le 18ème siècle « une volonté de puissance », un maître incontesté de l’univers, qui bannit Dieu de sa raison. La raison fait donc son propre éloge et nie « la raison toute souveraine ». Les relations entre les hommes vont dès lors se présenter sous forme conflictuelle (cf. Thomas Hobbes in Le Léviathan). Ainsi un certain athéisme va émerger de la pensée de certains philosophes et hommes politiques comme Marx, Nietzsche, Staline et Hitler. Dès lors la liberté et la dignité originelles se transforment en libertinage et en esclavage des idées mondaines et païennes: de là naîtront le totalitarisme et le racisme qui défigureront la personne humaine dans son intégralité. Quel est donc le sort de la civilisation humaine?
Face à ces dangers de la civilisation moderne, Maritain s’efforcera à travers son oeuvre de sauver l’humanisme et la civilisation moderne en les intégrant à une conception chrétienne du monde. Pour Maritain, l’erreur de l’humanisme classique n’a pas été de faire prendre à l’homme conscience de lui-même, mais de lier cette prise de conscience de la réalité de Dieu et des fins suprême de la création. Maritain suggère pour la France une réhabilitation des droits de la personne humaine et de sa dignité. A l’idée médiéval de la force au service de Dieu, il faut substituer l’idée de la « sainte liberté de Dieu » où Maritain voit le mythe dynamique de la civilisation chrétienne à venir. De ce pas, les forces anti-chrétiennes ne pourront vaincre l’amour et l’unité que prône la civilisation chrétienne.
L’auteur du Crépuscule de la civilisation devient à la faveur d’un long séjour américain le philosophe chrétien de la démocratie et des droits de l’homme, inspirateur et précurseur des évolutions catholiques exprimées par le concile vatican II. Sous l’égide doctrinal du thomisme, Maritain a été un philosophe passionné de vérité. Au point de vue politique, Maritain oriente ses auditeurs vers une démocratie personnaliste en rejetant toute sorte de machiavélisme. Pour lui, la politique chrétienne doit prendre en compte les valeurs évangéliques et les partis démocratiques.
En un mot, Maritain se fait le défenseur des « droits de l’homme ». Il s’agit pour lui face à la barbarie nazie qui menaçait l’avenir de la civilisation occidentale, de fonder philosophiquement l’exigence d’une philosophie respectueuse de la dignité humaine sur la tradition de l’humanisme chrétien.
CONCLUSION
Au terme de notre réflexion, nous retenons que Le Crépuscule de la Civilisation de Jacques Maritain est une interpellation à la conscience commune sur la valeur de la dignité et des droits de la personne humaine. Cette oeuvre fait le lien entre Humanisme intégral (1936) et Les droits de l’homme et la loi naturelle (1942) annonçant la déclaration universelle des droits de l’homme ( O.N.U. 1948). Le mérite de Jacques Maritain est non seulement de faire la critique des pouvoirs totalitaristes comme le marxisme et le nazisme, mais aussi de montrer l’importance de la religion (catholique) au sein d’une civilisation dite moderne. Ainsi le crépuscule de la civilisation s’écrira autrement l’aurore de l’humanisme chrétien si la personne est respecté dans toute son intégrité.
Nous comprenons aisément que le philosophe chrétien Jacques Maritain a la préoccupation du sort de la vérité dans les âmes ou de l’avenir de la culture occidentale. Il constate finalement que pour avancer vers cette civilisation chrétienne « le chrétien court en boitant » (cf. Cours du P. Patrice Aké ). Tout cela fait comprendre l’étroite relation entre Msgr Montini, proche collaborateur de Pie XII. Aussi en 1964, le pape Paul VI consulte Jacques Maritain au sujet du concile vatican II. Et le 08 décembre 1965, le pape lui remet à la clôture solennelle du concile le « message du concile » adressé aux hommes de la pensée et de la science.

Père AKE Patrice

samedi 13 septembre 2008

Harmonie and Transcendence

HARMONY AND TRANSCENDENCE
INTRODUCTION
The last half century might be said to have been marked especially by the march of mankind toward freedom. From the famous “Long March” of Chinese lore in the thirties, to the “march on Washington” by Martin Luther King in the sixties, to the world-wide social reforms in the eighties, the aspiration of freedom has electrified hearts, evoked great sacrifices and definite human progress in our age. This suggests that we might helpfully reflect upon society and the relation of the person thereto by focusing upon the different notions of freedom and attempting to see the implication of each for life in society. In this context, new appreciation may prove possible of the special contribution that African’s spirit can make to our times.
The paper will proceed by first considering three basic and successive notions of freedom which have emerged in the tradition of Western philosophy: (1) choice as a minimal sense of freedom found in classical British philosophies of the liberal tradition and common in our day ;( 2) Kant’s formal sense of freedom ;( 3) Kant’s development of an integrating aesthetic view. It will then consider how the third of these can be enhanced by the African philosophical traditions, and hence the essential contribution which African’s spirit can make to the effort of Africa to integrate science and democracy in this century.
LEVELS OF FREEDOM
LEVEL I: EMPIRICAL FREEDOM: TO CHOOSE WHAT ONE WANTS
At the beginning of the modern stirrings for democracy John Locke perceived a crucial need. If decisions were to be made not by the king, but by the people, the basis for these decisions had to be equally available to all. To achieve this Locke proposed that we suppose the mind to be a white paper void of characters and ideas, and then follow the way in which it comes to be furnished. To keep this public he insisted that it be done exclusively via sense experience, that is, either by sensation or by reflection upon the mind’s work on the materials derived from the senses[1]. From this, David Hume concluded that all objects of knowledge which are not formal tautologies must be matters of fact. Such “matters of fact” are neither the existence or actually of a thing nor its essence, but simply the determination of one from a pair of sensible contraries, e.g. white rather than black, sweet rather than sour[2].
The restrictions implicit in this appear starkly in Rudolf Carnap’s “Vienna Manifesto” which shrinks the scope of meaningful knowledge and significant discourse to describing “some state of affairs” in terms of empirical “sets of facts”. This excludes speech about wholes, God, the unconscious or entelechies; the grounds of meaning as well as all that transcends the immediate content of sense experience are excluded.
In such terms it is not possible to speak of appropriate or inappropriate goals or even to evaluate choices in relation to self-fulfillment. The only concern is which objects among the sets of contraries I will choose by brute, changeable and even arbitrary will power, and whether circumstances will allow me to carry out that choice. Such choices, of course, may not only differ from, but even contradict the immediate and long range objectives of other persons. This will require compromises and social contracts in the sense of Hobbes; John Rawles will even work out a formal set of such compromises[3]. Throughout it all, however, the basic concern remains the ability to do as one pleases.
This includes two factors. The first is execution by which my will is translated into action. Thus, John Locke sees freedom as “being able to act or not act, according as we shall choose or will[4]”; Bertrand Russell sees it as “the absence of external obstacles to the realization of our desires.[5]” The second factor is individual self-realization of our desires understood simply as the accomplishment of one’s good as one sees it. This reflects one’s personal idiosyncrasies and temperament, which in turn reflect each person’s individual character.
In these terms, Mortimer Adler points out in his study of freedom at the institute for Philosophical Research one’s goal can be only what appeals to one, with no necessary relation to real goods or to duties which one ought to perform[6]. “Liberty consists in doing what one desires[7],” and the freedom of a society is measured by the latitude it provides for the cultivation of individual patterns of life[8]. If there is any ethical theory in this it can be only utilitarian, hopefully with enough breadth to recognize other people and their good as well as one’s own. In practice, over time this comes to constitute a black-hole of self-centered consumption of physical goods in which both nature and person are consumed, this is the essence of consumerism.
This first level of freedom is reflected in the contemporary sense of “choice” in North America. As a theory, this is underwritten by a pervasive series of legal precedents following Justice Holmes’notion of privacy, which now has come to be recognized as a constitutional right. In the American legal system the meaning of freedom has been reduced to this. It should be noted that this derived from Locke’s political decision (itself an exercise of freedom) to focus upon empirical knowledge or concern. Its progressively rigorous implementation, constitute an ideology in the sense of a selected and restrictive vision which controls minds and reduces freedom to willfulness. In this perspective liberalism is grossly misnamed, and itself calls for a process of liberation and enrichment.
LEVEL II. FORMAL FREEDOM: TO CHOOSE AS ONE OUGHT
Kant provides the basis for another, much richer, notion of freedom which Mortimer Adler has called “acquired freedom of self-perfection.” It acknowledges the ability of the human being to transcend the empirical order and to envisage moral laws and ideals. This direction has been taken by such philosophers as Plotinus, Spinoza and Bradley who understood all in terms of ideal patterns of reason and of nature. For Kant freedom consists not in acting merely as one pleases, but in willing as one ought, whether or not this can be enacted.[9] Morals standards are absolute and objective, not relative to individual or group preferences.[10] How they can remain nevertheless autonomous emerges in the evolution of Kant’s three critiques.
In his first Critique of Pure Reason, Kant developed a theory of knowledge for the universal and necessary laws of the physical sciences. Reductionist philosophies such as positivism are happy to leave the matter there, for the necessity of the sciences gives control over one’s life, while their universality extends this control to others. If Kant’s categories could lend rational order to the random empirical world of facts, then positivism could achieve Descartes’s goal of walking with confidence in the world.
For Kant, however, this simply will not do. Clarity which comes at the price of necessity may be acceptable and even desirable for works of nature, but it is an appalling way to envisage human life. Hence, in his Foundations of the Metaphysics of Morals, Kant proceeds to identify that which is distinctive of the moral order. His analysis pushes forcefully beyond utilitarian goals, inner instincts and rational (scientific) relationships – precisely beyond the necessitated order which can be constructed in terms of his first Critique. None of these recognizes that which is distinctive of the human person, namely, freedom. For Kant, in order for an act to be moral it must be based upon the will of the person as autonomous, not heteronymous or subject to others or to necessary external laws.
This becomes the basic touchstone of his philosophy; every thing he writes thence forward will be adapted thereto, and what had been written before will be recontextualized in this new light. The remainder of his Foundations and his second Critique of Practical Reason will be composed in terms of freedom. Later his third Critique of the Faculty of Judgment will be written in order to provide a context that enables the previous two critiques to be read in a way that protects human freedom.
In the Foundations he recasts the whole notion of law or moral rule in terms of freedom. If all must be ruled or under law, and yet in order to be free the moral act must be autonomous, then my maxim must be something which as a moral agent I – and no other – give to myself.
This, in turn, has surprising implications, for if the moral order must be universal, then my maxim which I dictate to myself must be fit to be also a universal law for all persons.[11] On this basis freedom emerges in a clearer light. Is not the self-centered whimsy of the circumstantial freedom of self-realization described above; but neither is it a despotic exercise of the power of the will; finally, it is not the clever self-serving eye of Plato’s rogue.[12]Rather, as the highest reality in all creation, freedom is power that is wise and caring, opens to all and bent upon the realization of “the glorious ideal of a universal realm of ends-in-themselves.” It is, in sum, free men living together in righteous harmony.[13]
LEVEL III. EXISTENTIAL FREEDOM: AESTHETIC HARMONY
Despite its central importance, I will not remain longer on practical reason because it is rather in the third Critique of the Faculty of Judgment that Kant provides the needed context for such harmony.[14] In so doing he approaches the aesthetic sensibility of African’s spirit in articulating the cosmic significance of freedom. Kant is intent not merely upon uncovering the fact of freedom, but upon protecting and promoting it. Ha faces squarely the modern person’s most urgent questions.
How can this newly uncovered freedom survive when confronted with the necessity and universality of the realm of science – and its implications for technology – as understood in the Critique of Pure Reason? Will the scientific interpretation of external nature force free-dom back into the inner realm of each person’s heart where it would be reduced at beast to good intentions or good feelings towards others?
When we attempt to act in this world or to reach out to others must all our categories be universal and hence insensitive to that which marks others as unique and personal; must they be necessary, and hence no room for creative freedom? If so then public life can be only impersonal, necessitated, repetitive and stagnant.
Must the human spirit be reduced to the sterile content of empirical facts or to the necessitated modes of scientific laws? If so then philosophers cannot escape what for wisdom is a suicidal choice between either being traffic directors in the jungle of unfettered competition or sharing tragic complicity in setting a predetermined order for the human spirit.
Freedom would indeed have been killed and would pulse no more as the heart of humankind.
Before this threat Kant’s answer was a resounding: No! Taking as his basis the reality of freedom – so passionately and often tragically affirmed in our lifetime by Gandhi and Martin Luther King – Kant proceeded to develop his third Critique of the Faculty of Judgment as a context within which freedom and scientific necessity could coexist, indeed in which necessity would be the support and instrument of freedom.
For this Kant found it necessary to distinguish two issues as reflected in the two parts of his third Critique. In the “Critique of theological Judgment[15]”he acknowledges that nature and all reality must be teleological, for if there is to be room for human freedom in a cosmos in which one can make use of necessary laws, if science is to contribute to the exercise of human freedom, then nature too must be directed toward a goal and manifest throughout a teleology with which free human purpose can be integrated.
In these terms nature, even in its necessary and universal laws, is no longer alien to freedom, but expresses divine freedom and is concealable with human freedom. The structure of his first Critique will not allow Kant to affirm this teleological character as a metaphysical reality, but he recognizes that we must proceed “as if” all reality is teleological precisely because of the undeniable reality of human freedom in an ordered universe.
If, however, teleology in principle provides the needed space, there remains a second issue of how freedom is exercised, namely, what mediates it to the necessary and universal laws of science? This is the task of “Critique of Aesthetic Judgment[16]”where the imagination plays the key integrating role in enabling a free person to relate to a necessary order of nature and to given structures in society in ways that are neither necessitated nor necessitating.
There is something similar here to the Critique of Pure Reason. In both, the work of the imagination in assembling phenomena is not simply to register, but to produce the objective order. As in the first critique the approach is not from a set of a priori principles which are clear all by themselves and are in order to bind the multiple phenomena into a unity. On the contrary, under the rule of unity the imagination orders and reorders the multiple phenomena until they are ready to be informed by a unifying principle whose appropriateness merges from the reordering carried out by the productive imagination.
In the first Critique, however, the productive work was done in relation to the abstract and universal categories of the intellect and carried out under a law which dictated that phenomena must form a unity. Hence, although it was a human product, the objective order was universal and necessary and the related sciences were valid both for all things and for all people[17].
In the “Critique of the Aesthetic Judgment”, in contrast, the imagination in working toward an integrating unity is not confined by the necessitating structures of categories and concepts, but ranges freely over the full sweep of reality in all its dimensions to see whether relatedness and purposiveness can emerge. Hence, in standing before a work of nature or of art it might focus upon light or form, sound or word, economic or interpersonal relations – or, indeed, upon any combination of these in a natural environment or a society, whether encountered concretely or expressed in symbols.
Throughout all of this the ordering and reordering by the imagination can bring about numberless unities. Unrestricted by any a priori categories, it can integrate necessary dialectical patterns within its own free and therefore creative production, and scientific universals within its unique concrete harmonies.
This properly creative work of the human person in this world extends the realm of human freedom to the whole of reality. For this harmony is appreciated not merely intellectually in terms of its relation to a concept or schema (the first Critique), nor morally in relation to the force of a just will (the second Critique), but aesthetically by the pleasure or displeasure of the free response it generates. What manifests whether a proper and authentic ordering has or has not been achieved is not a concept[18], but the pleasure or displeasure, the elation at the beautiful and sublime or the disgust at the ugly and revolting, which flows from our contemplation or reflection.
One could miss the integrating character of this pleasure or displeasure and its related judgment of taste[19]. This would be so if one looked at it ideologically as simply a repetition of past tastes in order to promote stability, or reductively as merely an interior and purely private matter at a level of consciousness available only to an elite class or related only to an esoteric band of reality. That would ignore the structure which Kant laid out at length in his first “Introduction” to his third Critique[20]. He noted there that he conceived this third critique not as merely juxtaposed to the first two critiques of pure and practical reason, but as integrating both in a richer whole.
This opens a rich prospect for freedom in society. It need no longer be simply the capacity of the individual to gather goods about oneself, nor at the second level of freedom to set universal laws. Beyond this it is the capacity creatively to integrate both of these in a process of shaping one’s personal and social life in a unique and beautiful manner. In society this, indeed, becomes the reality of culture. Let us look more closely at this with special attention to the contribution African’s people can make to this challenge of the exercise of social life through technology.
A suivre….
Father AKE PATRICE JEAN
pakejean@yahoo.fr

AFRICAN CULTURE AND FREEDOM IN A TECHNOLOGICAL SOCIETY


[1] John LOCKE.- An Essay Concerning Human Understanding (New York: Dover, 1959), Book, Chap. I, Vol. I, 121-124
[2] David HUME.- An Enquiry Concerning Human Understanding (Chicago: Regnery, 1960)
[3] The Theory of Justice (Cambridge : Havard Univ. Press, 1971)
[4] An Essay Concerning Human Understanding A.C. Fraser, ed. (New York: Dover, 1959), II, ch. 21, sec. 27; vol. 1, p. 329
[5] Skeptical Essays (London : Allen 1 Unwin, 1952), p. 169
[6] Mortimer J. ADLER.- The Idea of Freedom: A Dialectical Examination of the Conceptions of Freedom (Garden City, New York, Doubleday, 1958), p. 187.
[7] J. S. MILL.- On Liberty, ch. 5, p. 15
[8] ADLER, p. 193
[9] Ibid., p. 253.
[10] Ibid., p. 257.
[11] Immanuel KANT.- Foundations of the Metaphysics of Morals, trans. R.W. Beck (New York: Bobbs-Merrill, 1959), Part II, pp. 38-58 [ 421-441]
[12] PLATO.- Republic 519
[13] Foundations, III, p. 82 [463]
[14] Cf. Hans Georg GADAMER.- Truth and Method (New York: Crossroads, 1982), Part I, pp. 1-2, pp. 39-73; and W. Crawford, espec. Ch. 4.
[15] Immanuel KANT.- Critique of Judgment, trans. J.H. Bernard (New York: Hafner, 1968), pp. 205-339
[16] Ibid., pp. 37-200
[17] Immanuel KANT.- Critique of Pure Reason, trans. N.K. Smith (London: Macmillan, 1929), A 112, 121, 192-193. Donald W. Crawford.- Kant’s Aesthetic Theory (Madison: University of Wisconsin, 1974), pp. 83-83, 87-90.
[18] See Kant’s development and solution to the autonomy of taste, Critique of Judgment, nn. 57-58, pp. 182-192, where Kant treats the need for a concept; Crawford, pp. 63-66.
[19] See the paper of Wilhem S. Wurzer “On the Art of Moral Imagination” in G. McLean, ed., Moral Imagination and Character Development (Washington: The Council for Research in Values and Philosophy, 1991), for an elaboration of the essential notions of the beautiful, the sublime and the taste in Kant’s aesthetic theory.
[20] Immanuel Kant.- First Introduction to the Critique of Judgment, trans. J. Haden (New York: Bobbs-Merrill, 1965)