lundi 17 novembre 2008

MARDI DE LA 33E SEMAINE DU TEMPS ORDINAIRE

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MARDI
DE LA 33 e SEMAINE DU TEMPS ORDINAIRE
(Luc 19, 1-10)
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achée est riche, il s’est enrichi de richesses injustes. Zachée est petit, très petit dans l’es­time de ses contemporains. Zachée est tiré vers le bas, petit et saturé de biens ! Cependant subsiste en lui une fêlure. Il ne dit pas : « Je suis riche, je me suis enrichi.» Il dit: «Je veux voir Jésus!» Curiosité malsaine, ou début de retournement ? Ne cherchons pas à distinguer les bonnes ou mauvaises intentions : dans le cœur de l’homme se mêlent l’intention pure et la cupidité… Le cœur de l’homme, cette demeure où cohabitent le meilleur et le pire.
Zachée monte sur l’arbre de ses richesses, pour voir plus loin, plus haut que la foule. Mais Jésus est en bas, au pied de l’arbre et à ses pieds… Curieux renversement des rôles ! Zachée le petit, au plus haut de son arbre de richesses, et Jésus, le Seigneur, tout en bas, aux pieds de Zachée : le Pauvre frappe à la porte du riche, y entre et partage le repas.
Tous sont allongés, seul Zachée est redressé. Que se sont-ils dit ? Rien n’indique qu’une exhortation, une réprimande ait été échangée. Zachée a ouvert sa demeure, il a ouvert son cœur et sa pensée, il a ouvert sa bourse ! Zachée donne, Zachée répare au quadruple, Zachée le petit grandit dans la justice et la vérité. De sa caverne de voleur il a fait un temple de salut. Et lui habite le sein d’Abraham.
Et nous, resterons-nous dans la tiède rancœur quand le pécheur devient brûlant de vie ? Puis­sions-nous devenir les brûlants messagers de cette bonne nouvelle : « Le Seigneur se tient à ta porte et il frappe. Écoute sa voix, ouvre ta porte et fais-lui don de tes biens, en chaque pauvre près de toi. »
PERE AKE PATRICE JEAN
Autres textes : Apocalypse 3, 1-6, 14-22. Psaume 14.

samedi 8 novembre 2008

LA LEGALITE

UNIVERSITE CATHOLIQUE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST

LECON INAUGURALE

Octobre 2008

THEME : LA LEGALITE

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Introduction

Que serait une société au sein de laquelle chaque individu agit à sa guise sans aucun respect pour le prochain, sans aucune considération pour les biens d’autrui, une société où il n’existe aucune autorité? Assurément, on serait en présence d’une société anarchique vouée au chaos et à sa disparition. Parce que la recherche du bien commun passe par la recherche de la paix et de la sécurité entre les hommes du corps social, parce qu’il n’est pas de véritable tranquillité sans le respect des intérêts particuliers de chacun de ces membres, parce que l’absence de désordre ne peut s’établir que si chacun se voit attribuer individuellement ce qui lui est dû, l’ordre social ne peut s’établir que si des règles juridiques d’encadrement des comportements, des rapports humains existent formant alors un ordre juridique.

L’ordre juridique suppose cependant un ensemble de règles de droit que l’on pourrait représenter sous le vocable de droit.

Le droit, puisque c’est de cette notion qu’il s’agit et qu’on examine à la loupe au regard de son application, est norme régulatrice des rapports humains en société, norme de direction des conduites humaines en société et parfois norme correctrice des comportements sociaux. Le droit est un instrument de régulation en ce sens qu’il est un ensemble de règles et celles-ci doivent être respectées par tous au travers d’une notion a priori intelligible : « la légalité ».

La légalité c’est la qualité, « le caractère de ce qui est conforme à la loi, plus largement au droit écrit, parfois même au droit positif dans son ensemble »[1]. C’est la conformité à la loi. C’est le caractère de ce qui doit être établi par la loi. En conséquence, ce qui est contraire à la loi est donc illégal[2]. De même, lorsqu’il y a méconnaissance du droit en général, il y a illégalité. Abusivement le terme légalité est utilisé au sens de licéité car ce qui est illicite est ce qui n’est pas permis, ce qui est contraire à un texte, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Les deux expressions sont alors très proches. Le contrat illégal ne signifierait rien d’autre que le contrat illicite. Ce n’est cependant pas tout à fait exact. La légalité préexisterait à la licéité. Il est plus juste de dire qu’un contrat de vente est illicite parce l’une des conditions (la capacité ou l’objet illicite) qui préside à sa validité n’est pas remplie que soutenir que ce même contrat est illégal en raison de la violation de la même condition exigée par la loi. On pourrait, au demeurant, souligner que ledit contrat est irrégulier, qu’il n’est pas valable. En revanche si le contrat est illégal on soutiendrait volontiers que ce contrat ne trouve pas de base juridique. Mais tout cela n’est que querelle de vocable. Cependant, il semble pertinent de ne pas confondre légalité et légitimité. Il convient pour juger de la justesse et de la justice d'un acte ou d'une décision de distinguer sa légalité et sa légitimité. Est légal ce qui est autorisé par le droit positif existant, ce qui est conforme au texte de la loi ; est légitime ce qui est et doit être reconnu comme juste par tous dans une formation sociopolitique déterminée. La légitimité se comprend, encore, comme « la conformité d’une institution à une norme supérieure juridique ou éthique, ressentie comme fondamentale par la collectivité qui fait accepter moralement et politiquement l’autorité de cette institution »[3]. En principe en démocratie la loi doit être universelle, c'est à dire établir l'égalité en droits et en devoirs généraux entre tous; cette égalité est de principe, elle est donc soustraite au vote majoritaire car elle est une condition transcendantale (axiome de possibilité) de la démocratie et du choix majoritaire; c'est dire que cette égalité est fondatrice de fait démocratique et elle ne peut être contestée, ni soumise au vote sans abolir ce fait. Est donc légitime une loi qui met en forme l'égalité des droits et des devoirs fondamentaux et leurs limites, tels qu'ils sont reconnus par la déclaration universelle des droits de l'homme afin d'éviter la violence et la domination.

Quoi qu’il en soit, on pourrait envisager une validité plurielle qui inclurait la légalité, la licéité et la légitimité. En toute rigueur, la légalité se justifie par des raisons de nécessité de gouvernement (prévoir ce qui est permis et ce qui ne l’est pas pour une bonne administration de la société). Dans ces conditions, la légalité s’appuie sur la loi, plus exactement sur des textes, de façon générale sur des règles juridiques à caractère normatif incluant un aspect obligatoire et à caractère coercitif incluant la sanction. Aussi, l’illégalité doit-elle pouvoir être sanctionnée. Remarquons que l’utilisation de la loi qu’en fait le législateur pour révéler la légalité ne doit pas conduire à une déviance. En effet, « la loi n’est pas faite pour affirmer des évidences, émettre des vœux ou dessiner un état idéal du monde…. La loi ne doit pas être un rite incantatoire. Elle est faite pour fixer des obligations et ouvrir des droits. En allant au-delà, elle se discrédite ». L’élaboration de la loi et son effectivité paraissent influencer les modalités de la légalité, sa positivité ou sa négativité. Puisant à la source de la loi au sens large, la légalité reste d’abord, un instrument de protection des droits du citoyen (Première partie). Ensuite et surtout, il se révèle comme un instrument de régulation sociale (deuxième partie)

Première partie : la légalité : un instrument de protection des droits du citoyen

Le droit n’est pas fait pour les animaux[4]. Le droit est un phénomène de communication, un phénomène de régulation et un phénomène de culture. A ce titre, le droit est destiné aux hommes et la légalité dont il est emprunt assure la protection des droits des citoyens. Cela reste possible tant que des règles sont élaborées suivant un processus et forment un ordre juridique. Mais la légalité est susceptible de modalités diverses. Elle comporte, au demeurant, des limites

A- L’existence de la légalité : l’élaboration d’un ordre juridique

Les règles de droit, à partir desquelles on peut soulever la question de la légalité, ne vivent pas dispersées. Elles se regroupent en institutions juridiques. Ces institutions s’ordonnent entre elles, se groupent, se hiérarchisent. Les multiples règles de droit, les institutions juridiques coordonnées entre elles suivant un enchainement logique, rationnel, forment une immense totalité qui est l’ordre juridique. Toutefois, l’ordre juridique ne se réduit exclusivement pas à une compilation de règles. Il est aussi une organisation impliquant des organes. On pense naturellement aux juridictions appelées à sanctionner les violations de la loi. L’ordre juridique s’appuie surtout sur une hiérarchie des normes. Cela signifie que les textes de loi obéissent à une certaine logique d’intervention. La norme supérieure qu’est la Constitution donne les orientations que doivent respecter les normes inférieures. La loi ne peut, à cet effet, aller à l’encontre de la Constitution ; de même un décret ne peut contredire une norme législative. Cette hiérarchisation assoie les bases de la légalité et lui assure une promotion qui n’est autre chose que la protection des droits des citoyens. L’inconstitutionnalité d’une loi est en ce sens une négation de la légalité. Mais il faut la présence d’un juge, acteur indispensable dans le contrôle de la légalité.

Le rôle du juge dans l’interprétation de la loi assure, en effet, la positivité de la légalité en ce sens que le contrôle de l’application de la règle juridique permet aux citoyens de mesurer avec rigueur le respect de la norme, de mieux comprendre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas.

B- L’opérationnalité de la légalité : les manifestations et limites

La légalité dans ses manifestations tient compte des domaines dans lesquels elle est évoquée. De la simple légalité, on en arrive au principe de la légalité. Ce principe est un outil de travail très important dans le raisonnement de toutes les disciplines juridiques. Ainsi en droit pénal, le principe de la légalité est considéré comme la clé de voûte de tout le système judiciaire. Il est suivi du principe de l’interprétation stricte qui veut qu’un fait qui ne réunit pas les éléments constitutifs d’une infraction (matériel et moral), même s’il ressemble à celle-ci, ne soit pas retenu comme incrimination. C’est l’application de l’adage « nullum crimen, nulla poena sine lege »[5].

En droit administratif, tout acte, surtout administratif, doit préalablement avoir comme support juridique une disposition réglementaire dans l’ordre juridique préexistant. A titre de garantie élémentaire des administrés, le principe indique que l’administration ne peut agir qu’en conformité avec le droit dont la loi écrite n’est qu’un des éléments. Le principe de la légalité évite donc l’arbitraire dans la prise des décisions et assure la protection des droits des citoyens.

En droit fiscal, on remarque par ailleurs que ce qui s’impose, c’est la légalité des impôts. Le principe évoque, encore ici, l’idée selon laquelle tout impôt qu’il soit levé par une collectivité locale ou par l’Etat ne peut être créé que par une loi.

Mais il existe des tempéraments et des exceptions à la légalité. On retiendra quelques exemples notamment les actes de gouvernement, les circonstances exceptionnelles, le pouvoir discrétionnaire de l’administration.

Une autorité administrative dispose d’un pouvoir discrétionnaire quand elle a la faculté de choisir entre plusieurs décisions qui sont toutes conformes à la légalité.

En ce domaine, il ne s’agit véritablement pas d’une exception à la légalité car l’administration ne décide pas de manière arbitraire. En effet, tout acte administratif est soumis au respect des règles de compétence et au caractère général du but poursuivi.

La théorie des circonstances exceptionnelles par contre, traduit bien une dérogation. Cette théorie a été construite en France et est issue de la seconde guerre mondiale où l’administration française a dû prendre des décisions excédant ses pouvoirs normaux pour faire face à la situation du moment.

De même, les limites du pouvoir de police dont l’administration dispose ne sont pas les même en temps de guerre. Ces pouvoirs sont exorbitants et peuvent méconnaître le principe de la légalité.

Pour la mise en œuvre de cette théorie, on peut noter deux conditions :

1) la survenance brutale d’évènements graves mettant l’administration dans l’impossibilité d’agir dans le respect des règles normales.

2) La limitation de la dérogation à la durée des circonstances

Enfin les actes de gouvernement traduisent aussi une dérogation à la légalité. Il en est ainsi, par exemple, s’agissant des actes dans le cadre de la politique internationale (les rapports d’Etat à Etat, la ratification des accords, l’exercice du droit de protection diplomatique etc.).

Ces diverses dérogations n’entament pas la portée de la légalité qui reste un instrument de régulation sociale.

Deuxième partie : la légalité : un instrument de régulation sociale

La portée de la légalité, pour asseoir la paix sociale, est basée sur la rigueur de la loi : dura lex sed lex (dure est la loi, mais c’est la loi). Toutefois il faut s’interroger sur le contenu injuste ou juste de la loi qui doit être l’objet de respect d’où l’analyse du juridique de la loi.

A- La rigueur de la légalité : « la présomption légale de connaissance de la loi

La loi est souvent présentée dans sa genèse comme la réponse à l’expression d’un besoin d’un corps social et l’on pensait hier qu’en raison du caractère général et abstrait des lois, il fallait peu de lois mais des lois bien faites. Mais on observe depuis peu le phénomène inverse. Il y a « inflation législative », hypertrophie des lois, rédigées de plus en plus vite, au contenu de plus en plus spécifique pour satisfaire des besoins de plus en plus contingents. Les lois lorsqu’elles sont votées, promulguées et publiées deviennent obligatoires dans la société. La publication des textes est en principe une condition de leur opposabilité à l’égard de tous, sauf cas d’urgence. La connaissance de la loi est nécessaire à son opposabilité et cette connaissance est présumée du fait de sa publication. Tel est le sens de l’adage « nul n’est censé ignorer la loi – nemo censetur ignorare legem ». La présomption de connaissance de la loi renforce la légalité et c’est une nécessité de gouvernement. On présente en outre l’adage « nul n’est censé ignorer la loi » comme une présomption irréfragable de connaissance de la loi. Une présomption dont la preuve contraire n’est pas admise. La règle ainsi présentée à une double portée.

A l’égard du juge, la présomption de connaissance de la loi est très forte car il connait le droit d’où résulte pour le demandeur une dispense de preuve.

A l’égard du particulier, la règle doit revêtir la même force. Mais attention une présomption de connaissance effective qui pèserait sur l’universalité des habitants ne serait pas cohérente à un système de droit qui, en instituant des diplômes des professions juridiques, des administrations, paraît avoir réservé cette connaissance à quelques professionnels, quelques élus. A la vérité, l’homme quelconque est présumé en faute pour n’avoir pas consulté ceux qui savaient. L’adage selon Carbonnier devrait être lu : « chacun est censé avoir eu la possibilité de s’informer de la loi ».

En tout cas, il faut bien se rendre, à l’évidence, qu’il est impossible d’embrasser le droit moderne dans toute sa totalité. Ce qui rend quelque peu contestable la portée trop grande accordée à la présomption de connaissance de la loi dans nos Etats africains. A cela, il faut ajouter l’absence de publication régulière de la loi et l’illettrisme conjugué avec le langage juridique qui reste un langage ésotérique seul accessible aux initiés.

L’adage garde, en dépit de tout, sa rigueur sauf alors à considérer le tempérament prévu par la loi à travers l’erreur de droit. Le respect de la légalité ne se négocie pas est-on tenté d’affirmer. Mais il semble alors utile de s’accorder sur le juridique de la légalité.

L’adéquation de la légalité : le juridique de la règle

Que serait une légalité imposée, exigée et sanctionnée en cas d’écart si la règle de droit qui la sous-tend n’est ni équitable ni légitime ni juste ? Cette interrogation conduit à une recherche sur les fondements de la règle juridique que l’on pourrait retrouver en recourant à la philosophie du droit, la sociologie juridique.

Remarquons qu’une recherche d’égalité au sens de juste équilibre donne à la règle juridique une particularité qui ne se retrouve ni en morale ni en religion

Si le fondement du droit est la justice, on comprend alors qu’il ne faut pas obéir à une règle fût-elle du législateur qui soit injuste. Mais donner ce fondement exclusif aboutirait à une instabilité sociale. Que serait une société où chacun pourrait décider du caractère juste ou non des textes officiels dites juridiques qui sont ou ont été injustes (exemple de l’apartheid, du nazisme)

Il reste d’ailleurs des règles qui sont des règles qui sont totalement indifférentes au juste. Quelle justice peut-on induire de la conduite à droite ou à gauche ?

Par ailleurs, il existe des dispositions qui tendraient à dénier toute idée de justice au droit. La prescription qui dénie le droit d’ester en justice après l’écoulements du délai prévu par la loi n’a que faire de la justice lorsque le titulaire du droit d’agir n’a pas été diligent.

Mieux encore, le droit semble parfois radicalement opposé à la justice lorsque devant le juge les arguments procéduraux permettent d’exclure l’examen du bien fondé de la demande ou lorsque la solution du juge du fond est cassée pour manque de base légale

Le droit est souvent un instrument d’adéquation entre les intérêts et des impératifs opposés ayant pour finalité d’assurer la concorde.

Le fondement du droit se laisse difficilement percer parce que le droit recoupe, traverse, emprunte mille sentiers et en cela il ne peut expliquer en totalité la force ou la méconnaissance de la loi. Il faut retenir une seule chose sans règle de droit, la société quelle qu’elle soit est vouée à disparaitre en raison de l’anarchie et le chaos qui y régneraient. Les lois, les règles doivent être respectées, il y va de la concorde, de la solidarité et du développement de la nation. Mais une interrogation mérite un autre regard lorsque l’on examine le sort des règles juridiques dans la société africaine où règne la corruption, l’impunité. La vertu de la légalité doit sans doute être autrement recherchée.


[1] Gérard Cornu, vocabulaire juridique, édition PUF 2007, p. 538

[2] Dans un sens spécial au droit administratif, l’illégalité rejoint la méconnaissance d’une règle de droit constitutive de la légalité et s’imposant comme telle aux autorités administratives

[3] Gerard Cornu, op cit. p. 542

[4] Au sens de droit subjectif, les animaux n’en sont pas titulaires en dépit des actions menées par des associations pour leur protection. On comprendrait mal un chien ou un chat devenir héritier des biens d’une personne.

[5] Pas d’infraction sans un texte de loi

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