CONTRIBUTION DE THALES, LE PHILOSOPHE-PHYSICIEN A LA RECHERCHE DE LA PAIX
Dr AKE Patrice Jean, Maître-assistant de Philosophie, UFR-SHS de l’Université de Cocody (Abidjan)
patrice.ake@ucocody.ci
RESUME
Thalès de Milet est un philosophe-physicien qui a mis sa science au service de la paix. Sa cosmologie peut se ramener à trois propositions : la première, la terre flotte sur l’eau ; la seconde, l’eau est la cause matérielle des choses ; la dernière, toutes choses sont pleines de dieux. La physique, la géométrie et l’arithmétique l’ont rendu célèbre. Il a œuvré pour la paix. La paix qui est vécue chez lui comme l’unité des savoirs mais aussi comme l’harmonie. Voilà pourquoi il peut être appelé le philosophe de l’harmonie universelle.
MOTS-CLEFS
Philosophie, sciences, paix, unité, eau, harmonie.
SUMMARY
The mixture of philosopher and practical scientist is seen very clearly in the case of Thales of Miletus. Thales works certainly for the building of peace by predicting the eclipse of the sun as occurring at the close of the war between the Lydians and the Medes. Peace is also Unity and Harmony in Thales’ philosophy. He conceives the notion of Unity in Difference and, while holding fast to the idea of unity, endeavors to account for the evident diversity of the many.
KEY-WORDS
Philosopher, scientist, peace, unity, harmony.
INTRODUCTION
La naissance de la pensée moderne se rattache au mouvement scientifique qui a trouvé son expression la plus célèbre dans l’œuvre de Galilée. Lorsque la physique mathématique eut acquis droit de cité, elle s’opposa à ce que l’on considérait communément au XVIè siècle et au début du XVIIè siècle comme la philosophie d’inspiration aristotélicienne que saint Thomas avait édifiée à la lumière de ses convictions religieuses. Sans doute cette philosophie avait-elle été déjà passablement malmenée par le nominalisme ; mais la science galiléenne, en la personne de ses principaux promoteurs, allait lui porter des coups encore plus durs. L’hostilité violente, qui devait ainsi éclater entre la philosophie et la science nouvelle était inévitable et commandée par les principes même dont s’inspiraient l’une et l’autre doctrine. Il s’agissait de malentendus qu’on aurait pu dissiper. Finalement il s’est agi d’une regrettable incompréhension réciproque qu’aurait dû écarter un plus grand effort de lucidité.
La physique galiléenne n’était, après tout, qu’une science et une méthode nouvelle ; si elle s’était cantonnée dans son propre domaine, elle n’aurait eu aucune occasion de heurter la philosophie, à condition, bien entendu, que celle-ci évitât, pour sa part, d’empiéter sur un terrain qui ne lui appartenait pas ; qu’elle se débarrassât de toute une série de superfétations, qui n’avaient rien à voir avec l’essence de la philosophie et qu’elle comprît qu’elle ne devait p as se substituer au patient labeur de la science expérimentale. Si de part et d’autre, on avait pris toutes les précautions, le conflit n’aurait pas éclaté. Mais alors pourquoi dans l’antiquité grecque le problème ne se posait-il pas ?
A ce séminaire interdisciplinaire “Philosophie et sciences: quel dialogue interdisciplinaire pour la recherche de la paix”, l’axe de réflexion “mathématiques et autres sciences pour une vision pacifique du monde” a rejoint nos interrogations sur Thalès de Milet. Thalès a été notre modèle parce qu’il a réussi à résoudre très tôt le conflit entre la science et la philosophie. Il s’est occupé de choses simples. Désireux de comprendre le monde où nous vivons, il s’occupe d’abord de ce qui se passe entre ciel et terre, et que les Grecs appellent les météores. C’est qu’il vit dans une ville de commerçants grecs. Il obéit dans sa recherche à des raisons d’utilité : il veut que les navires amènent au port leur cargaison et pour cela il veut savoir pourquoi tombe la pluie, ce que sont les vents, quels sont les astres sur lesquels se diriger, lesquels sont les plus mouvants et lesquels les plus fixes. Pour lui, la science n’a pas d’autre origine que la pratique.
Ensuite Thalès est aussi un physicien, trop attaché à la nature. Il pense en termes de matière. Elle est si précieuse qu’il la confond avec la vie. Le caractère rationnel et aussi le caractère universel de ses propositions font de lui le fondateur de la science, que nous définissons, à la suite de Bonnard André comme « un ensemble de propositions liées entre elles par des liens logiques et qui constituent des lois valables en tout temps[1]. »
La journée philosophique mondiale célébrée par l’UNESCO chaque année, le 15 Novembre, coïncide avec la journée nationale de la Paix. Cette paix que personne ne connaît véritablement aujourd’hui, n’est pas une simple pause dans un conflit armé. Cette paix qui est devenue fragile devant l’aggravation permanente de la situation catastrophique de la famine dans le monde, devant le sous-développement structurel des pays du tiers-monde et leur misère sociale indescriptible (conflit Nord-Sud), devant l’accumulation d’armes à haute puissance destructrice et la course générale aux armements (conflit Ouest-Est).[2] La première difficulté à saisir la paix hors de toute référence à la guerre est liée à l’étymologie même du mot « paix ».
Le latin pax vient de pangere, fixer, enfoncer, planter, river, établir solidement et s’engager à, promettre, conclure un pacte. La première détermination philologique de la paix est sa durée. Le concept de paix contient analytiquement une exigence de stabilité. La véritable paix est perpétuelle comme le temps qui la supporte, voire éternelle, au-dessus du temps. Le sens grec, ειρηνη insiste particulièrement sur le sens moral : la paix comme calme de l’âme et de l’esprit. Dans cette étymologie grecque, la paix signifie s’engager, tenir parole (de là l’irénisme, doctrine qui privilégie la paix comme valeur suprême). La paix est un état durable institué volontairement par différentes personnes au moyen d’un contrat éthico-juridique.
Deuxièmement la paix n’est pas seulement un répit de fait entre deux guerres, mais un état de droit moralement fondé. Elle n’est pas un état naturel mais institué par la volonté. Elle nous engage dans un projet et repose sur un contrat. Troisièmement la paix est une modalité d’être partagée et conclue, elle présuppose ou instaure une communauté d’action réciproque entre les hommes. On ne peut faire la paix qu’avec autre que soi. La paix avec soi-même exige toujours un dédoublement minimal du sujet de la pacification. Etre en paix avec soi, c’est réconcilier les tendances divergentes du Moi. Il n’y a pas de paix dans une absolue identité ou unité. La paix est plus union, unification qu’unité donnée. Elle suppose un minimum de différence. Cette pluralité différenciée des partenaires de paix est communion, accord, harmonie.
Ce 15 novembre est aussi la date où la communauté chrétienne célèbre St Albert qui a su mériter le nom de grand pour avoir su concilier sagesse humaine et foi divine. A l’école d’un tel maître, à travers nos progrès dans les sciences, nous voulons mieux contribuer à la recherche de la paix. Ainsi notre communication à ce colloque portera sur Thalès, précisément sur la contribution de ce philosophe-physicien à la recherche de la paix. Il nous faudra, dans un premier temps, établir ce qui fait la spécificité de Thalès comme philosophe. Puis nous verrons l’unité de sa pensée dans la jonction qu’il fait entre la philosophie et les sciences, dans un second moment. Enfin, dans un troisième moment nous montrerons comment cette saine alliance de la philosophie et des sciences en Thalès, a œuvré à la paix dans sa cité.
1 LA SPECIFICITE DE THALES COMME PHILOSOPHE
Dans le sens le plus général du mot, le substratum « philosophie » consiste en la prétention de connaître et d’enseigner la vérité sur les choses. En ce sens, dire que Thalès est philosophe, signifie qu’il veut savoir ce qu’est tout être en réalité et en vérité. Sa tâche essentielle est de pénétrer à travers la complexité des choses auxquelles il croit sans les avoir vues pour découvrir derrière elles la réalité. Or, pour Thalès, cette notion de réalité est l’eau. C’est ce qui a fait dire à Nietzsche que dans son opuscule La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque ceci : « La philosophie grecque semble commencer par cette idée absurde, que l’eau serait l’origine et le sein maternel de toute chose. »[3] Il nous invite, par conséquent, à nous arrêter à cet axiome pour trois raisons.
La première raison est que « c’est un axiome qui traite de l’origine des choses[4]. » La seconde, parce qu’ « il en parle sans image et sans fable[5]. » Enfin, la troisième qui nous intéresse par-dessus tout semble que cet axiome « contient, bien qu’à l’état de chrysalide, cette idée que <<tout est un>>[6]. »
La troisième raison fait de Thalès, aux dires de Nietzsche, un philosophe, bien qu’il soit, en même temps, un savant naturaliste. Cependant nous ne sommes pas d’accord avec Nietzsche quand il établit une séparation entre la science et la philosophie. Bien sûr, avec lui, nous sommes d’accord pour soutenir que la science sépare du commun des hommes religieux et superstitieux. Mais chez lui, la philosophie ne se sépare pas de la science, mais la dépasse. Thalès, ajoute-t-il, « en exposant cette hypothèse de l’unité de l’univers fondée sur la présence de l’eau, (a) dépassé le niveau très bas des théories physiques de son temps[7]. » Il l’a franchi d’un bond. Nous verrons dans la deuxième partie de notre texte, que ces observations scientifiques que Nietzsche relève, ne sont pas aussi « médiocres, incohérentes et tout empiriques[8]. » Bien sûr que Nietzsche privilégie la philosophie comme science quand il utilise l’expression « axiome philosophique » qui se résume ainsi « tout est un[9]. »
En Thalès, pense Nietzsche, la philosophie s’est arrachée au réel empirique, de l’attrait magique et des obstacles de l’expérience. La pensée philosophique indémontrable a, chez Thalès, une valeur, une force propulsive et l’espérance d’une fécondité future. En disant que ce n’est pas l’homme mais l’eau qui est le principe de toute chose, Thalès commence à croire à la nature, dans la mesure où il croit à l’eau. Mais il est aussi un mathématicien et un astronome, et en tant que scientifique, nous pensons qu’il a pu parvenir à la pure abstraction que tout est un.
2. UNITE DE LA PENSEE DE THALES DANS LA JONCTION PHILOSOPHIE-SCIENCES
Thalès est considéré comme le Père de la Géométrie ou encore comme le père de la pensée scientifique, l’initiateur dont les vues géniales orienteront les esprits vers un ordre de recherches absolument nouveau. Il est un homme de science en ce sens, qu’il a été, aux dires de Robert Baccou, dans (l’) histoire de la science grecque de Thalès à Socrate « le premier à poser correctement le problème de cette (discipline), à concevoir la possibilité d’une connaissance du monde essentiellement fondée sur la raison, à définir la nécessité de ramener la multiplicité des phénomènes à l’unité structurale d’un principe[10]. » Pour la commodité de cet exposé, nous suivrons la contribution de cet auteur[11] sous trois aspects principaux : la physique, l’astronomie et les mathématiques. Ces trois sciences, pour notre commentateur, sont loin d’être distinctes et ont pour trait d’union, cette forme générale de la spéculation qu’il appelle la philosophie.
Thalès, faut-il le rappeler, a choisi l’eau comme le principe des choses. Quoiqu’il ne nous reste aucun fragment authentique de lui, ce philosophe-physicien a employé un autre terme que « principe » pour désigner l’eau, peut-être le mot « nature », pris dans le sens assez vague de matière primitive. A l’origine, poursuit Robert Baccou, « on n’établit pas une distinction bien nette entre le principe et l’élément, qui paraissent se confondre du fait que l’on attribue au second un dynamisme interne qui l’apparente au premier[12]. » En d’autres termes, l’eau est, pour Thalès, de quelque manière qu’il l’ait désignée, à la fois, « l’élément et le principe[13] », comme diront les physiciens postérieurs.
Mais, sur quelles raisons se fonde cette hypothèse hardie qui affirme l’unité de la matière et définit sa forme la plus simple ? Peut-être a-t-elle un vague fondement mythique, quand il rappelle à propos de Thalès les vers suivants d’Homère : « L’Océan, genèse des dieux et la Mère Thétys » et « L’Océan qui est la genèse de tous les êtres[14]. » Mais qu’elle ait été ou non inspiré par la légende, il est certain que le Milésien lui confère une espèce de justification rationnelle.
En effet, tout semble vivre par l’eau : le monde végétal, le monde aquatique, le monde animal lui-même, où, dans toutes les espèces la semence est liquide, et la nourriture élaborée sous forme de suc. L’humidité entretient partout la vie, car le dessèchement paraît le signe de la mort. De la sorte, l’eau identifiée avec l’élément fluide, par excellence, est comme le véhicule de tout ce qui est nécessaire à la vie, et, par une généralisation forcée pour nous, mais naturelle chez un esprit qui fait l’apprentissage de la pensée logique, le principe de la vie elle-même, la nature que l’on retrouve partout en œuvre. D’ailleurs il n’est pas jusqu’aux choses inanimées qui ne puissent s’expliquer par les transformations, les métamorphoses, de l’eau primitive. L’eau en s’évaporant produit l’air qui nourrit le feu. Or, n’est-il pas séduisant de considérer ce dernier comme une sorte de raréfaction plus poussée de l’air issu de l’eau ? Et si, au contraire, comme envisage Baccou[15], les corps solides, dont la terre nous fournit le type, ne sera-t-il pas possible d’y voir une forme contractée de la nature originelle ? Assurément, l’hypothèse apparaît ici moins fondée, car si Thalès pouvait confondre l’air avec la vapeur d’eau, il n’ignorait pas que l’eau solidifiée produit la glace. Donc, outre la contraction produite par le froid, Thalès en envisageait une autre, due à d’autres causes. Et il appuyait cette conjecture sur une observation, fort mal interprétée si l’on veut, mais qui dénote tout de même un certain souci de vérité expérimentale : la formation des terrains alluvionnaires à la bouche des fleuves. Ainsi chez le Milésien nous pouvons saisir l’un des caractères essentiels de la pensée grecque : l’effort d’unification du réel en un système cohérent, qui a rendu possible la constitution d’une science rationnelle.
Nous n’allons pas nous étendre davantage sur la cosmologie de Thalès ; tout en rappelant que l’eau a une importance capitale dans sa pensée[16]. L’œuvre de Thalès en mathématiques, mais surtout en géométrie, est aussi impressionnante[17]. Pour mémoire, retenons les théorèmes suivants : premièrement, le cercle est partagé en deux parties égales par son diamètre. Deuxièmement, les angles à la base d’un triangle isocèle sont égaux. Troisièmement, si deux lignes droites se coupent entre elles, les angles opposés qu’elles forment sont égaux. Quatrièmement, l’angle inscrit dans une demi-circonférence est un angle droit. Enfin, un triangle se trouve déterminé si sa base et les angles relatifs à cette base sont donnés[18]. » Ce qui nous frappe dans tous ces théorèmes, c’est l’égalité des rapports, mais aussi les proportions qui tournent autour de l’idée d’harmonie. La première proposition est assurément fondée sur l’intuition, et il est certain que Thalès ne s’est point embarrassé pour la démonter. Elle devait être pour lui une espèce d’axiome. Thalès n’a pas non plus démontré les autres propositions. Des propositions 2 et 3 il a tiré une première notion du lieu géométrique, en remarquant que tous les triangles rectangles construits sur une ligne déterminée comme hypoténuse ont le sommet de l’angle droit sur une circonférence. L’hypothèse est assez hardie, mais non pas dénuée de tout fondement.
Venons-en à présent au célèbre théorème des proportions qui a immortalisé le nom du géomètre Milésien : Si l’on mène une droite à l’un des côtés d’un triangle, cette droite coupera proportionnellement les côtés de ce triangle. Dans les triangles équiangles, les côtés autour des angles égaux sont homologues.
Les cinq ou six propositions attribuées à Thalès, il est facile de s’en rendre compte, en supposent bien d’autres. Mais ce n’est pas leur nombre, quel qu’il puisse être, qui importe le plus à nos yeux, c’est une conception toute nouvelle, abstraite et purement rationnelle de la science géométrique. Avec Thalès, cette science se fonde sur son vrai plan, se pose hardiment comme indépendante des données empiriques, comme libre et désintéressée à l’égard de l’utilité directe. Et déjà elle découvre quelques-uns de ses procédés essentiels. Sans doute elle fait encore appel, pour une large part, à l’intuition. En d’autres termes, elle n’analyse pas toujours rigoureusement des données qui lui semblent immédiates.
En résumé, on peut dire que Thalès est le véritable créateur de la géométrie, car avec lui cette étude prend les caractères qui la marqueront désormais. Il est aussi le vrai fondateur de la science cosmologique. S’est-on jamais demandé quel effort d’abstraction suppose la conception d’un élément unique, dont les transformations successives ou simultanées sont censées rendre compte de ces phénomènes ? L’ harmonie trouvée, par exemle, dans la géométrie, Thalès l’a mise au service de la paix dans sa cité.
3. LA PHILOSOPHIE ET LES SCIENCES AU SERVICE DE LA PAIX
L’activité scientifique et philosophique de Thalès a été mise très tôt au service de la paix. Thalès apparaît dans les récits d’Hérodote quelque temps avant la chute de l’empire lydien. Selon Hérodote, dont le témoignage nous est rapporté par Kirk, Raven et Schofield[19], avant que l’Ionie soit détruite, Thalès de Milet, d’ascendance phénicienne, avait émis une opinion utile en conseillant aux Ioniens d’instituer un conseil délibératif unique : ce conseil devrait siéger à Téos, car, disait-il, cette ville était au centre de l’Ionie ; les autres cités continueraient à être habitées, mais seraient considérées comme des dèmes.
Un autre texte d’Hérodote, cité par nos trois experts[20], nous apprend que lorsqu’il eut atteint les rives du fleuve Halys, Crésus, fit passer son armée sur les ponts qui existaient, mais d’après les récits en cours chez les Grecs, c’est Thalès le Milésien qui rendit possible le passage de l’armée de Crésus. D’après les rumeurs, Crésus aurait été emprunté pour faire passer la rivière à son armée, car ces ponts n’existaient pas encore à l’époque ; Thalès qui se trouvait au sein de l’armée, aurait dévié le cours de la rivière qui coulait à gauche de l’armée, et fait en sorte qu’elle coule aussi à droite. Il s’y prit de cette manière : en amont de l’armée, il fit creuser un profond canal auquel il donna la forme d’un croissant, de sorte que l’eau coule autour du site où l’armée campait ; de cette façon, la rivière se trouvait détournée de son lit par le canal et après avoir contourné le camp, retrouvait son ancien lit. Le résultat fut, d’après Hérodote, qu’une fois la rivière divisée en deux, chacun des bras pouvait être passé à gué. Quelle belle harmonie géométrique que cette rivière divisée en forme de croissant. Ainsi, comme l’affirment Diogène Laërce[21] et Hérodote, Thalès fut un meilleur conseiller dans les affaires publiques. Hérodote quant à lui, fournit un témoignage capital sur l’activité de Thalès, en tant que homme de paix qui met sa science au service de la paix. C’est cette action politique qui a valu au fondateur de l’école milésienne sa place incontestée parmi les Sept Sages, et c’est surtout par ce qu’il fut au nombre de ces grands hommes que s’attachèrent à son nom les nombreuses anecdotes dont on lui fit honneur dans la suite. Il fut le seul qui avait poussé la science par la théorie au-delà de l’utilité pratique : c’est à leurs mérites d’ordre politique que les autres sages durent leur réputation.
Cette faculté d’adaptation intellectuelle semble être une caractéristique des penseurs milésiens qu’on serait tenter de considérer trop exclusivement comme des théoriciens de la physique. Thalès plus particulièrement est devenu le symbole de l’ingéniosité dans les sciences mathématiques et géométriques.
CONCLUSION
L’unitotalité du savoir se retrouve en Thalès dans sa philosophie, ses sciences et sa politique. La paix n’est-ce pas aussi tout cela ? D’abord, la paix autour de l’idée d’unité, l’unité des sciences, mais aussi l’unité des sciences avec la philosophie. Thalès a fondé sa philosophie un principe qui est l’eau. L’eau aussi unit car il s’associe facilement à tous les autres éléments. La paix est cette chose qui unit comme l’eau. Dans nos cultures africaines, l’eau sert aussi à unir les cœurs, à bénir et à sanctifier. La paix c’est aussi l’harmonie, chez Thalès, la belle ordonnance, la composition parfaite[22]. Cette harmonie Thalès nous la traduit dans sa géométrie et son arithmétique par l’égalité des proportions, l’égalité des angles. Ce Milésien pratique aussi l’art du goût, de la dégustation et est un homme au goût subtil[23]. Il sait aussi que c’est l’homme qui tue, non l’épée ou le canon[24]. Tout en nous invitant à rechercher les éléments de l’agressivité plus que des instruments qu’elle emploie, Thalès cherche à faire résonner en nous, cette symphonie universelle qu’est la paix. Diogène Laërce affirme qu’il est mort en regardant un concours gymnique, de soif ou de faiblesse, alors qu’il était déjà âgé. Et sur sa tombe fut inscrit « ce tombeau est certes étroit, mais considère qu’elle atteint les dimensions du ciel. La gloire de Thalès, l’homme très sensé[25]. »
BIBLIOGRAPHIE
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BONNARD (André).- Civilisation grecque (Paris, éditions Albert Mermoud Vilo 1980)
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KIRK (G.S.-RAVEN(J.E)-SCHOFIED(M.).- Les philosophes présocratiques. Une histoire critique avec un choix de textes, (Paris, Cerf 1995)
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METTNER(Mathias).- « Paix » in Dictionnaire de Théologie (Paris, Cerf 1988)
NIETZSCHE(Friedrich).- La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque (Paris, Gallimard 1938)
[1] BONNARD (André).- Civilisation grecque (Paris, éditions Albert Mermoud Vilo 1980), p. 303.
[2] METTNER(Mathias).- « Paix » in Dictionnaire de Théologie (Paris, Cerf 1988), p. 480.
[3] NIETZSCHE(Friedrich).- La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque (Paris, Gallimard 1938), p. 34.
[4] NIETZSCHE(Friedrich).- La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque (Paris, Gallimard 1938), p. 35.
[5] NIETZSCHE(Friedrich).- La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque (Paris, Gallimard 1938), p. 35.
[6] NIETZSCHE(Friedrich).- La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque (Paris, Gallimard 1938), p. 35.
[7] NIETZSCHE(Friedrich).- La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque (Paris, Gallimard 1938), p. 35.
[8] NIETZSCHE(Friedrich).- La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque (Paris, Gallimard 1938), p. 35.
[9] NIETZSCHE(Friedrich).- La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque (Paris, Gallimard 1938), p. 35.
[10] BACCOU(Robert).- Histoire de la science grecque de Thalès à Socrate (Paris, Aubier 1951), p. 44.
[11] BACCOU(Robert).- Histoire de la science grecque de Thalès à Socrate (Paris, Aubier 1951), p. 49.
[12] BACCOU(Robert).- Histoire de la science grecque de Thalès à Socrate (Paris, Aubier 1951), p. 50.
[13] BACCOU(Robert).- Histoire de la science grecque de Thalès à Socrate (Paris, Aubier 1951), p. 50.
[14] HOMERE.- Iliade XIV,201 et Iliade XIV, 246, texte établi et traduit par Paul Mazon avec la collaboration de Pierre Chantraine et autres, (Paris, Belles Lettres 1938)
[15] BACCOU(Robert).- Histoire de la science grecque de Thalès à Socrate (Paris, Aubier 1951), p. 51.
[16] BACCOU(Robert).- Histoire de la science grecque de Thalès à Socrate (Paris, Aubier 1951), p. 54.
[17] BACCOU(Robert).- Histoire de la science grecque de Thalès à Socrate (Paris, Aubier 1951), p. 56-57.
[18] BACCOU(Robert).- Histoire de la science grecque de Thalès à Socrate (Paris, Aubier 1951), p. 56.
[19] KIRK(G.S.-RAVEN(J.E)-SCHOFIED(M.).- Les philosophes présocratiques. Une histoire critique avec un choix de textes, (Paris, Cerf 1995), p. 80.
[20] KIRK(G.S.-RAVEN(J.E)-SCHOFIED(M.).- Les philosophes présocratiques. Une histoire critique avec un choix de textes, (Paris, Cerf 1995), p. 81.
[21] LAERCE(Diogène).- Vies et doctrines des philosophes illustres (Paris, Livre de Poche, librairie générale française 1999), p. 82.
[22] GIGON(Olof).- Les grands problèmes de la philosophie antique (Paris, Payot, 1961), p. 177.
[23] NIETZSCHE(Friedrich).- La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque (Paris, Gallimard 1938), p. 38.
[24] COSTE(René).- « Paix » in Dictionnaire de Spiritualité (Paris, Beauchesne 1984), p. 47
[25] LAERCE(Diogène).- Vies et doctrines des philosophes illustres (Paris, Livre de Poche, librairie générale française 1999), p. 91.