lundi 29 juin 2020

CONSTRUIRE UNE EGLISE AVEC INTERNET

CONSTRUIRE UNE EGLISE AVEC INTERNET

INTRODUCTION
Les hommes passent, mais les écrits restent. Après les années de recul, j’ai décidé aujourd’hui d’écrire pour la postérité. Quand je suis rentré de New York, en 1987 où je me suis formé au Windows 95, grâce au Macmillan windows 95(1997, Simon § Shuster Macmillan), j’ai été nommé curé en 1998 de la paroisse St Ambroise d’Angré. J’avais une église à construire. La paroisse ne disposait que de 74 millions en caisse. Et le Père Etienne NAMLAN mon prédécesseur n’avait que ses études architecturales et plans divers, établis par l’agence MAY (Martial, ASSI YAPO, architecte). Le lendemain de mon arrivée, en paroisse, le conseil paroissial de l’époque, dirigé par une brave dame Mme YAO Madeleine, avait rende vous avec Mr DJOMAN Henri du BNETD. Ce dernier était responsable des appels d’offres et des marchés.
Nous avions à peine commencé les échanges que Mr Djoman nous interrompit brusquement : « Le BNETD suit les grands marchés de l’Etat, votre entreprise est mort né. Après le premier décompte, vous n’aurai plus rien. » C’est alors que j’ai pris la parole. : « Puis-je me permettre, Mr DJOMAN ? ». « Certes nous n’avons que 74 millions, mais sommes en connexion avec le Vatican. Si nous tombons en panne d’argent, le St Père va nous secourir. »
Alors, Mr DJOMAN et a donné son accord. Revirement spectaculaire ! Qui l’eût. A la sortie de la réunion, lui et moi, nous nous sommes embrassés. C’était un grand frère du Collège ND d’Afrique de Bietry. « Mon frère, m’a-t-il ajouté, je n’ai pas des millions à te donner, mais je vais t’aider au mieux que je peux. » C’est ainsi qu’il m’a affecté Mr YAO BOATENE, un ingénieur du BNETD et un autre technicien, dont j’ai oublié le nom. Je travaillais plus avec BOATENE, qui n’était pas facile. Lui et l’architecte échangeaient des paroles déplaisantes parfois, au risque de paralyser les travaux. Par exemple, sur des détails : qui était le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage ? Sur le panneau de chantier, on devait marquer quelque chose. L’architecte disait qu’il était le maître d’œuvre. C’est lui le patron qui avait conçu l’église dans sa tête. L’autre répondait négativement car il ne voulait pas être un simple exécutant.
Le lendemain de cette rencontre, Mr DJOMAN a convoqué les entreprises chargées de l’exécution du chantier et les a tellement bien présenté le projet, que tous ont repondu que le BNETD est dernière cette affaire, donc on a quelque chose de sérieux.
Le 18 novembre 1998, les travaux ont commencé, avec IGEMAT ; Abattage des arbres et nivellement de la plate-forme. 
Nous nous trouvés dos au mur. Il fallait chercher l’argent.
A un conseil, j’ai décidé de faire un site web, pour construire l’église et notre projet est né : construire un église avec Internet.

1.    Le projetUne image contenant extérieur, homme, bâtiment, photo

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J’ai obtenu l’accord du conseil. Ces gens avaient Internet au bureau, mais ne savaient pas l’utilité. J’ai mis en place une équipe de traducteurs (anglais, italien, allemand, espagnol…) et je suis allé à Africa-Online. Là aussi je suis tombé sur l’un de mes anciens étudiants qui était devenu webmaster. Il m’a fait un site trilingue (français, anglais, allemand…) qui m’a coûté, un million (1million de francs CFA). Il m’ a fait un réduction de 500.00 FCFA) et le site a été mis en ligne 
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                                                        Au commencement ce n’était pas évident. Nous avons beaucoup d’incompréhensions. Mais nous n’avons cédé et la prière aidant. Le premier diocèse qui nous répondu fut celui de Muchen (USA). Mais auparavant nous vous faisons part des réponses négatives.

2.    REPONSES NEGATIVES

Ce que les Européens ne comprenaient pas c’était le projet d’une grande église (de 1X et demi plus grande que St Jacques. Ils voyaient leurs églises aujourd’hui depeuplées et nous encourageaient à bâtir des choses plus modestes. Ils insistaient sur les
Sur les choses annexes, par exemple des salles, des hôpitaux, des écoles et étaient prêts à financer des projets moins coûteux. Pour une église, ce n’était pas rentable.
Le Prelat H. Michel secrétaire de l’Archevêché de Cologne nous dit avoir examiné notre projet selon les requêtes habituelles mis « devant la détérioration de la situation en Allemagne, nous sommes contraints à renoncer de participer à de tels gros projets et à donner une priorité à de petits et spéciaux projets de base urgents. » (cf. lettre)
D’autres personnes comme Karim MEDJI voulait faire du bussiness avec moi : des travaux d’électricité. Il en est de même pour Jean Claude Sulka, horloger bijoutier qui m’écrit ceci : « Je suis sur le point de terminer la mise au point d’une horloge de clocher originale, que j’ai eu l’occasion de présenter, il y a environ 2 ans (un premier prototype) à Monsieur KONAN AMANI Feby, Directeur de l’école ivoirienne de bijouterie et des métiers à Abidjan ».La conclusion : « Je n’ai malheureusement pas les moyens de faire don d’un tel système, mais toutefois, je peux vous offrir l’étude et l’installation. » Monsieur Martin Jean, agent de développement nous écrit : « Il nous fait très plaisir de voir que vous voulez honorer la mémoire de Saint Ambroise. Nous ne pouvons acquiescer à votre demande pour les raisons très évidentes de compression budgétaire. Si vous avez un surplus d’argent, vous pouvez toujous nous en envoyez pour réparer notre église qui en aurait bien besoin. Le mouvement chrétien de cadres et dirigeants écrit : « Votre message électronique nous est bien parvenu et il a retenu toute notre attention. Nous avons compris votre désir de mener à bien le projet de la construction qui, nous le supposons, devrait devenir l’église de la localité dont vous avez la charge pastorale. Toutefois, le MCC, qui est un mouvement de réflexion, n’a ni la vocation ni les ressources nécessaires pour satisfaire votre demande. » Des critiques aussi nous en avons reçus, comme celle de Bjean5411@aol.com: « N’est-il pas intéressant de publier les plans de la future église sur votre site ? » Terre sans frontières nous dit : Nous avons reçu votre lettre sollicitant notre aide pour la construction de votre église. Terre SS Frontières n’intervient pas en Côte d’Ivoire et nous ne prévoyons pas intervenir, nos demandes étant déjà très importantes dans nos pays de concentration. » Vincenzo CONZO, sécrétaire général del’Association internationale Rurale Catholique pense que : « C’est dommage que le but institutionnel d’Agrimissio, c’est d’aider les petits projets de promotion agricole. Nous vous souhaitons de pouvoir trouver d’autres portes ouvertes pour résoudre votre requête. » Hans de Goederen, secrétaire de direction d’IFAM écrit : « Nous sommes au regret de vous informer que nos subventions pour les années à venir ont déjà été allouées. Nous espérons sincèrement que votre recherche d’aide sera couronnée de succès. ». Monsieur Franck BLEU pense ceci : « Dieu tout puissant est avec vous car si vous avez assez d’argent pour avoir un site web alors que Dieu fasse en sorte que l’église soit construite. »
Le Rev. Robert J. KELLY du diocèse de COVINGTON a écrit : « I regret that we do note have any funds available to assist you at this time. In addition to our regular programs, such as our missionary cooperative collections and our appeals on behalf of The Society for the Propagation of the Faith and our national Bishop’s collections, we are now engaged in a twinning project with the new Diocese of Mandeville in Jamaica. I am sure that you can enderstand taht we would like to be able to respond positively to all of the many requests which we receive, but we simply are not able. » Archie Bruum, Director of the Pontifical Mission AID and Organization writhes : « Bisho Carl Moeddel asked that I respond to your request for financial assistance for the construction of the new Saint Ambroise


3.   Réponses positives

J’aurais pu m’étendre abondamment sur mes réponses négatives. J’attendais un signe du ciel quand pendant le carême de cette année-là, un diocèse minscule a daigné répondre. Il s’agissait du diocèse de Muechen aux Etats-Unis et la somme donnée était aussi petite : 500 $ US. Alors j’ai cru au Seigneur. Il fallait comprendre le système : voilà comment il marchait. La période de demande : la Toussaint et le Carême. Ensuite, des laïcs ne peuvent pas demander une aide à un évêque. Cela se passe d’évêque à évêque. Je suis passé alors à la visite supérieure en adressant des demandes au nom du Cardinal AGRE  aux évêques du monde entier. J’ai acheté simplement un scanneur pour scanner son nom et sa signature que je mettais au bas des pétitions que j’envoyais. C’était mon secret à moi. J’ai pris de grands risque. Mias je pensais à la parole du Christ « soyez intelligents comme les enfants des ténèbres ». Le Cardinal recevait de l’argent sans avoir fait des demandes. Du moins le savait-il ! puisqu’il faisait aussi d’autres demandes par le même canal. 
Un jour j’ai été convoquer à l’Archevêché par Mme HAMEIDAD, la femme d’Eugène, qui m’aimait bien. Un diocèse où l’évêque était mort avait retourné la lettre. Elle m’avait demandé si j’en étais l’auteur. Quand j’ai pris connaissance du contenu, j’ai vu que les ens avaient répondu. En plus de la demande pour la construction de l’église, la Cardinal avait demandé dix véhicules. Or, le diocèse était petit et avait des ennuis financiers. Mais un jour, ce qui devait arriver, arriva.
Il faut dire que quand les choses marchaient bien, le Cardinal m’appelait d’un sobriquet : « Internet ». Quand je croisais, il disait : « Mon fils, Internet dit quoi. Et moi je souriais en douce. » Et puis, le coup d’Etat de Guei est arrivé. Les travaux et le finances sesont arrêtés. Et les problèmes. Igemat qui avait commencé et livré la plate-forme bétonnée à 80% au 17 décembre 1998, nous avait permis de fêter Noël. Puis il y a eu le coup d’Etat.
Charles KOFFI(2012),Eglise Catholique de Côte d’Ivoire. Quel avenir ?,Vallesse éditions, écrit : « Le deuxième événement majeur est la survenue de la rébellion qui a abouti à une crise sans précédent après les élections de 2010 »p.27. Il tranche sur la même page, un peu plus loin :«Tout ceci a pour l’Eglise un impact très négatif sur le plan financier ».  Les vivres nous ont été supprimés au plan international. Igemat a été surpris en flagrant délit de fraude sur les piliers. Le dosage du béton n’était pas bon. Socotec a demandé que tous les piliers soient repris. Alors Igemat a jeté l’éponge et le temps de chercher une autre entreprise, nous avons profité pour souffler jusquà la reprise de la normalité avec Guei.
Pendant ce temps, j’étais à ma troisième année de demande d’aide : Pour la première pétition j’ai demandé 3000$ US, la deuxième année 1000 $ US, et la troisième année 400.000 FCFA( l’équivalent d’une quête spéciale à Angré). J’ai lancé la demande et le Cardinal Agré n’a pas apprécié que dans le monde entier on l’appelle l’évêque mendiant. Il m’a convoqué et il m’a dit en présence de Mgr Blaise Anoh et Boniface Ziri qu’un individu avait imité sa signature. Et cet individu avait été confondu par les frères de St Viateur. Et la transition était toute trouvée : « Toi aussi tu as imité ma signature ». J’ai demandé pardon tout simplement. Sur le champ il m’a dit qu’il ne sait pas quelle peine m’infligée. Puis le lendemain, il m’a dit d’écrire à tous les évêques que je n’avais reçu aucun mandat de sa part. Et cette lettre de rectification devait être traduite et envoyée sur Internet. La Sr Graziella qui me traduisait de l’italien a refusé d’écrire. C’est ainsi que notre aventure d’Internet a pris fin, mais d’autres diocèses ont continué d’envoyer de l’argent malgré la lettre. J’ai ainsi pu touné la page pour me consacrer tranquillement à ma thèse de doctorat.

CONCLUSION

Je conclurai par deux témoignages : le premier est celui du Père Pierre Trichet, chargé de la communication au niveau de l’Archidiocèse d’Abidjan. Il me relatait les rivalités entre prêtres italiens et français. Les premiers utilisaient abondamment le courrier électronique et les autres n’étaient encore dans la danse. Alors Trichet qui savait que j’étais très avancé sur la question me demandait si ce n’était pas trop coûteux. Je lui ai demandé comment il faisait le point de presse au Cardinal tous les matins. Il m’a dit qu’il achetait les journaux. Même en temps de pluie. Il m’a dit oui. Alors je lui ai dit qu’il y avait des sites pour cela. Et qu’il pouvait le faire sans avoir à se déplacer. Quand il est allé en vacances, tous ses confrères utilisaient Internet et a constaté son grand retard.
Le second témoignage est celui de l’Abbé Augustin Obrou : « J’étais étudiant à Rome et j’ai constaté que celle la paroisse Ste Ambroise d’Angré avait un site Web en Côte d’Ivoire. »













vendredi 29 avril 2011

PLOUTOS OU LE MAL IVOIRIEN

PLOUTOS OU LE MAL IVOIRIEN

1) DE CARYBDE A SCYLLA

Nguesse Joachim BANGASSARO COULIBALY dans son ouvrage Le mal ivoirien Cas symptomatique du mal africain (Paris, L’harmattan 2009) s’est intéressé aux racines du mal. Il pense que les racines du mal ivoirien concernent d’abord les traditions ataviques et les croyances magico-religieuses, tabous, totems, régimes fonciers…Il pense ensuite que les racines du mal sont d’ordre psychologique, d’ordre mental(l’auteur parle de la mentalité et de l’état d’esprit des individus sur le processus de développement. Enfin les racines du mal sont d’ordre historique. Ici, il cite l’esclavage, les méfaits de la colonisation, les séquelles du parti unique. Il ajoute aussi les racines socio-économique nationales et internationales. Le pays, dit-il a payé un lourd tribut de l’extraversion de son économie, de l’exiguïté de son marché et des aléas du commerce mondial. (p.25)

En remettant le modèle ivoirien en questions, à partir de ses crises, de ses ajustements, et de ses recompositions, le Prof. Memel Fôté, nous fait réfléchir sur l’instabilité que notre pays vient de connaître avec le coup d’Etat de Monsieur Alassane Dramane Ouattara le 11 Avril 2001. Paar opposition à la stabilité, l’instabilité peut et doit être entendue en plusieurs sens. Quand elle atteint un ou quelques éléments de la structure, c’est un changement partiel ou superficiel qui se produit. L’instabilité touche-t-elle au contraire l’ensemble de la structure, le changement devient global. Lorsqu’elle concerne à la fois la structure et le sol sur lequel celle-ci repose, le changement est radical.(Harris Memel-Fôté, « de la stabilité au changement. Les représentations de la crise politique et la réalité des changements in Le modèle ivoirien en questions. Crises, ajustements, recompositions Karthala- Orstom1997), p.610). La crise politique actuelle, c’est un président, démocratiquement élu et qui a été proclamé tel par le Conseil constitutionnel d’un pays souverain, le PROF ; Yao N’dré, Son Excellence, Monsieur Lauren Koudou Gbagbo, par 51% des suffrages exprimés), qui est renversé, après 11 ans de guerre par son éternel rival, Monsieur Allassane Dramane Ouattara. (49%). Ce conflit militaro-politique s’est achevé le 11 Avril dernier grâce à la félonie de la France et d’une coalition mondiale avec les Etats-Unis en tête. Les Institutions de la République ont été foulées au pied. Notre souveraineté nationale et internationale a été violée. Les symboles de la nation (Président de la République, son épouse, certains de ses ministres, des proches collaborateurs,…) pour parler de personnes…des biens de l’Etat(la Maison de la Télévision, la Radio), l’Université d’Abobo-Adjamé ont été profanés. Tout a basculé dans un chaos sans nom, une barbarie indescriptible. Cette instabilité se ressent encore dans nos rues, où des personnes en arme, sans culture démocratique, sans culture tout court des analphabètes de surcroit qui ne connaissent que le langage du fusil occupent les rues, opèrent des contrôles de polices, ne peuvent même pas régler la circulation des véhicules…et passent leur temps à requêter les ivoiriens. Ces fripouilles d’un autre siècle, habillés de façon hybride, moitié dozos, moitié treillis, sont des véritables parias, qui sont venus ajouter à notre misère. Et c’est cela les forces républicaines d’ADO. Dire qu’on va payer toutes ces personnes avec notre argent, ces personnes qui ont tué, égorgé, violé, et qu’à présent on nous demande de nourrir, parce qu’ils assurent notre sécurité, je veux rire. Gardiens de jour et voleurs de nuit, blanc bonnet, bonnet blanc, vous voulez que j’aille à la réconciliation avec ça. Depuis 1990, ils ont pris des voitures, des personnes, ils sont maintenant dans des maisons qu’ils n’ont pas construites, et maintenant ils veulent être fonctionnaires, à la place de ceux et celles qui ont fait des études pour cela, c’est vraiment tomber de Charybde et Scylla.

Des honnêtes citoyens ont perdu la vie, des biens (véhicules, argent…) et la liberté. Des hommes en arme ont surgi du Nord du pays, des mercenaires des guerres du Libéria et de la Sierra Leone, mais aussi d’autres Africains travaillant pour le compte des Nations-Unies ont gazé, violé, assassiné de pauvres ivoiriens dans leur sommeil, mais aussi en pleine journée. Le ciel ivoirien était pris en otage par la Licorne avec ses Pumas qui n’arrêtaient pas de bombarder, jour et nuit les positions de notre armée nationale, et de détruire tout l’arsenal militaire d’une Côte d’ivoire sous-développée, frappée depuis dix ans par un embargo injuste et injustifié. Au sol, les dozos et autres racailles prisonniers fraîchement sortis de toutes les prisons du pays, rebaptisés forces républicaines, peinaient à gagner la partie, tellement ils faisaient peine à voir. Ils étaient aidés par tous les Judas Iscariote de l’armée et de la scène politique, des civils qui hébergeaient des rebelles, corrompus par l’argent ; faciles gyrovagues, qui ne voient que leur intérêt et leur ventre. Mais quelle est la racine de tous ces maux ? Qu’est-ce que a amené les Ivoiriens à une telle dérive ?

2) LE PORC : LE NOUVEL EMBLEME DE LA COTE D’IVOIRE

Gilles Châtelet, dans son petit ouvrage Vivre et penser comme des porcs. De l’incitation à l’ennui dans les démocraties-marchés (Paris ,Gallimard 1998) nous en donne une réponse. La racine des problèmes des Ivoiriens est leur vie selon la chair. Faisons référence à St Paul dans sa Lettre aux Galates 5, 19-21 : « On sait bien tout ce que produit la chair : fornication, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haines, discorde, jalousie, emportements, disputes, dissensions, scissions, sentiments d’envie, orgies, ripailles et choses semblables – et je vous préviens, comme je l’ai déjà fait, que ceux qui commettent ces fautes-là n’hériteront pas du Royaume de Dieu. » Le péché de tous les Ivoiriens c’est l’amour de l’argent. Pour de l’argent l’Ivoirien a nourri dans son cœur de très mauvais desseins, des meurtres, des adultères, de la débauche, a commis des vols, a détourné des deniers publics, a fait de fax témoignages, a diffamé son prochain. S’est laissé acheter sa conscience, s’est prostituée. De l’éléphant qui était le symbole des Ivoiriens - le Loxodonta africana, plus grand que l’éléphant d’Asie, il a la peau grise…ses défenses, incurvées vers le haut, dont très fortes (Robert Delort, les éléphants piliers du monde (Paris, Gallimard 1990), p. 22 – l’Ivoirien a choisi aujourd’hui le porc(ou cochon), cette bête singulière, au groin subtil, plus raffiné en matière de toucher et d’odorat. Dès que vous rencontrez un enfant ou une mère d’un certain âge au carrefour d’une route, le geste qu’il (elle) fait, c’est de porter sa main à sa bouche. Lui (elle) veut manger. Il s’agit de la goinfrerie sucrée et d’une tartufferie à l’ivoirienne (p. 13). Finalement, nous sommes tous devenus, les intellectuels et les religieux compris, des goujats.

Avec l’ère du Président Alassane Dramane Ouattara, nous sommes redevenus une colonie française. Alors que la France elle-même vole très bas. Elle n’est plus « orgueilleuse. Elle accepte enfin un destin adapté à ses moyens – celui de sous-préfecture démocratique du Nouvel Ordre mondial, qui sait s’agenouiller devant une opinion dont la fabrication lui échappe de plus en plus et abandonne cette idée jacobine que la démocratie ne vaut que par l’excellence des destins qu’elle vise idéalement pour tous, et ne saurait rester les yeux rivés à la moyenne des égoïsmes et des lâchetés de chacun. »(p. 20). En France, tout comme en Côte d’Ivoire, la peste nationale-raciste a refait surface (p. 21). Et les ivoiriens avec la Télévision de Côte d’Ivoire (T.C.I.) et la Nouvelle Radio du Rassemblement sont devenues un audimat servile et provincial, une populace compradore, un quarteron de titrologues (p. 21).

La Côte d’Ivoire est en train de plonger dans le néolibéralisme et dans cette voie elle va retrouver ses vieux démons, son cynisme mercantile permanent. Notre nouveau Président Alassane Dramane Ouattara sait lui-même échanger ce cynisme mercantile permanent contre des larmes de crocodile d’occasion.(p. 21). Il est la superstar qui sait que sourire, tousser ou claquer des doigts suffisent pour faire pleurnicher des millions d’Ivoiriens. Tel est Alasco ou Alla-i-so, l’Homo éco-communicans des démocraties-marchés (p. 22) Après ce bref coma que la Côte d’Ivoire vient de subir, après cette mort salutaire, il est temps que la Côte d’Ivoire ressuscite. Et cette résurrection réclame une philosophie de combat. Il est encore temps pour l’intelligentsia ivoirienne de se ressaisir, de délaisser les Trissotins et surtout de mettre un terme à la crétinisation soft à l’anglo-saxonne, sa rortyfication, de sursauter et de refuser un destin de bétail cognitif.(p. 22) A présent, je voudrais décrire l’ivoirien, selon les caractéristiques que nous donne Christian Laval dans son ouvrage intitulé L’homme économique. Essai sur les racines du néolibéralisme (Paris, Gallimard 2007).

Avec le Président Alassane Dramane Ouattara, la Côte d’Ivoire devient une superpuissance économique et le marché, le modèle unique des rapports humains. (p. 9). Ses discours de campagne ont révélé que l’aspiration au bien-être est la seule destinée humaine concevable. L’Ivoirien lui-même est présenté comme l’inlassable chercheur de son avantage personnel maximal dans toutes les circonstances de son existence et il n’y a pas de domaine de cette existence qui ne puisse être le terrain d’une visée maximisatrice d’une satisfaction individuelle. Avec ce brillant technocrate du F.M.I., le marché est devenu le grand signifiant absolu, source de tous les bienfaits et mode de résolution de tous les maux publics et privés (p. 10) Les Ivoiriens retrouvent leur régime normatif du moi intéressé comme fondement paradoxal de la société.

Dans ce système néolibéral, les propriétaires des richesses veulent être aussi les maîtres des raisons et des fins de vivre, rien là de bien nouveau, mais, les biens sont devenus les fins majeures des sujets humains et les uniques desseins du monde, en développant et les liens humains et les uniques desseins du monde, en développement et les liens humains eux-mêmes tendent à devenir des biens commerciaux. Le mal ivoirien, c’est ce bonheur humain maximal où, pour parler comme Gilles Châtelet, dans son ouvrage pré-cité, la Main invisible du marché qui ne prend pas de gants pour affamer et broyer sans bruit, invincible parce que faisant pression partant et nulle part, mais qui pourtant, comme Dieu a besoin des hommes, avait besoin d’une voix. Elle était toute désignée. La Contre-Réforme néolibérale, mercenaire, ceux d’une alchimie sociale capable de transformer en force politique ce qui finit toujours par exsuder des classes moyennes : crainte, envie et conformisme (pp. 31-32). Ainsi, l’homme est transformé en produit consommable. Voilà la traduction en termes d’aujourd’hui : « ressources humaines », « capital humain ».

Rappelons-nous qu’à l’âge d’or du P.D.C.I., sous la houlette du Premier Ministre d’alors Daniel Kablan Duncan, ce néolibéral, nous parlait d’une croissance à deux chiffres, alors que le panier de la ménagère se vidait de plus belle. Nous étions drogués dans cette fiction de la société comme machine à produire et comme marché. Nous pensions avec l’avènement du Président Gbagbo être libéré de cet intégrisme et de ces dogmes trsè solidement installés au cœur de notre système de représentation (Parle-t-on en Côte d’Ivoire de Gombo, de Fais, nous Fais, sois concret…) Cette fiction n’est pas un simple produit de l’imagination. Elle détermine nos manières d’agir. (Dans nos familles, par exemple, celui qui fixe la date des funérailles est celui qui a le plus d’argent.) Elle fait corps avec des normes et des lois et elle s’inscrit de plus en plus dans la réalité vécue. Finalement elle est le principe même des pouvoirs régulateurs qui s’exercent sur nos comportements. Pour parler comme Christian Laval, nous sommes pris dans la cage de fer de l’économie moderne (p. 14). Nous sommes enfermés mais nous nous pensons de plus en plus libres. Nous devenons, souvent à notre corps défendant, cet homme économique, cet homme qui vit selon la chair, ce proc qui est en pleine putréfaction ontologique. (Gilles Châtelet, o.c., p. 40). Nous sommes tous des ventriloques (p. 41). Notre société ne promet pas seulement la jouissance matérielle qui libère de la nécessité, elle promet aussi une certaine liberté individuelle.

Moisés Naïm, dans son livre noir de l’économie mondiale, contrebandiers, trafiquants et faussaires (Paris, Bernard Grasset 2007) quand il situe la responsabilité de l’Etat de Côte d’Ivoire au plan planétaire écrit ceci : «  La crise mondialisée est en train de transformer le système international, défaisant les règles amenant de nouveaux acteurs et reconfigurant les pouvoirs dans la politique et l’économie mondiales. » (p. 14) Nous sommes dans un monde globalisé où le profit peut être une motivation aussi puissante que Dieu (p. 15) des réseaux de trafiquants apatrides sont en train de changer le monde autant que les terroristes (p. 15) Le R.H.D.P. et ses leaders font partie de cette entité internationale, par essence apatride et pratiquement insaisissable (p. 17). L’argent sale est devenu une part fondamentale de l’économie mondiale. (p. 28). Et les réseaux de blanchiment d’argent se sont incrustés dans les structures du système financier. Ces bandits au col blanc ont mis sur pieds des sociétés-écran, des circuits vertigineux d’intermédiaires, en mélangeant des opérations légales et illégales.

La Côte d’Ivoire depuis 1990 est devenue un marché parfait pour les trafiquants d’armes et un centre de transbordement de tout ce que l’on veut. (p. 44). Dans ce pays, les rebelles du M.P.C.I. d’Allassane Ouattara se sont associés avec des trafiquants d’armes pour sortir de l’or contre la drogue, des armes et d’autres marchandises. (p. 45) Notre pays a sa spécialité. Les vrais-faux certificats d’usage final sont appréciés dans le commerce des armes de contrebande, par exemple. Des certificats d’usage final sont appréciés dans le commerce des armes de contrebande, par exemple. Des certificats qui garantissent, que la marchandise est destinée à un acheteur légitime sont faux parce que les armes vont ailleurs et vrais parce que le document et la signature sont authentiques, achetés contre une petite commission. La Côte d’Ivoire s’est fait une spécialité de ce genre de documents. (p. 45). Commet alors passer de cet état de nature à l’esprit ou pour parler comme jacques Bouveresse quelle est voix de l’âme et les chemins de l’esprit (Paris, Seuil 2001) ?

3) L’ACCUEIL DE L’ESPRIT

Nous empruntons au Père Pierre-Marie Soubeyrand, le titre de cette troisième partie : l’accueil de l’esprit (Béatitudes/ Lion de Juda 2004). Notre auteur nous invite à accueil l’Esprit en nous et en toutes choses, car l’Esprit nous bouscule et nous devons nous adapter à sa pastorale. (p. 5). Nous vivons, en effet une démocratisation de la sainteté (p. 6).

Une fois de plus, nous voulons faire appel à St Paul dans son épître aux Galates(5, 22). Dans le chapitre précédent, nous avons partie de l’argent et des œuvres de la chair. Ici, aux œuvres de la chair, nous voulons opposer, à la suite de St Paul, l’amour, l’unique fruit de l’Esprit. Et St Paul énumère les signes du règne de l’amour : la joie et la paix. Ensuite, les manifestations de cet amour sont la patience, la bonté et la bienveillance. Enfin les conditions de sa naissance et de son épanouissement sont la foi, la douceur et la maîtrise de soi. La foi est en effet, la racine de l’amour ; quant à la douceur, c’est l’attitude des humbles qui se laissent conduire par leur Père céleste : elle caractérise le Christ. Mais qu’est-ce que vivre selon l’Esprit. Qu’est-ce que l’Esprit ?

L’Esprit ne désigne rien de ce qui est réel, d’objectif, observable et vérifiable. Devenu introuvable, vague et désuet, l’Esprit est la convention obligée de la modernité et n’a pas d’être. Ce qui est, ce qui mesure l’Etre et révoque l’imaginaire subjectif, c’est la chose ou l’élément ou l’ensemble de la matière dont les sciences prouvent et éprouvent l’indubitable véritable. Mais pourquoi voulons-nous que l’homo ivoirianus vive aujourd’hui selon l’Esprit. C’est tout simplement parce que le capitalisme est en train de s’autodétruire (Paris, la Découverte 2005).

Selon Patrick Artus et Marie-Paul Virard, en Côte d’Ivoire, comme dans le reste du monde, le capitalisme est sans projet. Il ne fait rien d’utile avec ses milliards, n’investit guère et ne prépare pas assez l’avenir. L’argent coule à flots aujourd’hui dans l’économie mondiale, mais il n’est que trop rarement utilisé à bon escient, spécialement en Europe continentale, pour favoriser l’adaptation des économies, investir dans les ordinateurs, les usines, les infrastructures, la recherche et le développement, et aliment plutôt la voracité des investisseurs, dans une course aux rendements financiers à court terme. (p. 6). Cette évolution est totalement autodestructrice, affirment nos auteurs.

Pour que la Côte d’ivoire ressuscite, l’homo ivoirianus, doit être un ivoirien nouveau (Images communications éditions 2009). Pour Ahoua Don Melo, l’ivoirien nouveau est la somme de tous les changements proposés dans le programme de campagne du Président Laurent Koudou Gbagbo. (p. 22). Il est ensuite un citoyen africain qui considère l’Afrique comme son village continental et qui œuvre pour son intégration. (p. 68). Il est enfin une personne débarrassée du complexe d’infériorité dans tous les domaines. L’homo ivoirianus, c’est un appel à la réhabilitation par le travail, par le progrès, par le progrès du peuple noir. (p. 93)

Pour que la Côte d’ivoire ressusucite, Nguesse Joachim BANGASSARO COULIBALY dans son ouvrage Le mal ivoirien Cas symptomatique du mal africain (Paris, L’harmattan 2009) pense que l’homo ivoirianus doit, avant tout, jouir d’une excellente santé. Vivant dans un apys d’abondance et de prospérité, il ne connaît ni la faim, ni la malnutrition. Soucieux de son bien-être et de celui de sa famille, il vit dans une atmosphère dénuée de pollution et de déchets toxiques. Son habitat est propre et son environnement toujours bien entretenu. L’insalubrité et les nuisances ont pratiquement disparu de son biotope. Il n’est, ni un fumeur invétéré, ni un alcoolique, ni un accro. Il mène une hygiène de vie exemplaire qui lui épargne les mauvais stress et certains syndromes et maladies.

Dans son milieu social, il est hautement apprécié de tous, pour ses qualités humaines. Honnête et intègre, il ne cherche jamais à tricher. En fait depuis son jeune âge, il a toujours été assidu et sérieux au travail. Il a le goût du travail bien fait et même de l’excellence. Courageux, il ne rechigne jamais à la tâche et reste un modèle de probité pour sa fratrie, ses amis et ses collègues. Etant très communicatif, il est naturellement porté à entretenir de bonnes relations sociales. Eminemment serviable, il est toujours prêt à aider autrui. Poli et humble, il est très respectueux et témoigne d’une très grande considération pour les vieux et la hiérarchie.

Dans sa vie professionnelle, son comportement est, on ne peut plus correct. Incorruptible, il ne pratique ni favoritisme, ni népotisme. Traitant tout le monde sur le même pied d’égalité, il ne tolère ni tribalisme, ni exclusivisme. Il a un sens aigu du devoir et de l’intérêt public. Son dévouement à la cause de la patrie est édifiant. (p. 292).

Notre auteur vient de nous peindre ou de nous prescrire son ordonnance ascétique de l’homo ivoirianus. C’est la vie ordinaire de tout homme qu’il vient de peindre, mais avouons-le, ce n’est pas là le problème. Pour notre part, nous dirons qu’il manque quelque chose qui est comme un vecteur dans tout ce que nous faisons déjà. Cette chose, c’est l’Esprit. Au plan de la gestion des affaires personnelles, l’homo ivoirianus y met-il l’Esprit ? Comment faire abstraction de tout fatalisme paralysant et de toute superstition saugrenue, tout en nous efforçant de rationaliser toutes nos activités, sans y mettre l’Esprit. Qua vaut cette rentabilité économique et financière de tous ces projets sans l’Esprit ? Or, Dieu lui-même nous a mis en garde. L’enrichissement est considéré comme diabolique. L’idéal chrétien n’est pas l’homme riche et prospère, c’est le corps du supplicié, c’est le pauvre qui donne l’occasion de montrer une générosité agréable à Dieu. S’éloigner du monde, pratiquer un certain ascétisme, se refuser aux intérêts terrestres, voilà la conduite valorisée. L’évangile de Mathieu (6,24) avertissait que l’on ne pouvait servir deux maîtres, Dieu et Mammon, le vrai Dieu et le faux dieu de l’argent. Seule exception, le trésor de l’Eglise. José Guebo disait dans un recueil de poèmes que l’or n’a jamais été un métal (Abidjan, Vallesse éditions 2009). L’or est métal /Mais à la mesure de tes mains/Enfin/Ouvertes/ A ma flamme/ L’astre est sens/ Mais au rythme/ De tes yeux/ Enfin/ Eclos/ A mon signe. (p.35)

lundi 18 avril 2011

DEMONCRATIE

DEMONCRATIE

Manuel Valls dans un livre récent Pouvoir en a une définition qui pourrait aider le gouvernement Alassane Dramane Ouattara. Il écrit : « Accéder au pouvoir ce n’est pas simplement accéder à des postes, distribuer des places ou récompenser des amis. C’est fondamentalement se donner les moyens d’agir sur le monde au service de tous. Sans volonté déterminée d’accéder au pouvoir, un projet restera une figure de style. Et inversement, toute volonté d’accéder au pouvoir sans véritable projet ne peut que générer la déception ou la désillusion. »( Manuel VALLS.- Pouvoir (Paris, Stock 2010), p. 15). Vu sous cet angle, la notion de pouvoir nous a paru complexe. Aussi avons-nous eu envie de le revisiter. Plus complexe encore, nous a paru le concept de démoncratie.

La démoncratie est un concept nouveau, créé par la jonction de deux mots : le démon(demos) et le pouvoir(cratos). Je vais rapidement définir le pouvoir et ensuite m’attacher à dire un mot sur le démon. En terminant, je dirai comment ce nouveau concept s’applique à la situation nouvelle de la Côte d’Ivoire, depuis le début de la crise ivoirienne en 2002.

1) LE POUVOIR

Par pouvoir, j’entends « (la) relation asymétrique par laquelle un acteur social (un individu, un groupe, une classe sociale, une institution) obtient d’autres acteurs des comportements qu’ils n’auraient pas obtenus spontanément. Elle suppose la coercition. »( Lexique de science politique. Vie et institutions politiques(Paris, Dalloz 2006), p. 415) Le pouvoir politique concerne précisément les relations coercitives s’exerçant au nom des affaires collectives (celles qui concernent la société dans son ensemble). Il s’appuie le plus souvent sur une conception du bien commun. Il suppose l’existence d’une forme de gouvernement et s’exerce dans le cadre d’un territoire et sur une population donnée. Dans une perspective institutionnelle, la notion est utilisée pour désigner, d’une manière générale, les individus et les groupes qui contrôlent les institutions politiques (c’est-à-dire de l’appareil de l’Etat). Cette conception suppose de porter attention à l’activité des élites politiques et administratives. Max Weber définit le pouvoir comme « toute chance de faire triompher au sein d’une relation sociale sa propre volonté ; peu importe sur quoi repose cette chance»( Max WEBER.- Economie et société : l’organisation et les puissances de la société dans leur rapport de l’économie (Pocket 2003)). Il propose ainsi une approche relationnelle et non substantialiste du pouvoir : le pouvoir est une relation ; il n’est pas une substance, une chose que l’on possède. Enfin, malgré l’asymétrie, celui qui est pris dans la relation de pouvoir garde souvent une marge de manœuvre, d’adaptation et de négociation. Les relations de pouvoir peuvent être observées à tous les niveaux de la société. Elles caractérisent non seulement les liens entre gouvernants et gouvernés, mais elles se retrouvent aussi, de façon diffuse, dans l’ensemble des relations sociales. Tout pouvoir n’est donc pas politique. Le pouvoir des parents sur les enfants, par exemple, renvoie à une combinaison, inégale selon les familles, de force, de dépendance matérielle et de relations affectives. Il s’exerce dans le cadre d’une cellule privée. C’est également le cas du pouvoir du patron sur les employés, du maître sur l’élève, ou encore du médecin sur ses patients. Les relations de pouvoir nouent généralement des acteurs sociaux qui ont des intérêts divergents dans la société.

Max Weber, particulièrement attentif aux phénomènes de domination (Herrschaft) ne dit pas grand-chose sur les moyens du pouvoir (macht) et ce qui garantit la réussite de la relation de pouvoir. A l’inverse de la domination, le pouvoir ne suppose pas forcément la légitimité(ou la recherche de la légitimité) et peut fort bien se résumer à l’exercice de la force brute. Il suppose des moyens permettant la capacité durable à produire des résultats. Il repose sur des ressources telles que la force physique, la capacité à distribuer des avantages matériels ou la force de persuasion. La première notion étant explicitée, venons-en à la seconde.

2. LE DEMON

Je parlerai du démon que dans les Saintes Ecritures en suivant Frederick LEAHY. (Frederick LEAHY.- Satan, vaincu et chassé (France, Europress 2010)). La guerre que nous venons de connaître en Côte d’Ivoire ne peut se comprendre véritablement si l’on ne tient pas compte de l’existence de puissances spirituelles opposées à la fois à l’homme et à Dieu. Disons rapidement que le démon déchu, une puissance des ténèbres qui cherche à détruire les œuvres de Dieu. Les anges déchus composent l’armée du Démon. Les Démons ne cessent de s’opposer à Dieu et s’efforcent de déjouer l’accomplissement de sa volonté. Le Démon est un ennemi pernicieux et l’Ecriture nous exhorte souvent à nous montrer vigilants et prêts à affronter ses attaques. Ephésiens 6,16 parle de ses traits enflammés, et Pierre nous appelle à la sobriété et à la vigilance car notre adversaire le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui il dévorera. Résistez-lui avec une foi ferme… » (1Pierre 5, 8-9). « Résistez au diable, et il fuir lion de vous », dit Jacques (4,7) ; « Ne donnez pas accès au diable », écrit Paul (Ephésiens 4,27), et il met Timothée en garde contre les pièges du diable » (1 Tim 3,7) Le combat contre les puissances des ténèbres atteint une intensité qui exige « toutes les armes de Dieu » (Ephésiens 6,11-17). Le Démon a un pouvoir pour affliger à la fois le corps et l’esprit des hommes, pour créer entre eux des divisions (Job 1,14-17) et diriger contre eux les forces de la nature, dans les limites permises par Dieu. Dans son impiété, le système mondial actuel se laisse souvent diriger par un surnaturalisme maléfique, que nous appelons démoncratie.

3. LA DEMONCRATIE EN COTE D’IVOIRE

Le terme de démoncratie, je ne l’ai pas inventé mais il est l’objet de cette politique endiablée qui s’est mis en marche depuis la nuit du 18 Septembre 2002, pour mettre Alassane Dramane Ouattara au pouvoir. Sous la dénomination du MPCI, des rebelles ont pris des armes achetés par leur mentor, pour mettre en péril le Président Gbagbo. 9 ans durant, ils n’ont cessé de tuer, d’égorger, de faire des sacrifices humains, de brûler des personnes qui s’opposaient à cette machination. Que faut-il pour arrêter la folie meurtrière d’Alassane Ouattara ? Avec un chef délétère et très bon acteur devant les caméras, des soutiens puissants et des supporters sectaires, la solution ne vient que de la résistance, dont l’histoire nous vante les mérites qui font les grandes puissances d’aujourd’hui. Car à quoi sert-il de vivre enchaîné depuis 500 ans et se laisser mourir des malheurs qu’engendre le triomphe de l’injustice ?

La résistance de l’Afrique, à travers Laurent Gbagbo, a démontré que les alliés de Ouattara ne veulent pas dialoguer. Et comme en temps de dictature, les défenseurs de la démoncratie sont prêts à tuer pour l’imposer à ces Africains à qui l’on prend tout mais on ne laisse rien, si oui, la mort. La libération de l’Afrique du joug impérialiste français passe indéniablement par une rupture nette des relations avec cette France coupable à tous les niveaux dans le dossier ivoirien. La résistance de l’Afrique de Laurent Gbagbo a malheureusement occasionné de nombreuses pertes en vie humaines et une nouvelle fois, comme pour sceller le pacte quasi mystique que nous imposent les colons, l’humiliation sous sa forme la plus médiatique et donc la plus cruelle.

Les grands médias, que contrôle un oligopole d’hommes et de femmes d’affaires peu scrupuleux quand il s’agit d’enrichissement, agissent en ventouses mentales pour assouvir l’appétit vorace de la bête impérialiste. L’histoire a toujours élevé au rang de héros ceux qui ont fait partie de la résistance, et en tyrans ceux qui ont fait preuve de toujours plus de violence. La Côte d’Ivoire n’en échappe pas, et le tyran a fait ses preuves avant même de s’asseoir enfin sur le fauteuil présidentiel pour lequel il a tant tué(Balla Kéita, Guéi Robert, Tagro Désiré…)

Les tueries de Blolequin, celle de Duékoué ou encore celles souvent évoquées de la terre kidnappée du Nord, sont-elles la faute de Gbagbo ? Faut-il accuser celui qui a dit Non à la guerre ou celui qui a imposé la guerre ? La seule faute de Gbagbo est d’être fidèle à lui-même, vrai, authentique jusqu’au bout. Ouattara le gentleman avait beaucoup de squelettes dans le placard, a-t-l jamais été inquiété par le fameux TPI, tribunal des vaincus, depuis 2002 ? Quand l’absurde poussé à l’extrême arrive à coûter la vie à des milliers de personnes, l’on a peur de devenir fou soi-même tellement c’est fou…

Ces innombrables morts qui jonchent les caniveaux de Côte d’Ivoire sont la seule faute de ceux qui consentent à appuyer sur la gâchette pour ôter la vie d’innocentes personnes qui pourtant - on les a vu par milliers voire des millions sur le regrettée RTI – ont manifesté leur désir de paix et de dialogue. A l’heure où l’espoir d’un dénouement rapide et pacifique faisait vivre le pays, l’on était loin de se rendre compte de l’extrême violence qui sévirait ensuite. L’on parlait déjà depuis des années de la violence sans nom dont étaient capables les rebelles acquis à Ouattara, (des escadrons de la mort, ils ont été rebaptisés par I.B. lui-même Commando invisible), mais l’on avait espéré, en vain qu’une étincelle de compassion les saisirait. Il n’en est rien.

Chaque jour, l’on apprend de nouveaux décès, de personnes connues et d’anonymes, avec un discours manipulateur qui malheureusement entraine avec lui les adeptes sectaires de Sieur Ouattara. On a dit des rebelles que ce sont des drogués et que, pire encore, ce sont des personnes dotées de toutes leurs facultés mentales qui posent des actes aussi abominables, égorgements, viols, pillages, braquages, exécutions sommaires, etc… c’est à se demander ce qui justifie une telle barbarie, quel programme politique, quel candidat mérite qu’on lui accorde autant d’âmes ? Dans une Afrique qui est civilisée de culture – et non grâce aux colons « bien-intentionnés » qui déjà avilissaient et massacraient les indigènes africains – ce qui se passe en Côte d’Ivoire est tout simplement irréel d’absurdité.

La démoncratie, c’est aussi Mammon ou le Veau d’or, le culte endiablé de la matière ou de l’argent dont Moisés Naím s’est fait un écho dans Le livre noir de l’économie mondiale. Contrebandiers, trafiquants et faussaires (Paris, Bernard Grasset 2005). La démoncratie est le crime mondialisé qui « est en train de transformer le système international, défaisant les règles et reconfigurant les pouvoirs dans la politique et l’économie mondiale. Le Démon prince de l’air, ce sont ces faussaires, contrebandiers, apatrides, qui peuvent se prévaloir de plusieurs nationalités à la foi et ces « réseaux de trafiquants apatrides sont en train de changer le monde»(p.15). Ils appartiennent à « une nouvelle sorte d’entité internationale, par essence apatride et pratiquement insaisissable. »(p.17) L’argent sale est une part fondamentale de cette démoncratie. N’étant plus l’apanage des exotiques offshore telles que les îles Caïmans ou l’île de Man, les réseaux de blanchiment d’argent se sont incrustés dans les infrastructures du système financier. La vitesse, l’interconnexion et le nombre considérable des transactions bancaires leur ont permis de jongler en experts avec les comptes, en créant des sociétés écrans, des circuits vertigineux d’intermédiaires, en mélangeant des opérations légales et illégales.

En Côte d’Ivoire le MPCI d’Allassane Dramane Ouattara a créé un marché parfait pour les trafiquants d’armes et des centres de transbordement de tout ce que l’on veut. Les rebelles se sont transformés en hommes d’affaire. En Afrique de l’Ouest, depuis 2002, le début de la crise militaro-politique en Côte d’Ivoire, mais surtout de 2009 à 2010, les Rebelles, proches de Ouattara ont monnayé d’importantes quantités d’or extraites des mines d’or du Nord. Plusieurs tonnes ont été acheminées au Ghana voisin sous couvert des véhicules de l’ONU. Puis envoyés, par petites quantités, à Anvers(Belgique) pour y être transformés. A l’état de poudre, cet or a été négocié à plus de 15 euros le kilo. La démoncratie, c’est aussi le mensonge éhonté de la presse internationale : le Démon est appelé aussi le Prince du Mensonge. La démoncratie, finalement c’est le cortège des morts. Le temps m’oblige à aller vite à la conclusion.

Je vais terminer ce chapitre en signalant en passant la spécialité de la Côte d’ivoire, reconnue par la démoncratie mondiale car les pays faibles ont leur spécialité. « Les vrais-faux certificats d’usage final sont appréciés dans le commerce des armes de contrebande, par exemple. Des certificats qui garantissent que la marchandise est destinée à un acheteur légitime sont faux parce que les armes vont ailleurs et vrais parce que le document et la signature sont authentiques, achetés contre une commission. »(p.45). La Côte, entre autres brebis galeuses, s’est fait une spécialité dans ce genre de documents. (p. 45) ; finalement, la démoncratie c’est la chute du Président Gbagbo, c’est-à-dire, le sabotage de son effort démocratique, le détournement de la loi du Conseil Constitutionnel et l’installation au pouvoir, d’un usurpateur digne de la race des Victor Bout. Allassane Ouattara veut faire de la Côte d’ivoire, un Etat voyou et son armée appelée Forces Rebelles de Côte d’Ivoire ont déstabilisé tous les quartiers d’Abidjan et de toutes les villes de Côte d’Ivoire…par ce qu’il appelle la pacification. Allassane travaille pour le profit et non pour l’avancée de la démocratie, c’est donc un démoncrate. Un démoncrate peut-il regretté un jour ses péchés ? Je lis sa confession : « Jeune économiste au Fonds Monétaire international, j’étais en mission au Burundi, je crois que c’était en 1972, quand a éclaté le conflit dans ce pays. Nous étions logés à la Banque centrale du Burundi. Le matin, nous voyions passer les camions bennes remplis de cadavres. Les ambassades belge et française assuraient notre protection. C’était donc le début du conflit au Burundi. D’ailleurs quelque temps après, le Fonds Monétaire m’a proposé en 1973, d’y être le représentant de notre institution. Je n’ai pas accepté. J’ai encore en mémoire ces douloureux événements. Pour tous ceux qui me connaissent, je rappelle souvent ces tristes événements, car ce sont malheureusement des innocents qui ont péri. » (Cissé Ibrahim Bacongo.- Alassane Ouattara, une vie singulière. Légende et épopée NEI/CEDA 2007, p. 234).

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jeudi 14 avril 2011

MESSIO-MEUSSIO ou ZIDOGBABOUO

MESSIO-MEUSSIO ou ZIDOGBABOUO

Aujourd’hui, je voudrais faire une petite pause pour prier pour les morts de cette barbarie inutile de ces derniers temps : je ne voudrais pas les trier, ils ont tous du prix aux yeux de Dieu. Je le ferai par les paroles et la voix d’un artiste célèbre du pays Bété, Amédée Pierre, à qui René Babi a rendu hommage dans un bestseller, Amédée Pierre, le Dopé National, grand maître de la parole (Paris, l’Harmattan 2010). Parmi tous ces morts, il y a de fortes personnalités comme Désiré Tagro, Voho Sahi, …d’autres que la rumeur ont donné pour morts (Maître Hamza, Jean-Jacques Béchio, Mamadou Ben Soumahoro) et que je ne peux confirmer à présent. D’autres anonymes d’hécatombe comme ceux de Duékoué et du village du footballeur Drogba Didier…Je m’incline respectueusement devant vos corps et je vous offre au Seigneur, dans une eucharistie digne et majestueuse. Certainement, vous parlerez d’une seule voix devant Dieu, pour que notre jeune nation retrouve rapidement sa splendeur d’antan. Vous n’êtes pas tous Bétés, mais pour vous, je chanterai par la voix d’Amédée Pierre, la chanson Moussio-Moussio, cette belle mélodie soutenue par un rythme reposant, mais terriblement poignant pour l’âme sensible.

1) LA CHANSON EN BETE

Meussio meussio,

Léyérégbolou, yê meussio(bis) gnia

Léyérégbolou yê meussio-lé

Gou-ô da-ho na winé-ho

Léyérê gbolou, léyéré gbolou

Léyéré gbolou yê meussio

Fê ! Fê Fêkahouan moa n’sabha-lé

Gou-ô da-ho meu-lê na sa-ho

N’lê gou goualé édji

N’nè néyi ato ziané lê

Gou goualé dé gnamon namia-lê

Bha zidogbabouo lebha-ho

Zidogbabouo, Zidogbabouo

Zidogbabouo lebha-ho

Nou-ho noubheu-ho

Alé n’y ê noubheu-ho

A meu gou ô zidogbablé meu zré-lé

Alé n’y ê noubheu-ho

A meu gou ô zidogbablé meu zré-lé

Alé n’yê noubheu-ho(gnia)

Gnia-ho na gou-ho

Ato-ho nagou-ho

Alé n’y ê noubheu ho

Zidogbablé né yiogboté

Mé na gou sassa né-ho

Sassa né-ho sassa né-ho

Mé na gou sassa né-ho »

2) LA TRADUCTION EN LANGUE FRANÇAISE

« Il brûle ! Il brûle !

Mon trésor s’est consumé !

On a mis le feu au tronc d’arbre

Qui renfermait notre richesse ;

On a tué ma fille, ma richesse potentielle.

Se tournant vers sa femme, il lui dit :

Toi, mère de l’enfant, ne pleure pas.

Ce n’est pas à toi que je m’adresse (dans mes pleurs),

Je m’adresse aux fumistes et aux sorciers

Je m’adresse à ceux qui ont tué mon enfant,

Oui, c’est à eux que je m’adresse et non à toi,

Quand l’idée m’était venue de faire un enfant,

Je pensais perpétuer le nom de mon père…

Quand l’idée m’était venue de faire un enfant,

Je pensais perpétuer le nom de ma mère…

Pour une femme qui accouche,

Il ya toujours des dangers à l’accouchement :

Les soldats de la mort sont présents, qui attendent :

En cas de dérapage, ils emportent la parturiente

J’ai compris. J’ai compris…Oui, j’ai compris

Le jour où mon enfant allait au pays des Morts,

Oui, ce jour là

J’ai compris que la jalousie existait,

Maman, et mon enfant ?

J’ai compris…

Papa, et mon enfant ?

J’ai compris…

Mon enfant, le voilà est en train de parcourir

Les carrefours du pays des Morts.

Les carrefours du pays des Morts,

C’est ce que mon enfant est en train de parcourir »

(Sous-entendu : ne sachant de quel côté aller pour retrouver nos ancêtres, semble dire le père, en soupirant, broyé par la douleur).

3. LA PHILOSOPHIE DE LA MUSIQUE

La place particulière qu’occupe la musique dans les différents arbres de la philosophie, depuis l’Antiquité donne à cet art, une place à part, privilégiée qu’il est par bien des philosophes dont certains furent également des compositeurs, comme Rousseau ou Nietzsche, et d’autres, comme Jankélévitch. Nous partirons de la question que pose Roberto Casti, lors du colloque sur Musique, rationalité, langage : l’harmonie a du monde au matériau : « La musique est-elle un langage en un sens plus générique ? » Il répond que la musique possède une syntaxe en un sens technique et a un contenu sémantique. Dire que la musique possède une sémantique, c’est-à-dire qu’elle a la capacité de représenter (p. 128). Dans la chanson d’Amédée Pierre, la musique représente une entité réelle : la mort.

Miono Lobo une belle jeune fille a été chassée du village par jalousie avec son mari. Ils se réfugièrent dans la forêt et peu de temps après elle tomba enceinte et mit au monde un enfant mâle. De retour au village, l’enfant fut tué par une amie d’enfance. C’est alors qu’intervint le mari qui fit cette lamentation.

Cette lamentation, ce n’est pas seulement les pleurs d’une mère ou d’un père qui perd son fils unique ; ce sont aussi les pleurs de chacun de nous, les pleurs de l’Afrique qui pleure aujourd’hui ses vaillants guerriers.

mercredi 13 avril 2011

PARRHESIE

PARRHESIE

Kim Kollins et Bienheureuse Elena Guerra, dans leur ouvrage commun dans le buisson ardent, l’urgence de la prière d’adoration et d’intercession (Béatitudes 2004) nous interpellent en ces termes : « Votre cœur est réellement un nouveau Cénacle où l’Esprit Saint est le plus doux des hôtes et le plus fidèle de tous les amis. » En effet, ajoutent-elles, le monde a besoin de revenir à Dieu, et il ne le pourra que par la prière. Là est bien le premier engagement du baptisé, adorer, louer, intercéder, rendre grâce. Et de toutes les prières, l’Eucharistie est le pilier central. Notre époque, ici, en Côte d’Ivoire, vit une culture de mort.

Depuis près d’une semaine, nous avons vécu un western, digne des grands studios hollywoodiens. Des hélicoptères Puma dans notre ciel, crachant des bombes de feu, de jour comme de nuit. Des répliques de mortier(les supposés armes lourdes de Gbagbo) au sol qui cherchaient à les abattre. Des chars au sol et des rebelles, attaquant une armée gouvernementale, non aguerrie, fuyant et abandonnant armes, minutions, et treillis aux civils aux mains nus…Toute cette mise en scène pour arriver à la capture du héros du film : un Président démocratiquement élu, qui est contraint de se rendre parce que sa maman est prise en otage par les rebelles. Nouvelle pacification de la Côte d’Ivoire par les Etats-Unis d’Amérique dont la France constitue ici, le bras séculier et l’ONU l’armada juridique.

Cette pacification a commencé par des pillages de toutes sortes, des exactions, un véritable génocide contre les nombreuses populations civiles (Dioulas et baoulés excepté). Ces exactions et exécutions sommaires commisses par des rebelles, agissant pour le compte de M. Alassane Dramane Ouattara, sur la base des critères ethniques, religieuses et politiques. Il s’agit ici, bel et bien d’une épuration ethnico-religieuse. Ces exactions se déroulent, à l’heure où j’écris ces lignes, dans les quartiers de Yopougon Km 17, Yopougon-Sicogi, Riviera 2 et le camp Commando de Koumassi. Dans ces quartiers, munis de listes de personnes à neutraliser par tous les moyens, les nouveaux Interahamwe, véritables bandes armées, habillées et armées par Sarkozy, agressent, tuent, pillent et violent les populations profondément traumatisées. Ils ciblent des personnes et les égorgent et peu après les brûlent tandis que d’autres ivoiriens (Dioulas) applaudissent. La machine à tuer est en marche. Mais pourquoi, le Président Ouattara, notre 5è Président, selon l’histoire, s’en prend-il aux Ivoiriens ?

Pour le comprendre, méditions les réflexions de M. Cissé Ibrahim Bacongo, dans son ouvrage Alassane Dramane Ouattara, une vie singulière, légende et épopée (NEI/CEI 2007). Après le tableau ahurissant et proche de l’apocalypse qu’il dresse de la société ivoirienne, notre auteur décrit Alassane comme le Sauveur qui vient délivrer les Ivoiriens. Le bravetchè arrive…mais il est rejeté par les Ivoiriens. « Ils sont méchan-an-an-ants ! Que les hommes sont méchan-an-an-an-ants ! Qu’est-ce qu’il leur a fait ? » Depuis lors, la rancune est devenue le programme de gouvernement de M. Ouattara, le fondement symbolique ou idéologique de son système politique, une hypothèse de la perversion. Cette hypothèse de la perversion comme principe dont le dispositif idéologique de la rancune tire son efficacité. Mais qu’est-ce que la rancune ?

La rancune, c’est le ressentiment qu’on garde d’une offense. Elle s’appréhende comme l’intention de ne pas relever le frère tombé (dans la faute ou dans la maladie) et de l’abandonner aux portes de la communauté. Elle se matérialise par l’avalement de la salive. Dans ses discours, M. Ouattara parle sur deux registres : il y a ce qu’il affirme du bout des lèvres, et il y a ce qu’il fait concrètement (cf. mon analyse du dernier discours de M. Ouattara). D’une part, Ouattara veut se venger de tous ceux qui l’ont traité de « petit Mossi », de « Mossi Dramane » et de l’autre, il appelle à la réconciliation et au pardon. C’est dans ce contexte que notre nouveau Nabuchodonosor a fait arrêter Laurent, Simone et Michel et les a conduit au sous-sol du Golf-Hôtel, avant de les conduire dans le Nord du pays (Source Onusienne). Ils ont rejoint Henri-Aimé et Henriette (pères de l’Ivoirité). Mais ce qui m’étonne, par-dessus tout, ce sont nos politiciens et nos généraux, autres mangeurs et grilleurs d’arachide ou autres rats. Ceux qui ont été achetés par ADO et ceux qui veulent manger dans tout, les Koffi Gombo de tous acabit, qui sont en train d’adorer en ce moment le Veau d’or, après l’avoir insulté et humilié. Leur problème, c’est leur ventre : ils veulent manger. Mais la question est que « manger », quelle que soit la chose ingérée, sans qu’auparavant ne soit évacuée la mauvaise salive, produite par l’offense, c’est alimenter la rancune, entretenir les ressentiments, nourrir les haines, exacerber les frustrations et accroître les désirs de vengeance. De même, inviter les autres au banquet, au festin de Balthazar, en ruminant des pensées travaillées par la rancune ou le pardon astucieux, participe d’une politique de manœuvres, de compromissions, de répressions morales, qui ont besoin de stabilité et de la paix pour se perpétuer. En ce moment, Abidjan comme, Sodome et Gomorrhe, plonge dans le chaos.

J’ai voulu interroger Zirignon Grobli sur le chaos et l’ordre. L’éclosion de l’humain (Paris, L’harmattan 2003), je n’ai pas obtenu ce que je cherchais. Mais je puis affirmer que la France a installé le chaos en Côte d’ Ivoire et les Etats-Unis, la jungle. En bombardant le centre Hospitalier Universitaire de Cocody, la Maison de la Télévision, le Palais Présidentiel au Plateau et la résidence de Cocody et autres camps abritant des civils, incendiant des commissariats, l’Université d’Abobo-Adjamé. Ainsi l’ordre nouveau des Dozos et autres drogués de rebelles font la loi, sous le regard bienveillant des Com’zon, véreux et condescendants devant les pillages et les exactions de tous genres. L’ordre nouveau d’Alassane Dramane Ouattara est établi, et avec lui, la paix des cimetières. Alassane Dramane Ouattara adore le concept de pacification. Je fais le lui ouvrir dans un plateau du Prof. Koné Tanella Boni.

Notre collègue écrit : « La pacification, mot utilisé, comme l’on sait, au temps de la colonisation, était porteur de violence, inouïe comme le mot « charnier » l’est aujourd’hui. Il s’agissait de pacifier des espaces en imposant une langue, une religion, toute une culture représentée par la Loi, une administration qui, dans l’imaginaire du colonisé, pouvait se peindre avec quelques attributs comme le casque ou l’habit typique du colon. Ici et maintenant, ce mot revient à la mode. On l’emploie pour désigner une opération de maintien de l’ordre dans telle région, dans telle ville. En clair, on pacifie en utilisant des armes, en matraquant, en tuant. On fait taire définitivement les voix qui pourraient encore prononcer un seul mot, être discordantes. On les réduit au silence. » (Colloque Paix Violence et Démocratie en Afrique. Actes du Colloque d’Abidjan 2002, p. 306). La Côte d’Ivoire, sous l’ère Alassane Ouattara connaît sa nième pacification (après le Sanwi et le Guébié, et celle de la Cité Universitaire de Yopougon.). L’ordre des forces Républicaines est instauré par des Dozos et autres incultes armés de kalachnikovs. Le mot « ordre » n’est nullement associé, dans ce vocabulaire martial, à la beauté, comme dans quelque poème baudelairien. L’ordre est pacification, c’est-à-dire violence, non-respect des droits humains – dont le droit à la vie et à la dignité humaine. Les Forces Républicaines aujourd’hui à Abidjan, sont en conflit permanent avec les populations. Elles sont appelés « gardiennes de la paix ». Mais nous pouvons nous demander quel type de paix est ici gardé, si ce n’est pas la paix des cimetières, le calme plat, dans un lieu inviolable. Qui doit-on traduire devant les tribunaux, Jésus ou Barabbas ? Comment peut-il y avoir la paix civile à Abidjan et dans le reste du pays quand les com’zones qui occupent les commissariats, sont corrompus et se conduisent comme des bandits de grands chemins ? Ici la loi du silence est de mise. Comment passer de la mort ambiante à la paix du cœur ? Comment sauver la parole enfouie dans le cœur de chaque être humain ? Par la prière. Retournons donc à la prière.

Je pense que tout ce que je viens de dire et d’écrire est une prière, car comme le dit d’une façon étonnante Origène, « Celui qui unit la prière aux engagements nécessaires et les engagements à la prière, celui-là prie vraiment. Ainsi seulement pouvons-nous mettre en pratique, le précepte ‘Priez toujours’(1Th5,17), si nous considérons toute l’existence chrétienne comme une grande prière, dont ce que nous avons coutume d’appeler la prière n’est qu’une partie. » (Origène.- De la prière, exhortation au martyr (J. Gadalda & Fils 1932), 12,2.

Dans ce texte, nous avons voulu parler de la prière, en le vivant. Le faisant, je ne vous parle pas de la prière comme spontanéité émotive, ni comme de l’ésotérisme. Pour moi, la prière est un décentrement de la personne pour laisser le « moi » du Christ déployer sa vie en nous. En somme la prière est un mouvement d’ouverture à la communion avec Dieu dans l’espace de l’alliance avec lui. Aujourd’hui, nous avons des difficultés pour prier, parce que nous sommes ébranlés dans notre foi. La prière, est toujours oratio fidei, c’est-à-dire, non seulement prière qui doit être faite avec foi, mais qui découle de la foi ; la prière est la capacité expressive de la foi, elle est la modalité de l’éloquence. Le milieu ecclésial n’est plus reconnu comme une école qui introduit à l’art de la « vie en Christ » : l’Eglise est devenue toujours davantage ministre de paroles éthiques, sociales, politiques, économiques, et semble avoir égaré l’usage de son message propre…Mais alors qu’est-ce que la prière veut dire véritablement ?

La prière n’est pas recherche de Dieu mais réponse de Dieu. Plus encore, nous ne prions pas la Tri-unité de Dieu, mais nous prions bien plutôt en elle, impliqués dans la communion de vie et d’amour qu’est la relation divine elle-même. Prier devient dès lors, faire l’expérience spirituelle de ce Dieu qui n’est pas infiniment lointain, mais qui est au-delà en étant au centre de notre vie. Prier, c’est accueillir une Présence découverte, désirée, invoquée, une Présence parfois immense, écrasante. En partant de l’écoute, à travers la découverte d’une Présence, nous nous ouvrons, par la prière, au dialogue, à la communion avec le Seigneur.

C’est de là que naît notre parrhésie dans la prière : elle est confiance, audace, liberté à se tenir devant Dieu, à lui parler avec franchise, en attendant sa réponse, qui est toujours en même temps un jugement prononcé sur notre vie. Ainsi nous est donnée la makrothymia de Dieu, la capacité de porter un regard ample, un sentiment vaste, une pensée large sur toute chose, sur chaque créature, même la plus misérable, même celle qui est le plus marquée par le péché et le plus blessée dans sa ressemblance avec Dieu.

Celui qui prie devient dioratique : il devient capable de voir « au-delà », de voir en profondeur ; il reconnaît que tout est grâce, que tout est don de Dieu, et –en Dieu – il assume les entrailles de miséricorde de Dieu, même face au mal et au péché qui contredisent l’agapè. Mais comment prier ?

Le Talmud enseigne que toute bénédiction dans laquelle le Nom divin n’est pas mentionné est nulle, et toute bénédiction qui n’évoque pas la royauté de Dieu est invalide (bBerakhot 40b). Aujourd’hui les chrétiens savent parler de Dieu, mais savent-ils aussi, comme les générations chrétiennes passées, parler à Dieu ?

Pour conclure, disons qu’en ce moment crucial de la vie de la Côte d’Ivoire, la prière elle-même devient une épreuve, et plus on prie, plus se déchaînent les ennemis, ces forces irrationnelles et hostiles à Dieu qui habitent les profondeurs non encore évangélisées du cœur. Il faut alors s’exercer à la persévérance, prier sans se lasser, attendre les temps de Dieu, et si l’on ne parvient plus à prier, continuer à offrir, quoiqu’il en soit, avec l’aridité de notre cœur, la présence de notre corps, sans voix et rebelle à la fatigue de la prière. Evitons donc de faire automatiquement de l’action une prière, et surtout, ne séparons pas la prière et l’action, la vie de foi et la pratique du monde, en délégant la vie de foi et la pratique du monde, en déléguant la prière aux moines ou aux solitaires contemplatifs.

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